Quel avenir pour la voiture de société ?

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Alors que la voiture de société est accusée de tous les maux, le secteur automobile s’efforce d’objectiver le débat avec une étude sur l’avenir de ces véhicules. Les gestionnaires de flotte sont confrontés à de nombreux défis comme la “dédieselisation” du parc automobile, les caprices de la fiscalité et la difficulté d’introduire un budget mobilité.

Tester une idée (fiscale) relative aux véhicules de société sur les réseaux (sociaux) suscite toujours de nombreuses réactions passionnées. Il en va tout autrement quand il s’agit d’élaborer une mesure sérieuse comme l’introduction d’un budget mobilité visant à encourager une partie des utilisateurs de voiture de société à préférer le vélo ou les transports publics.

Miel Horsten, président de Renta, la fédération belge des loueurs de véhicules, est excédé par la politique d’annonces tapageuses sur les voitures de société et la mobilité. La façon dont le gouvernement Michel a lancé la prime de mobilité (cash for car) et soufflé le chaud et le froid sur la déduction fiscale des véhicules hybrides est exemplaire, estime-t-il. Le secteur souhaite un débat plus serein et davantage d’expertise. ” Il ne faut pas stigmatiser. Qu’il s’agisse d’une hybride, d’une diesel ou d’une voiture 100 % électrique, les émotions n’ont pas leur place dans le débat “, argue-t-on du côté de Renta.

Les trois grandes fédérations du secteur automobile, la Febiac (les constructeurs), Renta (les loueurs) et Traxio (les vendeurs) ont commandé une étude afin d’objectiver le débat sur les voitures de société. ” Les alternative facts avancés dans ce débat sont tout simplement inacceptables. Cette étude a pour but de sonder ce que pensent vraiment les utilisateurs de voitures de société et les gestionnaires de flotte “, déclare Miel Horsten. Pour cette première édition du Belgian Company Cars Report, le bureau d’étude Indiville a interrogé 263 gestionnaires de flotte et 480 conducteurs de voitures de société sur les tendances à anticiper au cours des six à douze prochains mois en matière de gestion de parc automobile et de mobilité.

Questionnés sur les principaux défis qui les attendent à court et moyen terme, les gestionnaires de parc automobile citent entre autres le transfert du diesel vers les moteurs hybrides et à essence, les revirements fiscaux, l’introduction du budget mobilité, les projets du gouvernement visant à promouvoir l’échange de la voiture de société contre un supplément de salaire net et la possible introduction d’une taxe au kilomètre sur les voitures de particulier.

Le principal obastacle pour les voitures de société électriques est le manque d'infrastructures de recharge.
Le principal obastacle pour les voitures de société électriques est le manque d’infrastructures de recharge. © istock

Fin de la toute-puissance du diesel

Au premier semestre 2017, les 50 membres de Renta totalisaient à eux seuls 24 % des ventes de nouvelles voitures en Belgique et la moitié des ventes sur le marché professionnel. ” Jusqu’à fin septembre 2017, nos membres ont enregistré une hausse de 6 % des nouvelles commandes par rapport à la même période en 2016 qui était déjà une année record avec près de 130.000 nouvelles commandes, déclare Frank Van Gool, directeur de Renta. Dont environ 7.000 véhicules destinés au leasing à des particuliers. ” Ce dernier constate une baisse de la part de marché des diesels dans les flottes de leasing. ” En Flandre, les particuliers ont massivement opté pour l’essence ces derniers mois. Soixante-neuf pour cent d’entre eux choisissent désormais l’essence, 28 % le diesel et les autres optent pour les solutions alternatives. En ce qui concerne les voitures de leasing, 21 % roulent à l’essence et 76 % au diesel contre 83 % en 2016. ” Avec le prochain alignement du prix du diesel sur celui de l’essence, Frank Van Gool prédit une nouvelle diminution du nombre de voitures diesel dans les flottes de leasing également.

A l’heure actuelle, 83 % des utilisateurs de voiture de société conduisent une diesel mais ne devraient plus être que 37 % après 2020.

Cette tendance est confirmée par les résultats de l’enquête. A l’heure actuelle, 83 % des utilisateurs de voiture de société conduisent une diesel mais ils ne devraient plus être que 37 % après 2020. Trente pour cent opteraient pour une hybride, 17 % pour une essence, 11 % pour une motorisation entièrement électrique et 5 % pour le CNG. Les gestionnaires de flotte voient un peu plus loin et anticipent une diminution de 19 % du nombre de voitures diesel dans les parcs automobiles d’ici à 2028. Dans un premier temps, ils misent sur une légère remontée à 20 % d’ici à 2023, après quoi la proportion de voitures diesel devrait retomber à 14 % en 2028. L’avenir est électrique, assurent les gestionnaires de flotte qui tablent sur une part de marché de 32 % pour les véhicules électriques en 2028 et de 30 % pour les modèles hybrides. Pour ce qui est du CNG, ils prévoient une légère croissance de 5 %.

Miel Horsten n’est pas surpris par ces chiffres. ” Impossible de freiner l’ascension de la mobilité électrique. J’ai entendu Carlos Tavares (CEO du constructeur automobile PSA, Ndlr) déclarer à Francfort que l’électrification est une partie de la solution et que le diesel existera toujours. ” Selon les prévisions de Miel Horsten, les diesels devraient encore représenter une part de marché de 45 à 50 % en 2020. ” Voitures à essence, hybrides et électriques commencent à se positionner “, assure le numéro un de Renta. Le principal obstacle pour les voitures de société électriques est le manque d’infrastructures de recharge privées et publiques. Dix-neuf pour cent seulement des entreprises et 9 % des collaborateurs disposent actuellement d’une borne de recharge. Un tiers des sociétés – voire 52 % si on en croit les gestionnaires de flotte – et 30 % des travailleurs projettent d’installer une borne de recharge ou une wallbox dans un avenir plus ou moins proche.

Quel avenir pour la voiture de société ?

Absence de stabilité fiscale

De nombreux acteurs du secteur se disent déçus par l’incapacité du gouvernement Michel à instaurer un cadre fiscal stable en ce qui concerne les voitures de société. ” Nous sommes confrontés aux conséquences négatives de la politique d’effets d’annonces, fulmine Miel Horsten. ” Voilà plus d’un an que ce gouvernement se gausse du fameux cash for car, d’où une grande incertitude sur le marché. Résultat : les personnes mal renseignées ont tendance à postposer du fait de l’incertitude régnante. Nous l’avons déjà vécu en 2012 avec le gouvernement Di Rupo. A l’époque, le nombre d’immatriculations a régressé de 50.000. ”

Les textes de la réglementation cash for car du gouvernement fédéral, rebaptisée ” prime de mobilité “, sont actuellement à l’étude au Conseil d’Etat. Cette mesure a pour but d’inciter les travailleurs à abandonner leur véhicule de société en échange d’une indemnité cash. ” C’est un pétard mouillé. Ce projet n’aura aucune incidence sur la mobilité et c’est très regrettable “, déplore Miel Horsten. D’après les résultats de l’enquête évoquée plus haut, 64 % des travailleurs n’ont pas l’intention d’échanger leur voiture de société contre un bonus salarial net. Quatorze pour cent voient cette mesure d’un bon oeil mais plus de la moitié continuera à effectuer les trajets domicile-lieu de travail en voiture. Cinquante-cix pour cent d’entre eux projettent d’acheter une nouvelle voiture avec cette indemnité, 28 % une voiture d’occasion et 17 % d’utiliser la voiture d’un autre membre de la famille. Le vélo (électrique) constitue la deuxième option pour 20 % d’entre eux, les transports publics la troisième option pour 18 %.

Quel avenir pour la voiture de société ?

D’après Miel Horsten, l’introduction de la prime de mobilité est une incitation à la remise en circulation des vieux véhicules plus polluants. ” Le secteur du leasing a toujours joué un rôle de pionnier en matière de réduction des émissions de CO2. La moyenne est actuellement de 108,9 g. C’est nettement moins que pour une voiture particulière (119,2 g, Ndlr). C’est un mauvais choix. Les embouteillages ne se résorberont pas et les émissions ne peuvent qu’augmenter. ”

Autre exemple : l’an dernier, le gouvernement fédéral a décidé de taxer davantage les cartes-carburant que les employeurs mettent à la disposition de leurs employés, d’où une augmentation des dépenses non admises de 17 à 40 %. Selon le ‘Belgian Company Cars Report’, 29 % des utilisateurs de voiture de société interrogés affirment que leur employeur a reporté sur leur salaire la charge de cette taxe supplémentaire d’une manière ou d’une autre. Le gouvernement planche actuellement sur le statut fiscal des voitures hybrides. ” Le secteur souhaite définir avec les autorités une politique à long terme, prévient Miel Horsten. Quel est l’objectif à atteindre en matière de mobilité, d’écologie et de fiscalité en 2025 ? Et à partir de là, des accords peuvent être conclus. L’incertitude ne profite à personne. Aux autorités pas plus qu’aux autres. Je m’attendais à plus d’intelligence de la part de ce gouvernement. La mobilité est réduite à une simple question d’argent dans les négociations sur l’impôt des sociétés. ”

Quel avenir pour la voiture de société ?

Le budget mobilité offre des possibilités

Autre sujet épineux soulevé par l’enquête : le budget mobilité censé inciter les utilisateurs de voiture de société à choisir des moyens de transport alternatifs comme le vélo et les transports publics. ” Il n’y a pas que la voiture, déclare Miel Horsten. Le choix est bien plus vaste. Les membres de Renta réfléchissent aujourd’ hui à toutes les alternatives possibles, comme le budget mobilité, le vélo, etc. Ces solutions existent mais sont souvent difficiles à mettre en oeuvre vu la complexité de la fiscalité .” Le président de Renta est aussi directeur général d’ALD Automotive. La société de leasing possède actuellement une flotte d’environ 2.000 vélos de société en Belgique (en plus de 62.500 voitures). ” Nous avons l’intention de développer notre flotte de vélos jusqu’à 15.000 cycles d’ici à 2022 “, affirme Miel Horsten.

Dix-neuf pour cent seulement des entreprises et 9 % des collaborateurs disposent actuellement d’une borne de recharge.

Tandis que le gouvernement Michel planche sur le budget mobilité, ce dernier est déjà une réalité (complexe) pour bon nombre d’entreprises. ” On ne peut pas stopper cette évolution, que les politiques arrivent à la réguler ou non, explique Miel Horsten. La prime de mobilité n’est qu’un premier pas. ” Selon l’enquête, 29 % des entreprises proposent déjà un budget mobilité sous une forme ou une autre. 14 % des sociétés le proposent à chaque membre de leur personnel, 9 % à ceux qui disposent déjà d’une voiture de société et 6 % à une partie des utilisateurs d’une voiture de société. Dans l’ensemble, l’intérêt des utilisateurs de voiture de société pour un budget mobilité est plutôt limité. Dans les entreprises proposant un budget mobilité – des grandes entreprises pour la plupart -, 12 % seulement des employés disent vouloir opter effectivement pour cette solution. Le principal obstacle est l’insuffisance des transports publics qui, de ce fait, ne constituent pas une alternative réaliste pour bon nombre de conducteurs de voiture de société. Pour 45 % des chauffeurs interrogés, la voiture de société est un outil de travail essentiel, pour 43 % un outil pratique qui facilite le quotidien. Entre ces deux extrêmes, 12 % des personnes questionnées adoptent une attitude assez neutre vis-à-vis de la voiture de société.

Miel Horsten, président de Renta:
Miel Horsten, président de Renta: “Nous avons l’intention de développer notre flotte de vélos jusqu’à 15.000 cycles d’ici 2022.”© Franky Verdickt

L’enquête révèle par ailleurs une disparité entre ce que les entreprises proposent comme solutions de mobilité et les attentes du personnel. L’offre est parfois plus grande que la demande. Ainsi par exemple, 56 % des entreprises interrogées proposent des vélos alors que 49 % seulement des employés s’intéressent à cette forme de mobilité. Inversement, 48 % des entreprises proposent le covoiturage alors que 57 % des employés aimeraient en bénéficier. Idem pour les bureaux satellites : moins de la moitié des entreprises proposent ce genre d’infrastructure tandis que 61 % des collaborateurs trouvent cette solution essentielle dans l’offre de mobilité. Pour les gestionnaires de flotte, l’approche multimodale comporte trois priorités : l’utilisation du vélo (pour 69%), les abonnements aux transports publics (66%) et l’installation de bornes de recharge pour les voitures électriques et/ou hybrides (49%).

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