Ode à la vente

Frank Maene © Photo News

L’ultime critère de réussite pour une start-up est de convaincre des clients payants afin que ceux-ci génèrent des revenus. Malheureusement, la grande majorité des start-up belges ne vendent pas bien.

À quoi bon développer un produit si personne ne le connaît ou ne l’achète ? Pourquoi les Américains et les Néerlandais réussissent-ils mieux à cet égard ? Cela tient en partie à des facteurs culturels. Les Belges n’aiment pas les vendeurs, alors qu’un bon vendeur américain sera respecté même par un sans-abri. La Belgique est un pays d’entrepreneurs plutôt gentils.

L’époque du bon vendeur, comme Théophile Boomerang dans Bob et Bobette et Balthazar Boma dans la série télévisée flamande F. C. De Kampioenen est loin derrière nous. Les clients sont plus intelligents que ça. Ils veulent traiter avec un vendeur qui essaie de comprendre leurs besoins et formule une réponse adaptée à ceux-ci pour un prix acceptable.

Devenir vendeur

Tout le monde n’est pas né vendeur, mais beaucoup de gens peuvent le devenir. La vente devrait à tout le moins être incluse dans le cursus d’un MBA et dans les orientations économiques. La matière dite “négociation” qui est aujourd’hui enseignée dans de telles formations est trop focalisée sur la phase finale des cycles de vente, où il s’agit de marchander sur le prix et d’autres conditions.

Vendre, c’est bien plus que ça. Il est essentiel d’évaluer correctement les clients potentiels dès le départ. Pour quels prospects la correspondance entre ce qu’ils cherchent et ce que vous pouvez proposer est-elle la meilleure ? C’est avec eux que vos chances de conclure un marché sont les plus grandes. Le questionnaire qui suit vous mettra sur la bonne voie :

  • Où y a-t-il des possibilités d’augmenter le chiffre d’affaires ou de réduire les coûts pour le client ? Quelles inefficacités pouvons-nous résoudre ? Existe-t-il une nouvelle législation à laquelle l’entreprise doit se conformer ?
  • Quel est le budget de notre produit ? Que pouvons-nous proposer au client dans les limites de ce budget ? D’ailleurs, si vous n’avez pas perdu une affaire le mois dernier à cause du prix, c’est que votre prix est tout simplement trop bas. Demandez-vous alors si votre manière de fixer les prix est correcte.
  • Qui prend la décision ? Beaucoup de starters ayant une formation technique (la plupart d’entre eux donc) commettent l’erreur de s’adresser à un technicien chez le client potentiel. Cependant, celui-ci ne décidera pas seul. Son patron, le directeur financier, les responsables du marketing ou des achats ou l’un ou l’autre comité auront aussi voix au chapitre.
  • Qui sont les concurrents et comment votre produit se différencie-t-il des leurs ? Qu’est-ce qui fait que vous êtes différent, meilleur, plus rapide ou moins cher ?
  • Quel est le calendrier des étapes dans le processus de vente ? Quand pouvez-vous manoeuvrer pour obtenir la signature d’un contrat ? Quel est le but d’un proof of concept (une démonstration de faisabilité) et d’engagements en vue du processus de vente ultérieur ?

Qualifier

Si vous n’avez pas de réponse à un grand nombre de ces questions, vous devez soit continuer à questionner, soit privilégier les clients dont vous obtiendrez les bonnes réponses. Je vois trop de starters qui s’estiment riches après une réunion chez un client potentiel. Ils ont fait une démonstration ou parlé de leur produit pendant une heure, mais ils oublient d’évaluer la qualité du client, de convenir des étapes de suivi ou d’envoyer un bref courriel de remerciement avec un résumé de la réunion. Trop souvent, le vendeur belge est trop docile ou trop naïf. Votre produit est nouveau pour le client. Celui-ci souhaite justement que le vendeur, en qui il est en droit d’attendre un expert, le prenne par la main.

La vente est l’alpha et l’oméga d’une start-up. C’est le début, parce que vous ne commencez à construire un produit qu’après avoir suffisamment évalué les opportunités de vente. Les Américains commencent par une présentation PowerPoint et éventuellement une version démo avec des clients et partenaires potentiels. Ils vont même s’entretenir avec leurs concurrents. De cette façon, ils apprennent ce que le marché souhaite avant de plonger trop profondément dans le produit.

Et la vente est aussi la fin, parce que seul le revenu des ventes paiera les salaires. Il ne faut pas seulement de bons produits, mais aussi de bons vendeurs. Voilà pourquoi les vendeurs méritent tout le respect du monde.

Par Frank Maene

L’auteur est associé directeur général du fonds de capital-risque technologique Volta Ventures.

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