Les dirigeants ont-ils droit au paiement de leurs heures supplémentaires ?

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A l’issue d’un contrat de travail, il arrive bien souvent (généralement suite à un licenciement) qu’un travailleur introduise une réclamation visant à obtenir le paiement d’heures supplémentaires dont l’employeur n’a (peut-être) jamais entendu parler. Ces heures supplémentaires doivent-elles être effectivement rémunérées, si elles sont prouvées ?

Si elles ont été prestées par un ” travailleur lambda ” à la demande de l’employeur, il sera difficile de s’opposer à une telle demande.

Il n’en sera pas de même si ces prestations concernent des travailleurs désignés comme ” investis d’un poste de direction ou de confiance “. En vertu de l’article 3, § 3, de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, ces travailleurs ne sont pas visés par les dispositions légales relatives aux heures supplémentaires et au sursalaire (50 % ou 100 % en fonction du jour des prestations supplémentaires).

L’arrêté royal du 10 février 1965 liste en son article 2, de façon limitative et obsolète, les personnes qu’on peut qualifier comme investies d’un poste de direction ou de confiance au sens de l’article 3, § 3 précité.

Y figurent notamment les directeurs, sous-directeurs et personnes qui exercent une autorité effective et ont la responsabilité de l’ensemble ou d’une subdivision importante de l’entreprise ; les secrétaires particuliers du directeur ou du sous-directeur ; les personnes qui peuvent, sous leur responsabilité, engager l’entreprise ; les gérants, qu’ils aient ou non du personnel sous leur autorité ; les personnes chargées de missions de contrôle ou d’inspection ; les contremaîtres ; les chefs de fabrication et d’atelier exerçant une autorité effective ; etc. ; ainsi que les ingénieurs et membres du personnel, dans la mesure où leur présence personnelle est nécessaire à la sécurité des travailleurs et à la sécurité de fonctionnement de l’entreprise.

“Direction” et “confiance”

Si la notion de ” direction ” ne suscite pas de difficulté particulière, la notion de ” confiance ” semble plus floue dans la mesure où elle semble centrale dans la relation de travail. Selon la Cour de cassation, elle n’exige pas que la fonction concernée implique une compétence de décision autonome. En ce qui concerne ces deux notions, les juridictions du travail ont rappelé, il y a peu, que :

– le poste de direction implique une compétence décisionnelle autonome ;

– les notions de poste de confiance et de poste de direction s’interprètent séparément.

Selon la jurisprudence, pour pouvoir considérer un travailleur comme investi d’un poste de direction ou de confiance, l’employeur doit être à même de prouver que :

– le travailleur occupe une place importante dans la hiérarchie de l’entreprise ;

-les fonctions du travailleur entrent dans une des catégories visées par la liste de l’arrêté royal précité ;

– le travailleur exerce une autorité effective sur au moins une personne ou a la responsabilité d’une subdivision de l’entreprise ;

– le travailleur peut engager, sous sa responsabilité, l’entreprise vis-à-vis des tiers ;

– le travailleur n’est pas soumis à un horaire de travail.

Il a été également reconnu récemment que le seul fait que la rémunération d’un travailleur puisse être considérée comme relativement élevée n’est pas de nature à justifier la qualité de personne de confiance, mais peut être uniquement justifié par ses compétences techniques pointues.

Si le travailleur est effectivement “investi d’un poste de direction ou de confiance”, peut-il malgré tout prétendre à des sursalaires ?

Selon la jurisprudence majoritaire actuelle, le fait que le travailleur investi d’un poste de direction ou de confiance ne puisse obtenir les suppléments salariaux légaux, ne l’empêche malgré tout d’obtenir une rémunération complémentaire au taux ordinaire, aux conditions suivantes :

? pour toutes les heures accomplies au-delà de son horaire normal ;

? s’il peut se fonder sur une autre source de droit que la loi du 16 mars 1971 et notamment sur le contrat de travail, sur l’usage, voire sur l’équité comme confirmé dans l’arrêt de la cour du travail de Bruxelles précité.

En toute hypothèse, le travailleur concerné devra toujours pouvoir apporter la preuve que des prestations ont été fournies, à la demande de son employeur, en plus de ses prestations normales.

Par Pierre Van Achter, conseiller auprès du cabinet d’avocats Simont Braun.

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