Royal Sporting Club d’Anderlecht, quand le plus beau but est une passe…

Roger Vanden Stock et Marc Coucke: La passation de pouvoir entre l'ancien et le nouveau président du RSCA sera effective le 1er mars prochain. © dr

Après avoir dirigé le premier club de foot du pays pendant près d’un demi-siècle, la famille Vanden Stock vient d’en céder les commandes à Marc Coucke qui en deviendra officiellement président le 1er mars prochain.

Dans le film de Ken Loach, Looking for Eric, Eric Bishop, postier à Manchester, demande à Eric Cantona quel est le plus beau but de sa carrière et ce dernier de répondre : “Mon plus beau but ? C’était une passe !” Et si le plus beau but de Roger Vanden Stock, au terme des 22 années où il a présidé aux destinées d’Anderlecht, était également une passe ?

En l’occurrence la transmission du Royal Sporting Club d’Anderlecht (RSCA) à Marc Coucke, annoncée le 20 décembre dernier à la surprise générale. Le milliardaire flamand prendra officiellement ses fonctions de président le 1er mars, succédant à près d’un demi-siècle de règne de la famille Vanden Stock dont le nom restera indissociablement lié à Anderlecht. Comme l’a expliqué l’actuel et encore président du RSCA lors de la conférence de presse commune avec Marc Coucke, “je pense que nous avons fait le bon choix pour l’avenir d’Anderlecht. On peut s’attendre à ce que le club soit plus fort dans cinq ans”. Un choix qui a pourtant surpris tous les spécialistes et experts du ballon rond.

Surprise du chef

Parmi les offres annoncées depuis quelques semaines dans la presse ne figurait pas, en

effet, celle du président du KV Oostende. Au final, elle s’est glissée parmi celles du CEO de Ghelamco, Paul Gheysens, dont le nom est associé au projet de stade national momentanément tombé à l’eau, de Johan Beerlandt, président de Besix, appuyé par ses partenaires égyptiens (la famille Sawiris), et celle de Wouter Vandenhaute, le patron de Woestijnvis, qui a réuni quelques managers belges dont Johnny Thijs, l’ancien CEO de bpost. En revanche pas de trace du milliardaire russe d’origine ouzbèke Alisher Ousmanov, actionnaire à hauteur de 30 % du club anglais d’Arsenal.

Et à l’arrivée, c’est Marc Coucke qui est sorti du bois et a empoché la mise avec quelque 70% des actions (avec l’aide de son ami, l’industriel Joris Ide). Pour un montant de l’ordre de 80 millions d’euros, ce qui n’est pas excessif en comparaison des récents achats de l’AC Milan en 2017 (740 millions) ou de l’Inter en 2016 (270 millions). C’est même meilleur marché que le récent transfert record du défenseur de Southampton à Liverpool, Virgil Van Dijck : 84 millions d’euros.

Roger Vanden Stock a confié à l’issue des délibérations qu’il était “heureux de la décision du CA de remettre les clés du club à Marc Coucke avec un ancrage significatif des actionnaires actuels du RSCA. La nouvelle majorité m’a convaincu qu’elle est vraiment préoccupée par l’avenir de ce club, de ses jeunes, de ses joueurs, de ses employés et – last but not least – de ses supporters. Tant leur vision sportive que leur capacité financière laissent présager le meilleur pour le club”.

L’arrivée du Gantois, né en 1965, marque également un rajeunissement des cadres. Le président actuel, âgé de 75 ans, deviendra le 1er mars prochain président d’honneur. “Je resterai à la disposition du club. Quand le RSCA m’a été remis par mon père en 1996, il m’a dit ‘je te laisse le gérer, mais tu peux toujours demander des conseils’. J’espère que je resterai le ‘conseiller’ d’Anderlecht.”

Une institution

En troquant Ostende pour Anderlecht, Marc Coucke s’offre un nouveau défi à la hauteur de ses ambitions. Des ambitions qui dépassent le simple cadre de la Jupiler Pro League rapidement devenue trop petite pour l’appétit du Gantois – il ne sera resté au final qu’un peu moins de cinq ans à la présidence du KV Oostende.

Constant vanden Stock. Ancien footballeur lui-même, le père de Roger Vanden Stock a dirigé le club de 1971 à 1996.
Constant vanden Stock. Ancien footballeur lui-même, le père de Roger Vanden Stock a dirigé le club de 1971 à 1996.© dr

Mais il devra également, s’il veut dépoussiérer quelque peu le club (qui en a besoin), veiller à ne pas brusquer cette institution qui célèbre cette année ses 110 ans d’existence. Et qui durant cette période n’aura connu que cinq présidents, dont 47 ans (1971-2018) partagés entre Constant Vanden Stock et son fils Roger. Un demi-siècle qui a valu au club bruxellois, outre de nombreux titres, de figurer définitivement parmi les grands clubs européens même si son étoile a quelque peu pâli depuis l’arrêt Bosman (1995) et le développement exponentiel du foot business dont les sphères étaient devenues inaccessibles à une entreprise familiale telle que le RSCA.

C’est en 1971 que Constant Vanden Stock (né en 1914) devient président du Sporting. Un club qu’il connaît bien puisqu’il y a joué dans les années 1920 et 1930 avant d’être transféré à l’Union Saint-Gilloise. Son père Philémon se lance en 1913 comme coupeur de gueuze (il assemble différents lambics). En 1927, il reprend le café Belle-Vue à Anderlecht qui donnera plus tard son nom à la brasserie familiale. En 1943, il acquiert la brasserie Frans Vos-Kina à Molenbeek-Saint-Jean qui deviendra la brasserie Belle-Vue. Arrêté par les Allemands en 1944, il meurt en captivité. Après la guerre, Constant et son beau-frère Octave Colin relancent l’entreprise et la développent. Son fils Roger, né en 1942, et son neveu Philippe Colin, né en 1946, les rejoindront d’abord au sein de la brasserie et ensuite au RSCA. En 1991, la brasserie sera complètement reprise par le groupe Interbrew.

Parallèlement à ses activités brassicoles, Constant occupera diverses fonctions au sein du monde footballistique, notamment celles de sélectionneur de l’équipe de Belgique de football (1958-1968). Président du RSCA de 1971 à 1996, il cédera ensuite le flambeau à son fils Roger. Ce dernier intégrera par la suite ses deux filles, Julie et Claire, au conseil d’administration du club. Elles devraient d’ailleurs y rester dans le futur RSCA dirigé par Marc Coucke.

Ancrage familial

Comme l’expliquait Claire en mars 2017 à la Dernière Heure, “notre père ne nous a pas obligées. Nous pouvions décider si oui ou non nous le faisions. Anderlecht est une partie de notre vie. J’ai même géré le fan shop durant 15 ans. Pour des raisons éthiques, j’ai arrêté quand je suis entrée dans le CA.”

Alors que la question de la succession de Roger Vanden Stock commençait à être doucement évoquée, Claire rappelait que le plus important pour elle était “que l’âme d’Anderlecht reste intacte. Tu ne dois pas dire non à un investisseur mais Anderlecht doit rester Anderlecht. Nous, les Vanden Stock, devons faire attention à l’avenir du club”.

Outre ses deux filles, devraient rester présents dans l’actionnariat Jo Van Biesbroeck, Paul Goossens, Michaël Verschueren, Etienne et Olivier Davignon, de même qu’Alexandre Van Damme, l’homme fort d’AB InBev, un moment pressenti comme repreneur. La répartition des parts entre ces actionnaires minoritaires va se régler dans les semaines qui viennent, la part de Marc Coucke étant de l’ordre de 70 %.

Roger Vanden Stock a transmis la balle à Marc Coucke. A lui dorénavant de faire entrer définitivement Anderlecht dans le 21e siècle en intégrant la nouvelle donne footballistique à l’oeuvre ces 20 dernières années. Il devra relever le difficile défi de moderniser et redynamiser le club tout en n’oubliant pas son passé glorieux. Et méditer cette maxime de Bill Shankly, le légendaire entraîneur de Liverpool: “Dans un club de football, il y a une sainte trinité : les joueurs, le manager et les supporters. Les présidents n’ont rien à voir là-dedans. Ils sont juste là pour signer les chèques”.

Cinq présidents en 110 ans d’existence

• Charles Roos : 1908-1910

• Theo Verbeeck : 1911-1951

• Albert Roosens : 1951-1971

• Constant Vanden Stock : 1971-1996

• Roger Vanden Stock : 1996-2018

Guy Van den Noortgate

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