Le deal à 2 milliards d’euros de l’État belge

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L’Etat a vendu un quart de ses titres BNP Paribas, empochant une plus-value de 140 millions d’euros. Le point en trois questions.

Le gouvernement fédéral a décidé de vendre l’équivalent de 2,5 % du capital de BNP Paribas au prix net de 62,3 euros par action. Il a fait passer ainsi sa participation de 10,3 à 7,8 %, empochant près de 2 milliards d’euros dans l’opération. Une opération d’envergure, qui suscite son lot de questions.

1. Cette cession est-elle une bonne affaire ? Lorsque l’Etat avait sauvé Fortis avec l’aide de BNP, l’accord stipulait que la Belgique cédait au groupe français 75 % de la banque belge et recevait en échange des actions BNPP. Sur papier, cet échange valorisait l’action BNPP à 68 euros. Mais c’était oublier la plus-value que l’Etat avait réalisée sur la cession de Fortis Banque : l’Etat avait en effet acheté au groupe Fortis en déconfiture sa banque belge à un prix moins élevé que celui auquel il l’a apportée à BNP. En tenant compte de ce gain, le prix d’acquisition des actions BNP tombait à 58 euros. En vendant aujourd’hui à un peu plus de 62 euros (net de frais), l’Etat acte donc un petit gain de 140 millions.

Oui mais, entre 2008 et aujourd’hui, l’Etat a reçu de BNPP des dividendes qui se sont élevés au total à 1,83 milliard. Plutôt que d’empocher 2 milliards pour réduire sa dette, la Belgique n’aurait-elle pas mieux fait, surtout en cette période d’argent pas cher, de continuer à conserver toutes ses actions BNPP ? Mauvais raisonnement, répond le chief economist d’Orcadia, Etienne de Callataÿ, qui souligne que l’Etat n’est pas un investisseur comme un autre. ” Certes, dit-il, l’économie sur les charges d’intérêt réalisée par la vente rapportera moins que les dividendes. Mais alors il faut être cohérent : endettons-nous pour investir dans des paniers d’actions internationales ! On voit bien que ce n’est pas le rôle de l’Etat. ” Un avis qui rejoint celui de Mathias Dewatripont (voir son interview en page 46).

2. Cette vente était-elle nécessaire pour amadouer la Commission européenne ? Après un exercice 2016 au cours duquel ni la dette ni le déficit n’ont été réduits, le gouvernement fédéral attend avec un brin d’inquiétude le bulletin budgétaire de la Commission. La revente des actions de BNP Paribas est à cet égard ” un mouvement que nous pouvons mettre en avant dans notre dialogue avec la Commission “, a précisé le Premier ministre Charles Michel. Mais qui peut sincèrement penser que cette Commission va être impressionnée de constater que la dette publique belge descend de 105,9 à 105,4 % du PIB ? ” Réduire ainsi la dette mais ne plus avoir les titres dans son actif, c’est chou vert et vert chou, ajoute Etienne de Callataÿ. Si on la pense incapable au point de ne pas regarder les assets dans son analyse d’un pays, alors on quitte l’Union européenne. ” L’économiste dénonce cette pratique du ” c’est la faute à Bruxelles “, qui alimente les populismes anti-européens.

3. Le produit de la vente ne devrait-il pas financer les investissements publics plutôt que d’accélérer le désendettement ? La Belgique espère faire ici d’une pierre deux coups. D’abord, elle se plie aux règles européennes qui imposent de tout imputer au désendettement. Mais elle s’appuie ensuite sur cette attitude vertueuse pour demander, en retour, un geste de la Commission en faveur de l’assouplissement des règles comptables relatives aux… investissements publics. Il s’agirait d’autoriser les entités publiques à amortir leurs amortissements sur plusieurs exercices, comme le font les entreprises privées. ” Sur combien d’années faudrait-il alors amortir une autoroute wallonne ou les tunnels bruxel- lois ? , interroge Etienne de Callataÿ. Ce n’est pas évident à déterminer. Peut-être que la règle qui autorisait 3 % de déficit pour permettre d’investir n’était finalement pas si sotte. ” Sans oublier que l’histoire nous a appris que tous les travaux publics n’étaient pas toujours utiles…

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