Les secrets des TED, ces conférences qui valent des millions de vues

© Capture d'écran YouTube Ted Talks

Plus de 2.000 personnes assisteront ce lundi à TEDx Brussels, sans compter les spectateurs qui suivront l’événement en direct sur Internet. Découvrez comment les orateurs sont sélectionnés, coachés et encadrés pour produire un speech accrocheur, prêt à être partagé sur YouTube.

No Limits. Le thème choisi par les organisateurs de TEDx Brussels est prometteur. Lundi prochain, 15 orateurs se succéderont sur la scène de Bozar. Chacun d’entre eux livrera une intervention chronométrée de 12 minutes maximum sur un sujet qu’ils maîtrisent sur le bout des doigts. Les conférenciers viennent de tous les horizons. L’éclectisme est une des caractéristiques des événements TED (acronyme de Technology, Entertainment and Design), qui veulent avant tout mettre en avant ” des idées valant la peine d’être partagées ” (ideas worth spreading). A Bruxelles, se succéderont des intervenants aussi variés que Patti Maes (professeur au MIT), Sang-Hoon Degeimbre (chef étoilé), Thomas Klinger (physicien nucléaire), Eva Brems (avocate en droits de l’homme), Dave Cornthwaite (aventurier), Yeba Olayé (designer) ou Dominic Eskofier (spécialiste de la réalité virtuelle).

La plupart des conférenciers TED sont peu connus du grand public. ” C’est une volonté assumée. Nous sommes à la recherche d’idées, pas d’un profil particulier. Par ailleurs, d’après mon expérience, les ‘stars’ ne sont pas forcément les meilleurs orateurs “, nous explique Rudy Aernoudt. Chief economist à la Commission européenne et professeur de corporate finance à l’Université de Gand, Rudy Aernoudt a quelque peu disparu des radars médiatiques après s’être fourvoyé dans la création d’un parti qu’il a fini par quitter pour divergences de vues avec son associé, un certain Mischaël Modrikamen. ” Si on ne tente rien, on ne peut jamais se tromper. Mais ce n’est pas dans ma nature, j’ai besoin de changer de job régulièrement et de lancer de nouveaux projets “, explique Rudy Aernoudt.

Trois speechs pour bousculer vos idées

1. La clé du succès, Simon Sinek, expert en leadership (34 millions de vues sur le site Ted)

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Comment une société informatique comme Apple est-elle parvenue à se réinventer pour vendre des lecteurs MP3, des smartphones et des tablettes ? Selon Simon Sinek, la clé du succès réside dans la stratégie de vente de l’entreprise. La plupart des sociétés insistent sur les caractéristiques de leurs produits et leur processus de fabrication. Apple, de son côté, répond à une question plus fondamentale : pourquoi créons-nous ces appareils ? Plus que le produit, c’est cette proposition unique que les consommateurs achètent. Simon Sinek démontre que les entreprises et les patrons capables de se projeter dans ce type de réflexion ont plus de chance d’accéder au succès.

2. Pourquoi personne ne travaille au boulot, Jason Freid, entrepreneur (5,7 millions de vues sur le site Ted)

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Contrairement à ce que pensent les employeurs, le lieu de travail est le pire endroit pour travailler, développe Jason Fried. Les distractions sont nombreuses : discussions avec les collègues, coups de téléphone et surtout interruptions par ce que l’orateur appelle les “M&M” les “managers” et les “meetings”. Tout le monde a déjà vécu une journée remplie de réunions, de discussions avec son supérieur et de conversations téléphoniques, qui s’est finalement révélée totalement improductive. Jason Fried suggère quelques solutions simples, par exemple libérer des tranches horaires de travail “silencieux” pour permettre aux collaborateurs de se concentrer sur leur boulot.

3. Comment faire en sorte que les gens vous écoutent, Julian Treasure, consultant en son (27 millions de vue sur le site Ted)

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La voix est un instrument de persuasion. Julian Treasure explique en 10 minutes comment la façonner afin de capter l’attention de ses interlocuteurs ou de son auditoire. La tonalité, le volume, la vitesse ou encore l’utilisation d’intervalles silencieux permettent d’être plus efficace et plus convaincant lorsque l’on défend un projet.

Il participe à l’organisation de TEDx Brussels depuis la première édition, en 2008, qui avait pris place à l’époque au Parlement européen. Depuis le départ, il y a trois ans, de son associé Walter De Brouwer, parti fonder sa start-up dans la Silicon Valley (d’où il pilote par ailleurs TEdx San Francisco ! ), Rudy Aernoudt est devenu la cheville ouvrière de l’antenne bruxelloise de ces célèbres conférences. C’est lui qui sélectionne les orateurs qui se produiront sur la scène de Bozar.

Pas de cachet pour les conférenciers

Le modèle des conférences TED est unique dans l’univers des conférenciers, qui est devenu un véritable business où il n’est pas rare que les orateurs monnayent leur intervention plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d’euros. Rien de tout ça pour les conférences TED, qui se font toujours à titre gratuit. ” Certains orateurs nous expliquent qu’ils facturent habituellement 20.000 euros pour ce type de prestation. Nous ne payons que leurs frais de déplacement, leur nuit d’hôtel et un bon repas après la conférence “, souligne Rudy Aernoudt.

L’organisateur de l’événement ne s’est pourtant jamais retrouvé à court de candidats. Neuf fois sur 10, l’orateur sollicité accepte tout de suite de participer, assure Rudy Aernoudt. La réputation qui précède les conférences TED et la visibilité qu’elles offrent aux orateurs ne sont certainement pas étrangères à cet engouement. Chaque speech est retransmis en direct sur Internet, puis partagé sur la chaîne YouTube des ” TEDx Talk “, suivie par plus de six millions d’abonnés. Certaines prestations font un véritable carton, comme celle de Stromae à TEDx Brussels en 2010, qui totalise près d’un million de vues sur le site de streaming.

Les discours les plus percutants sont sélectionnés sur la plateforme mondiale Ted.com, où ils peuvent accéder à une notoriété encore plus grande. Le champion toutes catégories se nomme actuellement Ken Robinson. Ce spécialiste de l’éducation a fait une intervention en 2006 sur le thème ” Les écoles tuent-elles la créativité ? “, visionnée plus de 55 millions de fois sur YouTube et sur le site internet des conférences TED. Le décompte n’est pas totalement complet, puisqu’il n’inclut pas le nombre de vues sur Facebook, qui est devenu une source très puissante de partages de ce type de contenu.

Une licence pour chaque événement

Certaines prestations font un véritable carton, comme celle de Stromae à TEDx Brussels en 2010, qui totalise près d’un million de vues sur le site de streaming.

Les conférences TED sont nées aux Etats-Unis en 1984. Après avoir vivoté pendant plus de 15 ans, la structure est reprise en 2001 par l’entrepreneur et ancien journaliste Chris Anderson, qui va donner un élan mondial à cette organisation sans but lucratif. En créant les événements TEDx, il permet à des comités locaux d’utiliser la marque TED moyennent le paiement d’une licence et le respect de certaines lignes directrices, afin de garantir une certaine uniformité et un certain niveau de qualité dans le contenu et la forme des conférences. Depuis le lancement des TEDx en 2006, plus de 8.000 événements ont été organisés dans le monde, totalisant plus de 60.000 discours.

Les ” curateurs ” locaux sont à la manoeuvre pour l’organisation de leur événement. Si les trois derniers TEDx Brussels étaient complets et rentables, il n’a pas toujours été évident d’arriver à l’équilibre lors des éditions précédentes, pointe Rudy Aernoudt. Globalement, le budget de l’événement avoisine les 200.000 euros. Pour rentrer dans leurs frais, les organisateurs peuvent compter sur les billets d’entrée (60 % des revenus) et des partenariats avec des sponsors (40 %), comme Proximus qui s’occupe gratuitement du live streaming. Une soixantaine de volontaires travaillent en outre dans les coulisses de l’événement.

Des coachs pour les orateurs

La sélection des intervenants est l’une des principales préoccupations des organisateurs. ” Nous cherchons des gens qui font bouger les choses, par leurs idées ou par leurs actes “, explique Rudy Aernoudt. ” Nous fréquentons beaucoup d’événements, de conférences. Nous nous renseignons sur toutes les nouveautés qui apparaissent dans le domaine scientifique. C’est ainsi que j’ai vu que des physiciens allemands avaient fait des avancées dans la fusion nucléaire, ce qui m’a amené à contacter un des membres de leur équipe “, complète Igor Celikovic, speaker manager pour TEDx Brussels.

Rudy Aernoudt:
Rudy Aernoudt: “Avec le speaker, nous réfléchissons beaucoup au début et à la fin du discours. Le public décide en quelques secondes s’il va écouter attentivement l’orateur.”© PG

Igor Celikovic participe à la sélection des orateurs, mais aussi à leur coaching. Les organisateurs des conférences veillent en effet à accompagner les intervenants dans la préparation de leur speech. ” Lors d’une conférence TED, il n’y a pas de place pour l’improvisation “, atteste Korneel Rabaey. Ce professeur de biochimie à l’Université de Gand a fait une intervention en 2016 à TEDx Brussels sur l’utilisation de l’électricité à des fins d’assainissement de l’eau. ” Tout est minuté, enregistré et retransmis en direct. Pour éviter les erreurs, il faut se préparer de manière très méthodique “, complète Korneel Rabaey. Le biochimiste est un habitué des conférences. Mais le format TED est très différent des séminaires classiques, qui se tiennent généralement devant une audience de spécialistes. ” Ici, l’audience est beaucoup plus généraliste. Le but est que tout le monde comprenne votre exposé et s’y intéresse. C’est aussi une forme de show “, pointe Korneel Rabaey.

Vulgarisation et “storytelling”

Le défi est de capter l’attention de l’auditoire sur des sujets extrêmement variés et parfois très pointus. Les orateurs doivent faire un important effort de vulgarisation. Pour captiver le public, ils doivent resserrer leur propos autour d’une idée forte. Celle-ci doit être originale et ne peut pas avoir déjà été développée lors d’une autre conférence TED. C’est cette idée principale que les coachs comme Igor Celkovic tentent de cerner lors de leurs contacts préalables avec les orateurs : ” Souvent, les intervenants veulent raconter toute l’histoire, observe le coach. Mais ce n’est pas nécessaire. Ils doivent se focaliser sur une seule réflexion, autour de laquelle ils vont élaborer leur speech. ” Au contraire, certains orateurs ne se rendent parfois pas compte de l’importance de certaines idées dont ils sont dépositaires : ” Les scientifiques pensent parfois à tort que certaines informations ne sont pas intéressantes pour le public, parce qu’elles sont bien connues dans leur communauté ou dans leur secteur d’activités. Notre rôle est de débusquer ces informations qui intéresseront un public plus large “.

Igor Celikovic leur suggère ensuite d’intégrer quelques éléments de storytelling dans leur exposé : pour donner de la chair au récit, il est nécessaire de donner des exemples glanés dans la vie personnelle ou professionnelle de l’orateur. ” Avec le speaker, nous réfléchissons beaucoup au début et à la fin du discours. Le public décide en quelques secondes s’il va écouter attentivement l’orateur. Et en bout de course, il ne faut pas le laisser en plan : il faut terminer avec quelque chose de fort, par exemple un call to action (un appel à agir, Ndlr) “, avance Igor Celikovic.

Selon les organisateurs, n’importe quel professionnel peut se transformer en orateur TED. Pour l’aider, des lignes directrices sont fixées par le très officiel ” guide des orateurs TEDx “, qui donne des conseils sur la meilleure manière de sélectionner son idée, de se tenir pendant le discours ou de préparer ses slides. ” Je ne suis pas un conférencier professionnel, ce n’est pas mon boulot. Mais avec une bonne préparation et beaucoup de répétitions, je pense avoir réussi à aborder mon sujet, qui est pourtant l’un des plus ennuyeux au monde, de façon abordable et compréhensible “, avance le fondateur de Clear2Pay, Jurgen Ingels, qui a fait l’année dernière un speech sur le système financier. Les 15 orateurs de TEDx Brussels version 2017 se préparent à relever le même défi.

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