À la maison Looze, le café devient un grand cru

© FREDERIC RAEVENS

En Belgique, les torréfacteurs artisanaux se comptent sur les doigts des deux mains. Actifs depuis les années 1950, les cafés Looze sont de ceux-là. Comme les thés et leurs grands crus, il est possible de trouver du café de qualité, artisanal, d’origine variée et qui tranche avec le tout-venant des supermarchés ou des grands groupes.

Dans les années 1950, Jacques Looze court en culottes courtes dans les plantations de café de ses parents au Congo. Après l’indépendance et la perte des plantations, la famille rachète un atelier de torréfaction au boulevard Léopold II à Molenbeek ainsi qu’un comptoir des ventes chaussée de Waterloo à Uccle. En 1994, Jacques décide de se concentrer sur la vente au gros et se replie sur Feluy.

Aujourd’hui retraité, Jacques pratique la pêche et le golf mais garde un oeil sur les cafés J.J. Looze (J.J. pour Joseph, le grand-père fondateur, et Jacques) que dirige sa fille Sylvie avec Alain Bullens, responsable de la torréfaction et des transports. D’ailleurs, Jacques ne raterait la torréfaction du lundi pour tous les grains de café du monde. Aujourd’hui, les Cafés J.J. Looze, une société de deux personnes, servent un millier de clients dont une centaine très réguliers : des entreprises, des restaurants, des magasins et des particuliers via le site internet ou la vente en direct à Feluy. En tout, cela représente 60 tonnes de café torréfié chaque année.

Baies cueillies à la main

Jacques et Sylvie Looze:
Jacques et Sylvie Looze: “Nous proposons aux restaurants de réaliser leur propre mélange.”© DR

Les Cafés J.J. Looze n’achètent que des baies de très grande qualité. Elles doivent être cueillies mûres et à la main. Les arabicas – la société importe très peu de robustas car elle ne les propose qu’en faible pourcentage dans les mélanges – doivent être traités par voie humide. ” C’est un processus plus cher que la voie mécanique classique, explique Sylvie Looze. Les cerises sont déparchées (débarrassées d’une pellicule appelée la parche, Ndlr) et dépulpées dans des bains d’eau avec une fermentation de quelques heures. Ensuite, elles doivent être triées à la main. Nous n’acceptons aucune brisure. Ce sont ces grains-là que vous retrouvez dans le café moulu tout venant. Il est moins cher que le café en grain puisque l’aspect visuel n’a aucune importance. ”

Sylvie Looze achète son café auprès d’importateurs belges localisés à Anvers qui disposent de grands crus et de lots de très haute qualité en petite quantité. Pas d’importation en direct, histoire de garantir une qualité constante sur le long terme mais aussi parce que le marché est suffisamment bien structuré pour garantir un prix correct. Une fois arrivé, le café est torréfié en fonction de la demande tous les lundis dans une vieille machine allemande de 1956 qui donne toujours des résultats impressionnants.

Mais au fait à quoi reconnaît-on une bonne torréfaction ? ” Quand vous regardez un grain fraîchement torréfié de façon artisanale, vous allez souvent apercevoir une ligne blanche au milieu, explique Sylvie Looze. Il s’agit d’un résidu de la parche, la membrane qui sépare les deux grands ovales du reste du fruit. ” ” Il n’y a pas 50 façons de torréfier mais une seule, poursuit Jacques Looze. Si vous sortez les grains trop tôt, les arômes ne se développeront pas. Si vous arrêtez trop tard, ils vont se charger de graisse et rancir au bout de quelques jours. En fait, tout est une question d’expérience. Au début de la torréfaction, le grain craque : il s’ouvre et perd son humidité. Il crépite une seconde fois, c’est là qu’il faut arrêter. Chez nous, à la fin de la torréfaction, on inverse la soufflerie pour refroidir. L’industrie, elle, va injecter de l’eau. En soi, cela ne dénature pas vraiment le goût mais cela fait regagner les 20 % en poids perdus lors de la torréfaction. Vous devinez aisément pourquoi ils font cela… ”

Comme le vin

À la maison Looze, le café devient un grand cru
© Frédéric Raevens

Les Cafés Looze proposent des cafés 100 % origine mais aussi des mélanges inédits, signatures de la maison. Parfois, à la demande de clients, boutiques ou restaurants, ce mélange est fait sur mesure. Cet assemblage de cafés de diverses origines est comparable à l’assemblage des cépages dans un vin. Il faut trouver un équilibre et une harmonie. ” L’arôme est le début de bouche, explique Jacques Looze. Un bon café doit avoir de la finesse et une belle acidité en fin de bouche. Cette acidité est la marque de qualité des arabicas, la source de leurs arômes subtils. Pour vous donner une idée, dans notre mélange expresso, je mets du Honduras qui corse, du Guatemala qui aromatise, du Santos qui adoucit et rend moelleux et enfin, du Costa Rica qui affine le mélange. ”

Qui dit café de qualité pense évidemment à gastronomie. En effet, finir un bon repas va souvent de pair avec un bon café. Jusqu’il y a peu, tous les hôtels quatre et cinq étoiles de Bruxelles proposaient du café Looze au petit-déjeuner. Aujourd’hui, la marque fait le bonheur d’un certain nombre de nos tables étoilées : le Chalet de la Forêt (Uccle), Maison Marit (Braine-L’Alleud), La Grappe d’Or (Torgny), Le Pilori (Ecaussines-Lalaing), Alain Bianchin (Overijse), Le Coq aux Champs (Soheit-Tinlot), etc. Sans oublier les deux adresses bruxelloises du chef bi-étoilé de l’Air du Temps, Sang-Hoon Degeimbre.

À la maison Looze, le café devient un grand cru
© Frédéric Raevens

Pourtant, malgré la qualité du café, il n’est pas simple de se retrouver sur ces tables haut de gamme. ” La concurrence est rude, confie Sylvie Looze. Certains groupes bien connus écrasent tout sur leur passage et proposent des services avec lesquels nous ne pouvons rivaliser. Nous n’offrons ni machine, ni tasse ou petite cuillère… Ceci dit, je ne comprends pas certaines grandes maisons qui se disent défenseurs du terroir et du savoir-faire local et qui travaillent avec de telles multinationales. Il y a une véritable plus-value pour le client de travailler avec une maison comme nous. Le café est de grande qualité, artisanal et nous proposons à chaque restaurant de réaliser son propre mélange. Mais le café n’est souvent pas leur préoccupation première. Ils font attention à leurs poissons ou leurs volailles mais pas à leur café. Cela fait 20 ans qu’on se bat pour avoir une carte de cafés dans les restaurants. Comme pour le thé en somme. Mais on nous répond toujours que c’est trop compliqué. Ce n’est pas vrai. Cela a d’ailleurs failli se faire au Chalet de la Forêt avec le sommelier César Roman. ”

La percolation, de préférence

Quand on achète un café de qualité, mieux vaut le préparer dans les meilleures conditions. ” Les dégustateurs goûtent via infusion, conclut Sylvie Looze. En gros, la percolation ou infusion reste la meilleure manière d’exprimer toutes les qualités gustatives d’un café. L’eau doit être à 95 ° et ne doit pas couler trop vite. Le café doit toujours être au contact de l’eau, il ne faut donc pas arrêter ou verser par à-coups. Enfin, idéalement, il faut humidifier le filtre avant d’y placer le café. Donc finalement, une percolation à la main, comme le faisaient nos grands-mères, c’est l’idéal. L’expresso n’est pas mal non plus, mais il a tendance à gommer une partie des goûts. L’avantage est qu’un mauvais café sera un peu moins mauvais… Un bon expresso doit présenter une belle crème de couleur chamois et une absence de bulles au bord de la tasse. La cafetière italienne brûle quant à elle un peu le café. La cafetière à piston donne de bons résultats si on utilise une grosse mouture, mais vous n’êtes pas à l’abri d’un dépôt de marc dans la tasse. Ceci dit, la préparation du café ne remplacera jamais la qualité des grains de base. C’est un peu le reproche que je fais aux baristas. Moi, je veux d’abord choisir mon café avant la manière de le préparer. ”

www.cafesjjlooze.be

Par Xavier Beghin.

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