Wonderland, la résidence qui illustre le destin de Hong Kong

Le complexe résidentiel Wonderland à Hong Kong. © AFP

Les passereaux pépient pour saluer le soleil qui se lève sur les Wonderland Villas de Hong Kong, complexe résidentiel niché sur une colline verdoyante dont l’histoire résume le destin politique, économique et social de l’ex-colonie britannique.

Le complexe a été construit en 1984, année où le colonisateur signait un accord avec la Chine pour lui restituer Hong Kong. Avec ses 22 immeubles blancs tout en courbes, ses courts de tennis, son clubhouse et sa piscine, c’était alors un projet d’avant-garde.

Le prix du mètre carré à Wonderland, dans le nord du territoire semi-autonome, a grimpé, baissé puis grimpé de nouveau, à l’instar du marché immobilier hongkongais dans son ensemble, aujourd’hui l’un des plus chers du monde.

Le manque criant de logements abordables est un sujet extrêmement sensible à l’approche du vingtième anniversaire du retour de la ville dans le giron chinois, le 1er juillet.

Autrefois, devenir propriétaire à Wonderland était pourtant un rêve réalisable.

Winnie Wong, une ancienne couturière de 70 ans, y a acheté avec son mari un appartement en 1997, l’année de la rétrocession, au moment où d’autres choisissaient d’émigrer de peur de subir l’emprise de la Chine.

Mme Wong a décidé de rester. “Mon père m’a dit une fois +plus on fuit, plus c’est dur+”, raconte-t-elle à l’AFP.

Ouverture

A partir de la fin des années 1970, la Chine a commencé à ouvrir son économie et Hong Kong a abandonné l’industrie manufacturière pour se tourner vers les services, devenant une porte d’accès entre le continent et le reste du monde.

La famille Wong est typique des générations de l’après-guerre dont les conditions de vie s’amélioraient à mesure que Hong Kong se développait.

Les Wong avaient acheté leur premier appartement en 1970 pour 45.000 dollars de Hong Kong (5.100 euros), déménageant sept fois avant de casser la tirelire et s’offrir une adresse à Wonderland pour 7,85 millions de dollars hongkongais (900.000 euros).

Aujourd’hui, leur vaste appartement de 149 m2 avec terrasse en vaut le double.

“Pour ma génération, si on travaillait dur, c’était plus facile d’acheter son logement”, reconnaît Mme Wong.

Dans les années 1980 et 1990, les prix ont régulièrement augmenté avant de s’écrouler fin 1997 avec la crise financière asiatique. L’économie a subi de nouveaux coups en 2003 en raison de l’épidémie de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) qui avait fait 299 morts.

La tête hors de l’eau

La crise s’est ressentie à Wonderland. Les Wong ont gardé la tête hors de l’eau mais une trentaine de propriétaires endettés ont dû renoncer à leur rêve et les prix de sont effondrés de plus de 60%.

Puis l’essor économique chinois, le boom du commerce alimenté par les opérations de séduction du gouvernement hongkongais à l’intention des touristes chinois, ont renversé la tendance.

Les riches hommes d’affaires et les industriels ont recommencé à acheter à Wonderland, de même que quelques investisseurs du continent.

Mais en général, les acheteurs chinois préfèrent acquérir des biens situés davantage en centre-ville, dont ils pensent qu’ils prendront plus de valeur même s’ils sont moins spacieux.

“Quand les expatriés ou les Chinois du continent investissent dans un endroit qu’ils ne connaissent pas, ils préfèrent les résidences les mieux connues, ou situées près d’un métro”, explique Ken Lee, agent immobilier de Hong Kong.

Même s’ils sont passés de mode, les appartements de Wonderland restent extrêmement chers. Et les jeunes sont bien souvent exclus du marché.

Selon une récente étude du cabinet Demographia, Hong Kong est la ville du monde où le logement est le moins abordable. Le prix médian d’un logement y est 18,1 fois supérieur au revenu médian annuel d’un foyer.

Inflation

Les investissements chinois dans l’immobilier hongkongais expliquent pour partie les prix exorbitants de la pierre. Le gouvernement hongkongais est aussi accusé de préférer la collusion avec les promoteurs à la création de logements abordables.

Bon nombre des sept millions d’habitants de Hong Kong dépensent ainsi des fortunes pour vivre dans des logements minuscules.

Certains analystes estiment cependant que les prix pourraient baisser grâce aux récentes promesses du gouvernement de construire des logements neufs.

“De nouveaux projets vont être mis sur le marché et les (promoteurs) vont devoir être plus compétitifs”, explique à l’AFP Joyce Kwock, analyste immobilière chez Nomura.

Aujourd’hui, la plupart des habitants de Wonderland sont des retraités ou des amoureux de la nature.

L’agencement relativement aéré de la résidence, ses abords verdoyants, tranchent avec les gratte-ciel plus neufs où le verre, le marbre, les dorures et les chandeliers figurent en bonne place.

Une nouvelle génération de Wong -une des filles du couple et sa famille – habite le complexe. Ses parents l’ont aidée à fournir un apport, comme le font de nombreux parents de la classe moyenne.

“Aujourd’hui, c’est difficile pour les jeunes d’y arriver tout seuls”, déclare Mme Wong. Avec son époux, elle n’a aucune intention de bouger. “Il serait difficile de trouver un endroit aussi vert. On aime le calme ici”.

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