Eurofighter: Airbus rattrapé par une affaire de corruption en Autriche

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Le groupe aéronautique européen Airbus va devoir répondre des conditions de vente d’avions de combat Eurofighter à l’Autriche en 2003, un contrat controversé entaché depuis des années de soupçons de fraude et corruption, a annoncé jeudi le ministère de la Défense à Vienne.

“Nous déposerons une plainte en justice contre Airbus”, a déclaré à l’AFP un porte-parole, Michael Bauer, au terme d’une enquête ouverte en 2012.

Dans un communiqué, le ministère de la Défense autrichien accuse le consortium européen d’avoir “depuis 2002 délibérément trompé la République d’Autriche tant sur le vrai prix que sur les vraies capacités de livraison et les vrais équipements” des appareils.

Vienne entend réclamer un remboursement du préjudice, estimé, selon ce communiqué, au minimum à 183,4 millions d’euros et jusqu’à 1,1 milliard d’euros.

“Nous ne savons sur quelles constatations est basée” la décision du gouvernement autrichien, a réagi Airbus dans une déclaration transmise à l’AFP.

Le groupe, qui assure n’avoir “aucun détail” sur la plainte, affirme avoir collaboré ces dernières années avec les autorités, “par exemple à travers (ses) propres enquêtes”.

Les soupçons de corruption autour de ce contrat militaire, conclu en juillet 2003 entre le gouvernement du chancelier conservateur Wolfgang Schüssel et EADS Allemagne, ont rythmé la vie politique autrichienne durant des années.

Négocié malgré les critiques du parti d’extrême droite FPÖ, partenaire de coalition de M. Schüssel, et de l’opposition de gauche, ce contrat portait sur la vente de 18 appareils Eurofighter Typhoon pour 2 milliards d’euros.

Le rapport ministériel autrichien affirme que sans ces actions “de tromperie” d’Airbus et d’Eurofighter, l’Autriche ne se serait pas décidée pour l’achat de ces avions.

Sous la pression de l’opinion publique, dans un pays neutre où le prix et la nécessité de cet investissement avaient été vivement contestés, la commande avait été réduite en 2007 à 15 appareils pour environ 1,7 milliard d’euros, à défaut de pouvoir être annulée par le nouveau chancelier social-démocrate Alfred Gusenbauer.

Le chef de l’armée de l’air autrichienne, le général Erich Wolf, avait été sanctionné en avril 2007 parce que son épouse avait accepté une somme de quelque 90.000 euros d’un lobbyiste d’EADS, devenu depuis Airbus.

Rectification fiscale

Une nouvelle enquête a toutefois été ouverte en 2012 par les parquets de Vienne et de Munich, dans le sud de l’Allemagne. Dans ce cadre, Airbus a indiqué fin janvier avoir accepté une procédure de rectification fiscale en Allemagne concernant cette vente d’avions.

Selon le journal Süddeutsche Zeitung et les chaînes NDR et WDR, cette procédure porte sur le “paiement douteux de 90 millions d’euros”, que le fisc allemand refuse de comptabiliser comme des frais d’exploitation.

Lancé en 2003, l’Eurofighter Typhoon est construit par un consortium européen formé du groupe franco-germano-espagnol de défense EADS, du britannique BAe Systems et de l’italien Alenia (groupe Finmeccanica). A l’origine, Vienne voulait en acheter 24 exemplaires mais avait dû revenir à 18 pour des raisons budgétaires.

Le contrat avait échappé au constructeur américain Lockheed Martin, qui avait proposé 30 avions de combat F-16 A/B pour 1,1 milliard d’euros, et à l’avionneur suédois Saab, qui avait offert 24 chasseurs-bombardiers JAS-39 Gripen pour 2,15 milliards d’euros.

En août 2002, une consultation populaire contre cet achat d’avions de combat, soutenue par le FPÖ, avait recueilli 624.720 signatures, soit 10,65% des inscrits sur les listes électorales.

Avec 559 avions vendus fin 2015, l’Eurofighter Typhoon, un avion de combat polyvalent concurrent notamment du Rafale du français Dassault, se présente comme le plus important programme d’équipement militaire en Europe. Il génère quelque 100.000 emplois, répartis dans 400 entreprises, selon Airbus.

En septembre 2015, le consortium avait annoncé la vente de 28 appareils au Koweit. Lancé en 2003, l’appareil équipe également l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’ Espagne, l’Arabie saoudite et le Sultanat d’Oman.

A l’automne 2014, l’Allemagne avait annoncé suspendre la réception de Typhoon en raison d’un défaut de fabrication affectant le fuselage. L’Autriche avait reconnu que ses appareils étaient également affectés par le problème.

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