La 2e génération fait la pluie et le beau temps chez La vie est belle

La vie est belle © PG

L’entreprise alimentaire La vie est belle entre dans une nouvelle phase de son évolution : la deuxième génération marque la société de son empreinte.

Depuis 25 ans, La vie est belle, établie à Oostkamp, produit des burgers bios végétariens. A une époque où l’offre de la plupart des autres producteurs se limitait encore aux burgers de tofu et tempeh, La vie est belle a lancé les burgers aux légumes, aux graines et aux céréales.

L’entreprise a trouvé l’inspiration au Rwanda. Stefaan Deraeve et son épouse Katrien Steeman y ont travaillé deux ans en tant qu’infirmiers à la création d’un centre de soins. “Nous étions tous les deux des mangeurs de viande, mais c’est à peine s’il y en avait là-bas, se souvient Katrien Steeman. J’ai dû faire preuve de créativité pour pouvoir mettre sur la table un menu varié. C’est ainsi que j’ai appris à cuisiner des ingrédients alternatifs.”

Après leur retour, la cuisine végétarienne de Katrien a connu un franc succès en Belgique aussi. Elle a alors animé sporadiquement des ateliers de cuisine, livré à petite échelle dans des magasins de produits naturels, jusqu’à ce que le couple fonde La vie est belle qui livre entre autres ses burgers à Delhaize et Bioplanet, la chaîne de magasins spécialisés dans l’alimentation bio du groupe Colruyt.

L’entreprise compte 25 collaborateurs, produit chaque semaine 60.000 burgers et enregistre un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros.

“Cela n’a jamais été mon ambition d’en faire une entreprise familiale, explique le fondateur et CEO Stefaan Deraeve. J’ai toujours voulu laisser mes enfants décider eux-mêmes.”

Katrien Steeman ne travaille plus dans l’entreprise. Il y a 11 ans, elle a acheté un magasin et un restaurant bios. “Nous évoluions alors déjà dans une entreprise semi-industrielle, explique-t-elle. Je ne pouvais y laisser libre cours à ma créativité.” Elle est restée une référence importante et a contribué à définir les lignes stratégiques de la société. Aujourd’hui, elle pourrait de nouveau jouer un rôle plus actif. “Katrien est le coeur de la société, estime le mari Stefaan Deraeve, également gérant. Pendant toutes ces années, elle a veillé à ce que nous conservions notre authenticité, ce qui n’est pas forcément évident lorsqu’on évolue d’un marché de niche vers une entreprise qui s’adresse aussi à la grande distribution.”

De saxophoniste à COO

Le couple a quatre enfants, mais à aucun moment il n’a nourri l’ambition de construire une entreprise familiale.

“Les entreprises familiales ont en commun une vision clairement orientée sur le long terme, souligne Stefaan Deraeve. C’est quelque chose que j’apprécie. Par contre, je suis horrifié par la clause tacite selon laquelle les membres de la famille doivent suivre le chemin tracé pour eux dans l’entreprise. Je n’ai jamais voulu cela pour mes enfants. Ils doivent rester libres et décider eux-mêmes de ce qu’ils veulent faire de leur vie.”

Chacun sa voie

La vie est belle
La vie est belle© PG

Les enfants ont donc suivi des voies variées. Mais, pour trois d’entre eux, elles les ont quand même ramenés vers La vie est belle. Nele a commencé par combiner des demi-journées à la chaîne de production avec ses études de photographie.

“En vieillissant, j’ai commencé à comprendre la valeur que pouvait représenter une entreprise familiale : nous pouvons travailler avec des gens qui comptent beaucoup pour nous et nous avons des opportunités qui seraient inaccessibles ailleurs”, estime Nele.

Cela fait maintenant 12 ans qu’elle est active au sein de La vie est belle. Elle y est responsable des commandes et de la logistique. A terme, elle deviendra directrice du personnel.

“Je suis horrifié par la clause tacite selon laquelle les membres de la famille doivent suivre le chemin tracé pour eux dans l’entreprise. Je n’ai jamais voulu cela pour mes enfants.”

Au début, Lieven, l’un des fils, arrondissait ses fins de mois dans l’entreprise de ses parents. “Après quelque temps, j’ai constaté que j’aimais cuisiner, que j’avais des affinités avec le métier et que je commençais à me passionner pour nos produits, reconnaît-il. J’ai eu le sentiment que je pouvais apporter ma pierre à l’édifice familial.”

Lieven a suivi des formations complémentaires, dont une formation de chef à l’école d’hôtellerie et de tourisme Spermalie à Bruges. Aujourd’hui, il se concentre sur les recettes et la méthode de travail.

Karel quant à lui est devenu saxophoniste. Mais il dépannait ses parents et travaillait à la chaîne de production. “Initialement, je considérais cela comme un joli revenu d’appoint, se souvient Karel. Cela me permettait de me consacrer à la musique après les heures de travail. Au bout d’un certain temps, cependant, je me suis rendu compte que je n’avais plus de vie sociale et que j’étais même trop fatigué pour la musique. Par contre, j’ai tout de suite acquis beaucoup de stabilité dans ma vie. Ça me faisait vraiment du bien.”

Rapidement, Karel s’est chargé du contrôle qualité et, après quelques formations, est devenu responsable des opérations.

“Une entreprise familiale aussi peut mal tourner.”

La vie est belle a connu un tournant dans son évolution l’année dernière. Il est apparu clairement que la nouvelle génération voulait s’engager pleinement. Il s’en est suivi une réunion de famille formelle. “Une entreprise familiale doit s’adapter à la nouvelle génération, explique Stefaan Deraeve. Katrien et moi avons insufflé notre passion dans l’entreprise pendant toutes ces années. Nous devons veiller à ce qu’au moment du transfert, il reste suffisamment de place pour les passions de nos enfants. Ce n’est que comme ça que l’entreprise pourra croître progressivement et évoluer. Il ne faut pas se voiler la face : une entreprise familiale aussi peut mal tourner. Il serait stupide de ne pas chercher à se protéger de ce scénario. Ce qui n’est possible qu’en prenant des accords clairs et en communiquant honnêtement. Nous avons discuté de tout de manière très ouverte. Vous ne trouverez nulle part un coffre renfermant des documents secrets.”

La vie est belle nominée au titre de Trends Gazelle 2017 (Nele et Karel Deraeve).
La vie est belle nominée au titre de Trends Gazelle 2017 (Nele et Karel Deraeve).© http://www.lavieestbelle.be

Rien n’est planifié

Pour l’instant, les enfants ne sont pas encore actionnaires, même si cela pourrait changer rapidement. “Notre croissance organique a fait de La vie est belle une entreprise familiale, commente Stefaan Deraeve. Nous n’avions rien planifié. Dès lors, nous nous trouvons seulement au début d’un processus complexe. Dans un premier temps, nous allons commencer par traiter les enfants comme des actionnaires.”

Les enfants sont des membres consultatifs du conseil d’administration. Par ailleurs, ils travaillent à l’élaboration d’un plan stratégique pour les cinq années à venir. Ils le soumettront à leurs parents.

Mais que se passerait-il si le vote au conseil d’administration devait donner lieu à un résultat partagé ? “Ce n’est pas une option, estime Stefaan Deraeve. Un conseil d’administration qui se respecte ne prend que des décisions unanimes. Surtout s’il s’agit de la stratégie qui nous assurera croissance et indépendance financière pour les années à venir. Il est primordial que tout le monde soit sur la même longueur d’ondes et puisse se rassembler derrière un projet commun. Ce n’est qu’alors que l’on peut vraiment se définir comme une entreprise familiale.”

“Mon nom, c’est Stefaan, pas papa”

Collaborer avec des membres de sa famille n’est pas toujours chose aisée.

“Je suis déjà rentrée à la maison les larmes aux yeux en me demandant si c’était réellement ce que je voulais, se souvient Nele. En tant que fille, on a vite tendance, face à son papa, à redevenir la fillette qui avait besoin d’assurance et d’approbation. Il a fallu du temps pour que je puisse dépasser ce stade. Mais aujourd’hui, je n’ai plus peur de taper du poing sur la table. Même face à mon père.”

“Au boulot, vous devez considérer votre père comme le boss, raconte également Lieven. Et c’est parfois difficile. La frontière est assez mince. Il faut qu’il y ait un déclic dans votre tête, mais ce n’est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain.”

Mais pour le père, c’est également un défi à relever. “On ne balaie pas comme ça 20 années d’émotions. Pour moi aussi, il a fallu un certain temps avant que je puisse faire la distinction entre les enfants avec qui je jouais et les adultes avec qui je travaille chaque jour à un projet commun. J’ai vraiment dû faire des efforts pour y arriver. Voilà pourquoi il est important qu’au travail, mes enfants m’appellent par mon prénom et non ‘papa’. Cette petite astuce facilite le déclic mental.”

Sven Vonck

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