Les nouvelles ambitions des Galeries royales Saint-Hubert

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Ce joyau du patrimoine bruxellois a été redynamisé par l’arrivée de la famille Lippens dans son actionnariat. De quoi dévoiler de nouvelles perspectives pour ce pôle immobilier et commercial de 50.000 m2 situé à deux pas de la Grand-Place. La politique d’expansion développée actuellement doit faire grimper la valeur d’un actif estimé à 140 millions d’euros.

Le temps semblait s’arrêter pour les badauds qui ont profité du spectacle son et lumière mis en scène chaque soir pendant une semaine à la fin du mois d’avril aux Galeries royales Saint-Hubert. L’occasion de célébrer avec grâce et élégance les 170 ans de cet élément emblématique du patrimoine bruxellois, situé à deux pas de la Grand-Place. Un anniversaire en forme de renouveau pour cet ensemble de 213 mètres de long, dont l’idée fondatrice de l’architecte Jean-Pierre Cluysenaar était de créer un axe de passage entre des quartiers qui ne communiquaient pas. La rénovation de l’éclairage est l’un des derniers éléments de l’important plan de rénovation déployé il y a plus de 20 ans. Celui-ci touchera à sa fin d’ici trois ans. Les Galeries n’auront alors pratiquement jamais été aussi fringantes. ” Mais la rénovation d’un tel joyau ne s’arrête jamais, sourit Alexandre Grosjean, administrateur délégué de la société civile anonyme Galeries royales Saint-Hubert, société qui possède l’entièreté du bâti, soit 50.000 m2. Regardez les dalles en pierre bleue sur lesquelles nous marchons. Leur épaisseur était de 15 centimètres lors de la construction des Galeries en 1847. Sur certaines dalles, il ne reste plus aujourd’hui que trois centimètres. Nous n’aurons donc pratiquement jamais fini… ”

Il faut avouer que les propriétaires viennent de loin. Sous des apparats plutôt clinquants, les Galeries (du Roi, de la Reine et des Princes) étaient dans un triste état. Avec des fondations branlantes, des appartements obsolètes et des locaux plus vraiment aux normes. Une profonde mutation a donc été nécessaire. ” Il reste encore les façades extérieures situées aux extrémités des Galeries à rénover (2020), de même que les façades de la Galerie des Princes (2018), explique Alexandre Grosjean. Suivra la mise en place d’un nouveau réseau de caméras de surveillance et de comptage ainsi qu’un système wi-fi. On mettra alors fin à 25 ans de travaux. ” Un programme de rénovation qui a déjà englouti plus de 50 millions d’euros (dont 15 % de subsides).

Les nouvelles ambitions des Galeries royales Saint-Hubert
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Développer le volet immobilier

L’heure d’un nouveau départ a donc sonné pour cet ensemble immobilier et commercial dont la valeur de reconstruction (hors terrain) est aujourd’hui estimée à plus de 140 millions (elle était de 100 millions en 2003). Et dont l’embellissement devrait dynamiser encore son attractivité. ” Il est évident que le standing et la beauté des lieux attirent de plus en plus de monde, poursuit l’administrateur délégué, qui voit défiler 6 millions de visiteurs chaque année. Mais il faut se renouveler constamment. Ce qui nous poussera à établir d’ici peu un plan de gestion pour l’ensemble des Galeries. Vu que l’édifice est classé, les procédures urbanistiques sont très longues. Avoir une vue d’ensemble de nos projets ne peut être que bénéfique. ”

La rénovation de l’éclairage est l’un des derniers éléments de l’important plan de rénovation déployé il y a plus de 20 ans. Celui-ci touchera à sa fin d’ici trois ans.

Les Galeries royales Saint-Hubert comptent actuellement 54 commerces et 73 appartements. En y ajoutant le Théâtre du Vaudeville, l’Hôtel des Galeries et d’autres développements récents tels qu’un espace de coworking, près de 800 personnes y gravitent chaque jour. ” Notre volonté est d’encore augmenter notre présence dans le quartier, explique Alexandre Grosjean, qui dispose d’un cash-flow de plus de 4 millions d’euros pour concrétiser ses ambitions. Nous sommes dans une politique d’expansion qui vise à racheter des bâtiments situés à proximité des Galeries, de manière à mettre la main, à terme, sur l’ensemble de l’îlot. Notamment jusqu’à la rue de la Montagne et la rue d’Arenberg. Nous croyons vraiment dans ce quartier. Cette concentration des actifs présente bien évidemment un risque au niveau immobilier, mais c’est par contre beaucoup plus facile au niveau de la gestion. Et puis, nous avons effectué de nombreux travaux d’embellissement. Je préfère que nous en profitions plutôt que d’autres. ” Des immeubles viennent par exemple d’être achetés rue du Marché aux Herbes et dans la rue des Bouchers. Alors que l’enseigne ING, située rue du Marché aux Herbes, à l’entrée de la galerie, devrait se libérer d’ici peu et, vu sa situation idéale, avoir son lot de prétendants. Pas de quoi faire exploser les loyers toutefois, tant ils sont en deçà de la moyenne bruxelloise. ” Notre ambition n’est pas de faire grimper le loyer de nos locataires, estime Alexandre Grosjean, qui a internalisé il y a peu la gestion commerciale au détriment du courtier Cushman & Wakefield. J’ai une aversion terrible du vide locatif, qui nous serait bien plus préjudiciable en termes d’image qu’un loyer élevé. Ils s’élèvent en moyenne de 550 à 750 euros/m2 par an. Par ailleurs, la rotation commerciale est assez faible, même si les marques d’intérêt sont nombreuses, surtout depuis le début de l’année. Il y a bien des mouvements, comme récemment avec Marcolini. Mais les locataires sont souvent satisfaits d’être là. ” Des enseignes de luxe le plus souvent, dont une flopée de chocolatiers. L’idée générale étant aussi de mettre en avant le savoir-faire belge haut de gamme (Delvaux, Marcolini, Neuhaus ou encore l’horloger Raidillon). Parmi les nouveautés, l’épicerie Pistolet original s’installera d’ici peu au croisement de la rue des Bouchers et de la Galerie du Roi.

Les nouvelles ambitions des Galeries royales Saint-Hubert
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Viser un rayonnement international

Sur le plan résidentiel, les appartements sont également tous occupés. Le loyer tourne autour de 1.000 euros pour un spacieux appartement de deux chambres. Quant aux locataires, ils gravitent dans le monde culturel, ont un profil jeune et urbain (il n’y a pas de garage) et favorisent de plus en plus la vie en colocation. Si l’environnement est peu adapté aux familles monoparentales, il séduit par contre également quelques seniors. Précisons que la gestion de la partie résidentielle a été internalisée. Une personne y est dédiée à mi-temps. La vacance locative est faible.

Enfin, c’est plus anecdotique, mais les Galeries royales font désormais partie d’un réseau européen de lieux de passages couverts. L’idée étant de rassembler les propriétaires et les gestionnaires de passages couverts qui sont chargés d’histoire et que l’on rencontre dans de nombreuses villes européennes, telles que Milan, Paris, Vienne ou Lille.

Les Galeries s’étaient déjà rapprochées des Passages Lemonnier (Liège), du Nord (Bruxelles) et Pommeraye (Nantes). Voilà que les ambitions se multiplient avec des rapprochements en cours avec Paris, Milan et Naples. ” Cela permet des échanges de bonnes pratiques, de se donner un rayonnement international et de réaliser l’une ou l’autre opération commerciale, explique Alexandre Grosjean, soutenu dans cette démarche par Patrice de Moncan, un des meilleurs connaisseurs des passages couverts. Cela ne peut être que bénéfique pour notre notoriété ! ”

Par Xavier Attout.

Actionnariat : le coup de boost de la famille Lippens

En matière d’actionnariat, les Galeries royales Saint-Hubert ont fait preuve d’une grande stabilité. Les huit familles historiques sont d’ailleurs toujours à la manoeuvre. A l’origine, en 1845, la Société des Galeries Saint-Hubert et de ses embranchements est financée par un appel public à l’épargne. Elle est dissoute de droit en 1875, les actionnaires se retrouvant alors indivisaires. Une société civile est ensuite créée en 1893 pour éviter de compliquer les sorties d’indivision. Un modèle qui perdurera jusqu’en 1993, moment où les Galeries auront besoin d’argent frais pour financer leur rénovation, les actionnaires ne pouvant assurer l’entièreté du programme.

La société civile (SC) va alors évoluer, apportant son patrimoine à une société civile anonyme (SCA) nouvellement constituée. Cette dernière permettant de financer les rénovations. De quoi ouvrir une partie du capital à Finasucre (famille Lippens) pour 25 %, la SC et ses 250 actionnaires descendants des fondateurs gardant 75 %. “L’arrivée de Finasucre a agi comme un coup de fouet, lance Alexandre Grosjean. Elle nous a permis de déployer de nouvelles ambitions.”

Les conseils d’administration de la SCA et de la SC ont peu évolué au fil du temps. Les familles traditionnelles y étant toujours bien représentées. On y trouve notamment aujourd’hui Alexandre Grosjean, Eric de Villers Grandchamps, Bénédicte De Mot (des familles fondatrices), Guillaume et William Vanderfelt, Christian Jacobs, Réginald Horrickx, Olivier Lippens (Finasucre, président de la sicafi Aedifica) et, au titre d’administrateurs indépendants pour les aspects immobiliers ou commerciaux, Adeline Simont (Banque Degroof), Christian Jacobs (Banque Degroof) et Raymond Vaxelaire (ex-Inno).

“Les loyers pourraient être augmentés de 25%”

Arnaud de Bergeyck est responsable du Capital Markets chez le courtier Cushman & Wakefield. C’est l’un des plus fins connaisseurs du marché immobilier commercial bruxellois.

TRENDS-TENDANCES. Quelle place occupent les Galeries royales Saint-Hubert dans le paysage commercial bruxellois ?

ARNAUD DE BERGEYCK. Elles sont à catégoriser dans le segment du bas de la ville, avec une cible privilégiée que sont les touristes. Les enseignes concernées par une location sont donc celles qui cherchent un emplacement aux alentours de la Grand-Place. Six millions de personnes y passent chaque année, ce qui n’est pas négligeable. De par son caractère particulier, ces Galeries ont parfaitement leur place. Un bémol, les surfaces commerciales sont petites, toutes les enseignes ne peuvent s’y installer.

Il n’y a pratiquement aucun vide locatif. Comment l’expliquer ?

Il s’agit du résultat de la politique déployée par les familles historiques. A savoir privilégier les enseignes de qualité, des locataires historiques, qui offrent une plus-value, une mixité et une certaine authenticité. Que ce soit une dentellerie, la librairie Tropismes, la Taverne du Passage, des chocolatiers ou autres.

Les loyers sont assez faibles. Vu l’emplacement, n’y aura-t-il pas moyen de faire grimper les loyers, de manière à devenir une artère “prime” ?

Oui, mais ce n’est pas l’ambition des propriétaires. Ils ont une vision à long terme. Qui est une réussite vu la manière dont elle porte ses fruits. Il y aurait bien évidemment moyen de faire grimper les loyers. Notamment en suivant l’exemple de la Galerie Vittorio Emmanuel II à Milan, qui dispose des mêmes caractéristiques, et qui est devenue une artère concentrant les marques de luxe. On peut estimer que les loyers des Galeries Saint-Hubert sont actuellement à 75 % de leurs possibilités.

D’une manière générale, quel est le potentiel de cette zone ?

Important. L’Ilot Sacré connaît une profonde mutation, avec un “nettoyage” de la pollution visuelle, la réfection de la rue des Bouchers et de certains immeubles qui n’étaient plus vraiment aux normes. Cela va augmenter la qualité globale du quartier et, indirectement, les loyers. C’est donc de bon augure pour la suite.

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