Zéno: “Notre avenir est dans la fourniture d’énergie”

L'équipe dirigeante de Zéno. Gérard Vandevenne (directeur financier), David le Bussy (directeur général), Christophe Klinkenberg (administrateur délégué), Tony Di Prima (administrateur) et Sébastien Otten (directeur opérationnel). © PG
Bastien Pechon Journaliste

Lancé en 1975, l’installateur de chaudières, de systèmes électriques et de panneaux solaires Klinkenberg a engagé un tournant important en 2016 en créant une nouvelle société active dans la fourniture d’électricité : Klinkenberg Energy, rebaptisée Zéno aujourd’hui. Une réponse aux fournisseurs et producteurs historiques qui débarquent de plus en plus sur son marché.

Michael Faraday. Nikola Tesla. Deux noms qui ont marqué l’histoire de l’électricité. Repris aujourd’hui par des entrepreneurs, ces deux figures sont devenues des marques de voitures électriques. Parmi ces grands ingénieurs, un électricien belge a aussi marqué durablement son temps : Zénobe Gramme. Né à Jehay, ce Liégeois invente, en 1869, le premier générateur électrique : la dynamo. En juin 2018, le fournisseur belge d’électricité et de gaz, Klinkenberg Energy, décide de s’en inspirer et se renomme Zéno. Une nouvelle marque en vue d’asseoir son ancrage liégeois. Présent essentiellement en Wallonie, Zéno s’est également lancé à Bruxelles et au Grand-Duché du Luxembourg le 1er juin, et envisage de proposer ses services en Flandre dès le mois de septembre. Au-delà de ce changement d’image, l’histoire de ce jeune fournisseur témoigne d’une certaine diversification en cours depuis quelques années dans le secteur de l’énergie.

Il y deux ans et demi à peine, les principaux métiers de l’entreprise Michel Klinkenberg & Fils étaient l’installation de chaudières, de panneaux photovoltaïques, d’éclairage, de systèmes d’alarme, etc. En 2015, l’installateur pense peu à peu à se diversifier. ” Le marché était en train de changer, se souvient David le Bussy, directeur général de Zéno. Les gros fournisseurs d’énergie commençaient à migrer vers notre métier d’installateur. Ils proposaient des entretiens de chaudières, des placements d’installations photovoltaïques, etc. Ils commençaient même à démarcher des promoteurs immobiliers pour réaliser la totalité des installations. Nous avons aussi vu qu’ils commençaient à racheter nos concurrents. ” En mars 2015, David le Bussy s’associe à Gérard Vandevenne, consultant dans le domaine de l’énergie et ancien sales manager chez ISSOL, une société qui fabrique et installe des panneaux photovoltaïques. Avec l’accord de Christophe Klinkenberg, patron de l’entreprise, David le Bussy et Gérard Vandevenne développent cette nouvelle branche d’activité. La société Klinkenberg Energy, ancêtre de Zéno, est finalement lancée le 14 janvier 2016. Les offres de fourniture d’électricité sont proposées dans la foulée, celles de gaz au mois de septembre 2016. Aujourd’hui, la société fournit de l’électricité et du gaz à 15.000 clients en Wallonie. En réalité, comme c’est également le cas chez les autres fournisseurs, il s’agit de 15.000 points de fourniture assurés par Zéno, dont un tiers sont des compteurs de gaz. L’entreprise compte 40 % de clients B to B et 60 % de clients résidentiels.

Une énergie bleue

Installateur, l’objectif de Klinkenberg est de proposer des solutions qui permettent de consommer peu, voire de produire soi-même sa propre énergie. Fournisseur, Zéno a développé son image autour de ” l’énergie bleue “, qui fait référence à l’efficience énergétique. Un concept en vogue et également matérialisé chez ses concurrents dans une série de services : de l’isolation à la batterie domestique, en passant par les compteurs intelligents.

Zéno a réalisé un chiffre d’affaires de près de 7 millions d’euros en 2017. Il devrait dépasser 15 millions cette année.

Pour se différencier des autres acteurs du marché, Zéno part d’un constat : ” L’ensemble des fournisseurs vendent tous de l’énergie verte “, analyse David le Bussy. Le directeur général de Zéno met cependant en évidence qu’une grande partie de cette énergie n’est pas produite en Belgique. Selon un article du journal Le Soir paru en avril, seulement la moitié de l’électricité verte vendue dans notre pays est produite sur notre territoire. Le reste est acheté à l’étranger, notamment dans les pays scandinaves comme la Norvège. Dans ce pays, l’hydroélectricité couvre 97 % du mix électrique. Or, chaque MWh produit donne lieu à un label de garantie d’origine. Produisant en masse de l’énergie renouvelable, ces labels inondent le marché. Un producteur belge peut donc en acheter à bas coût et ” verdir ” son offre, même si l’électricité produite par ces barrages n’est pas directement acheminée jusqu’au consommateur final faute d’interconnections entre la Belgique et la Norvège. ” S’il s’agit simplement d’acheter des garanties d’origine dans les pays scandinaves et de ‘coloriser’ son portefeuille ici, cela n’a pas beaucoup de sens “, poursuit David le Bussy. Le jeune fournisseur veut donc rester pragmatique en achetant son électricité sur le marché belge, dominé par l’énergie nucléaire et fossile. Il propose néanmoins une offre assurée 100 % renouvelable, approvisionnée par de l’électricité de producteurs locaux grâce au rachat de labels de garantie d’origine belge. David le Bussy aimerait que 20 % de ses clients optent pour cette formule d’ici la fin de l’année, et qu’ils soient plus de 40 % à y souscrire d’ici fin 2019.

Moyens de production

Le fournisseur peut également compter sur le portefeuille de clients industriels de Klinkenberg pour s’approvisionner en énergie renouvelable. Ces entreprises qui installent des panneaux solaires sur leur toit consomment une partie de leur propre électricité. Le reste est envoyé sur le réseau, comme c’est aussi le cas chez les particuliers, à la différence près qu’elles ne profitent pas du système du ” compteur qui tourne à l’envers “. Elles doivent donc conclure un contrat de rachat d’énergie avec un fournisseur d’électricité. ” En 2014, c’était très difficile d’obtenir ces contrats de rachat d’énergie, explique David le Bussy. Il fallait parfois attendre deux à trois mois. ” Sans ce contrat, l’installation ne peut pas produire du courant. Des retards qui ont été pour Zéno un argument supplémentaire pour faire le grand saut et devenir, à son tour, fournisseur. Aujourd’hui, l’entreprise liégeoise peut donc proposer aux clients de Klinkenberg le rachat de leur électricité afin d’intégrer peu à peu de l’énergie verte dans son mix. A l’avenir, elle aimerait également construire ses propres unités de production comme du photovoltaïque, de l’éolien et de l’hydraulique.

Pour le gaz, difficile de mettre en avant une production locale et durable : la grande majorité du gaz consommé dans notre pays est importée. David le Bussy tient cependant à souligner que les volumes de gaz fournis à ses clients sont achetés à Zeebrugge : ” Toutes les taxes sont payées dans notre pays, contrairement au gaz où le trading se fait aux Pays-Bas “.

Durant notre entretien, une question brûle les lèvres. Cette diversification, n’est-elle pas un pari trop risqué vu le nombre de fournisseurs qui se partagent le marché ? Malgré la libéralisation du secteur en Wallonie, premier terrain de jeu de Zéno, Engie Electrabel, EDF Luminus, et Lampiris représentent près de 80 % de parts de marché. Des ” monopoles ” que le fournisseur liégeois entend bien grignoter. ” Je pense qu’il y a encore de la place pour des outsiders comme nous “, ajoute David le Bussy.

100 % belge

Au-delà de son offre d’énergie renouvelable qu’elle entend maintenir 100 % locale, l’actionnariat de Zéno peut être un argument supplémentaire pour se distinguer de ses concurrents. La plupart des grands fournisseurs présents sur le marché appartiennent à des groupes étrangers, à l’image d’Electrabel avec Engie, Luminus avec EDF, et Lampiris avec Total. Zéno, lui, reste liégeois. Il est détenu à 45 % par Michel Klinkenberg & Fils S.A, propriété de la famille éponyme, à 30 % par Hobeco, une société liégeoise active dans l’immobilier et la construction, à 15 % par David le Bussy, et 10 % par Gérard Vandevenne.

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