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À quoi sert vraiment le transhumanisme ?

Un des petits-fils de Thomas Huxley, Julian, frère de Aldous, est devenu un biologiste prestigieux. Parmi ses multiples titres de gloire, celui d’avoir inventé en 1957 le terme de “transhumanisme”, promis à un beau destin.

Thomas Huxley fut le principal compagnon de route de Charles Darwin et un évolutionniste militant. L’un de ses petits-fils était Aldous Huxley, l’auteur du Meilleur des mondes (1932), un roman décrivant un monde futur où l’humanité était heureuse essentiellement parce qu’elle avait un accès illimité à la drogue nommée soma qui permet à chacun, quand il le veut, de cesser de penser à son véritable sort. Il y avait là un message bien pessimiste sur le genre humain.

Un autre des petits-fils de Thomas Huxley, Julian, frère de Aldous, est devenu un biologiste prestigieux. Parmi ses multiples titres de gloire, celui d’avoir inventé en 1957 le terme de ” transhumanisme “, promis à un beau destin.

De nombreux phares de notre culture contemporaine lisent dans le transhumanisme une nouvelle utopie méritant une mise de fonds illimitée par ceux qui y souscrivent. Parmi eux, Elon Musk, patron des firmes Tesla et SpaceX consacrée à l’exploration spatiale, le spécialiste un peu fou de l’Intelligence Artificielle et futuriste, Ray Kurzweil, Nick Bostrom, directeur de l’Institut pour le futur de l’humanité à l’université d’Oxford.

Qu’est-ce donc que le transhumanisme ? Chacun sait ce que l’expression ” contre nature ” veut dire : qu’il y aurait des comportements ” contre nature ” parce qu’ils vont à l’encontre de la nature humaine. Or pour le transhumanisme, il n’existerait rien de tel : la nature humaine serait ni plus, ni moins, ce qu’on en fait, et la technologie, la science appliquée d’aujourd’hui, permettrait de rendre celle-ci plus robuste, plus efficace, et surtout… moins sentimentale ! Les transhumanistes veulent dépasser la nature humaine, et pas en sachant de plus en plus – la méthode classique ! – mais en démultipliant dans un premier temps ce que le corps est capable de faire et, dans un second temps, en libérant entièrement l’esprit humain de sa nature biologique. Et cela pour en faire du numérique ou, comme le disent certains d’entre eux, pour remplacer la base carbone de l’humain par une base silicium !

Le transhumanisme perd beaucoup de son mystère et de son aura si on y voit seulement un discours justifiant l’auto-domestication du genre humain.

Face à ce projet, il y a bien sûr les pour et les contre, les transhumanistes taxant les partisans du contre de ” bioconservateurs “.

Que faut-il en penser ? D’abord, que la médecine fait des progrès tous les jours et qu’il est bien difficile de cantonner ceux-ci à la simple thérapeutique sans jamais verser dans le ” méliorisme ” : l’amélioration, ou l'” augmentation “, du malade rétabli. Un exemple banal : l’opération de la cataracte ne se contente pas de rendre au patient la mauvaise vue qu’il avait juste avant de devenir aveugle. Une vision parfaite lui est rendue, et aucun ne s’en est jamais plaint !

Les interrogations d’ordre éthique débutent lorsque le ” méliorisme ” verse dans l’eugénisme, qui est la sélection des meilleurs et l’élimination des moins bons. Une telle politique a été pratiquée et a versé dans l'” exterminisme ” de très triste mémoire. Ce qui attire l’attention sur l’une des caractéristiques du transhumanisme dont ni ses partisans, ni ses adversaires, ne semblent conscients : que ce qu’ils prônent en réalité, c’est l’application à l’homme de techniques que l’on appelle simplement ” domestication ” quand l’homme y recourt pour des animaux ou des plantes qui l’entourent, techniques qui ne suscitent alors aucune controverse car ils sont pour nous de simples objets. Autrement dit, le transhumanisme perd beaucoup de son mystère et de son aura si on y voit seulement un discours justifiant l’auto-domestication du genre humain.

Mais ce n’est pas tout. Hegel (1770 – 1831), le philosophe allemand, a parlé de la ” ruse de la raison ” quand le genre humain accomplit une tâche sans se rendre compte de ce qu’il fait vraiment. Les glissements dans la nature humaine que le transhumanisme encourage – une augmentation de la robustesse de l’humain sur le plan biologique ou par l’adjonction de prothèses – contribuent à réduire sa dépendance vis-à-vis de son environnement, et à terme, sa dépendance vis-à-vis de la planète où il est né. Pas étonnant alors que les financiers du transhumanisme soient la Nasa, la Darpa (l’organisme de recherche de l’armée américaine), et la Silicon Valley. La colonisation d’autres planètes a, en effet, besoin d’un homme ” augmenté “. A quoi sert de vivre 1.000 ans – comme les transhumanistes nous assurent que nous le pourrons bientôt – si ce n’est pas pour franchir la distance qui sépare notre étoile des autres, et les conquérir ?

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