Le phénomène Waze, l’appli qui nargue les embouteillages

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Le service Waze rencontre un succès grandissant en Belgique. Il recourt à la participation passive et active des automobilistes afin de proposer les infos les plus récentes sur les encombrements, travaux et radars. Entièrement gratuit, il est souvent plus efficace que les GPS embarqués.

Lentement mais sûrement, Waze envahit les tableaux de bord. Cette application, qui fonctionne sur smartphone et tablette, nous vient d’Israël et aide les automobilistes à trouver leur chemin. Efficace, ce navigateur tient compte des encombrements et des travaux, quasiment en temps réel. Il n’est pas rare d’apercevoir, sur la route, des berlines allemandes haut de gamme, dans lesquelles les conducteurs ont fixé leur smartphone sur la console centrale, avec Waze bien en vue, délaissant le GPS grand écran intégré du véhicule. Même des vendeurs de voitures reconnaissent parfois qu’eux et leurs collègues utilisent plutôt Waze que le GPS intégré des véhicules qu’ils commercialisent.

A Bruxelles, 250.000 utilisateurs équipés

Pascal Duc contribue bénévolement à la mise à jour de la cartographie de Waze en Belgique francophone.
Pascal Duc contribue bénévolement à la mise à jour de la cartographie de Waze en Belgique francophone. © PG

La progression de Waze est considérable. ” Rien que sur Bruxelles, je peux confirmer qu’il y a maintenant 250.000 utilisateurs “, avance Robyn Bemment, porte-parole de Waze pour l’Europe. En janvier 2016, ce chiffre n’atteignait que 60.000 utilisateurs actifs. Cette évolution est confirmée par les statistiques (publiques) qui mesurent, jour après jour, minute après minute, le nombre d’utilisateurs simultanés (voir infographie ” Waze convainc les Bruxellois ” plus bas). En deux ans, il est passé de 4.000 à quasi 16.000 aux heures de pointe.

Waze ne supprime bien évidemment pas les embouteillages (dommage), mais permet de gagner cinq ou dix minutes, parfois davantage, par trajet, d’éviter le méga bouchon provoqué par un camion en panne ou le chantier surprise que beaucoup de GPS ne signalent pas. En roulant malin, le conducteur découvre de nouveaux parcours insoupçonnés. L’appli a l’avantage d’être gratuite. ” Elle connaît depuis deux ans, environ, un succès exponentiel, indique Pascal Duc, un informaticien qui contribue bénévolement à la mise à jour de la cartographie de Waze en Belgique francophone. Les facteurs qui poussent l’application sont la baisse du coût des smartphones et des abonnements pour les data mobiles. Le profil des utilisateurs change. Au début, les utilisateurs principaux étaient les gros rouleurs – des commerciaux par exemple -, maintenant monsieur Tout-le-Monde s’y est mis. ” La connexion au réseau GSM est indispensable pour télécharger les trajets et les informations de trafic.

Accord avec la ville de Gand

Waze est une application participative.
Waze est une application participative.© PG

Les données collectées par Waze peuvent se révéler fort intéressantes pour les villes. Ainsi Gand, qui a revu drastiquement son plan de mobilité dans le centre de la cité médiévale, a conclu un accord d’échange de données avec Waze, dans le cadre d’un programme appelé Connected Citizens Program (CCP). Waze a adapté l’application pour que les automobilistes s’y retrouvent dans la réduction drastique des voies accessibles aux voitures. Lille a aussi signé un accord, la métropole fournit des infos sur les travaux programmés, les manifestations en vue, et reçoit toutes les données de Waze. Et peut ainsi être plus rapidement informée des véhicules en panne ou accidentés sur la voirie. Bruxelles Mobilité est en discussion avec Waze, ” et d’autres fournisseurs de données “, indique Inge Paemen, porte-parole de l’administration bruxelloise. ” Mais pour envisager une collaboration, il y a des questions à examiner, poursuit-elle. Il y a peut-être un appel d’offre à lancer, car nous sommes une administration publique. Il faut aussi envisager l’usage commercial qui peut être fait des données analysées. “

Le développement de Waze contrarie l’évolution des développeurs de dispositifs de GPS. A partir de 2005, les automobilistes se sont équipés massivement en GPS portatifs, à ventouser sur le tableau de bord (TomTom, Garmin principalement). Les constructeurs automobiles ont suivi et équipé leurs voitures de GPS intégrés, souvent proposés en équipement de base, si bien que les ventes de GPS portables ont chuté. TomTom s’est reconverti dans la vente de services et de cartographies aux constructeurs automobiles. Il paraissait inéluctable que les constructeurs prennent le contrôle de ce marché et introduisent ce service de guidage intégré dans tous les véhicules. L’arrivée des smartphones et des applications comme Waze a perturbé cette transition, elle a ouvert d’autres pistes.

Le génie des créateurs de Waze est d’avoir conçu une application de l’ère Facebook, entièrement bâtie sur la participation des utilisateurs.

Les concurrents

Google a bien compris l’intérêt de ce type de service. En 2013, le groupe américain, rebaptisé maintenant Alphabet, a signé un chèque de 1,15 milliard de dollars pour racheter Waze, qu’il conserve comme activité autonome. Officiellement séparée de Google Maps, l’appli propose aussi une fonction de navigation GPS tenant compte de la circulation. Google Maps profite des contributions des utilisateurs de Waze pour le signalement des incidents, accidents et travaux. Les rôles sont bien partagés. Google Maps vise un usage multimodal, en proposant de tracer des trajets en voiture, à vélo, à pied ou en transport en commun. Waze, de son côté, est rivé à l’automobile, et rien qu’à l’automobile.

Waze n’est pas la seule appli GPS intégrant de bonnes infos liées au trafic et incidents sur la route. Il y a aussi Coyote, très populaire en Belgique, qui est payante, et utilise surtout un terminal spécifique qui intègre une carte SIM pour pouvoir envoyer et recevoir des données. Elle reste très populaire (lire l’encadré “Derrière Coyote” plus bas). Ou TomTom, sous forme de terminal mobile et qui commercialise une version pour iPhone ou Android, également payante. Il est même intégré dans certaines voitures (Renault). Il y a également Touring Mobilis, le seul service belge, développé par Be-Mobile, entreprise rachetée par Proximus. Cette appli 100 % belge, qui donne une bonne vue sur l’état du trafic, s’est laissée dépasser par des concurrents comme Waze, qui est nettement plus pratique. ” C’est dommage qu’il n’y ait pas de collaboration, regrette Umberto Stefani, porte-parole de Touring, qui reconnaît que Waze a pris une ampleur considérable. Elle est à la mobilité ce que Coyote est à la prévention. ” Coyote a fondé son succès sur le signalement de la présence de radars et a ensuite élargi le type d’informations partagées par les membres de sa communauté. Enfin, il y a Google Maps, qui a une vocation plus généraliste.

L'application tient compte des travaux et des encombrements, quasi en temps réel.
L’application tient compte des travaux et des encombrements, quasi en temps réel.© PG

La montée en puissance de Waze devrait se poursuivre en Belgique, et cela pour quatre raisons :

1. La gratuité et la facilité

L’application se distingue d’abord par sa gratuité. Son business model est basé sur la publicité, qui s’affiche parfois lorsque le véhicule est à l’arrêt, à un feu rouge. Il y a parfois aussi des ” pins “, des logos de marques sur la carte, identifiant des magasins ou établissements d’annonceurs. Les restaurants Quick y figurent. Ces annonces ne sont pas trop envahissantes et ne perturbent pas le guidage, car encore peu nombreuses. Elles sont gérées depuis le siège de Waze, à Tel-Aviv. L’affichage est fort simplifié, Waze n’encombre pas l’écran d’éléments afin de ne pas perturber la navigation. L’appli est régulièrement mise à jour. Les dernières versions ont amélioré la clarté du guidage, s’adaptant aux smartphones d’aujourd’hui qui proposent des écrans plus grands, plus précis, plus confortables à l’usage. Le coût des data mobiles est devenu plus abordable, écartant la réticence financière à utiliser ce type de service. A l’heure actuelle, le plus grand souci reste la fixation du téléphone sur le tableau de bord, à l’aide d’un dispositif robuste et sûr.

Il serait plus simple que les constructeurs proposent Waze dans le système d’infotainment, en alternative au navigateur maison. Mais ils se montrent encore réticents à intégrer des services fournis par Google. Notamment par crainte de devoir partager les données du véhicule avec ce grand méchant loup qu’est Internet. Cela contrarie leur stratégie qui consiste à garder le contrôle sur les systèmes de navigation et sur le client. BMW, Daimler et Audi ont ainsi racheté le service cartographique Here à Nokia pour 2,8 milliards d’euros en 2015, pour ne pas dépendre de Google ou de TomTom pour la navigation. Ne pouvant ignorer le succès de Waze et la pression de la demande, quelques constructeurs acceptent des compromis. C’est le cas, notamment, de Renault et de Seat. Mais de manière contrôlée, à travers un module installé dans le dispositif d’infotainment du véhicule, appelé Android Auto, qui donne accès à quelques applications du smartphone du conducteur, adaptées à un usage automobile. Ce module ne fonctionnera qu’en connexion avec un smartphone Android, qui va gérer Waze et l’envoyer sur l’écran du système de la voiture. Parmi les applis disponibles par Android Auto, il y a Google Map et Spotify. Waze est en cours d’intégration. Cette arrivée se fait attendre et ne concerne pas les utilisateurs d’iPhone, très nombreux en entreprise, qui devront continuer à fixer leur téléphone sur le tableau de bord pour suivre Waze.

Le phénomène Waze, l'appli qui nargue les embouteillages

2. Le moteur communautaire

Waze est fondamentalement une application participative. Chaque utilisateur contribue à rendre le service plus précis et plus exact. Chaque fois qu’il ouvre le service sur son téléphone, il génère, en roulant, des données de trafic qui vont nourrir la base de données de Waze, détectant les ralentissements, en comparant les statistiques des jours passés pour chaque tronçon parcouru. Plus il y a d’utilisateurs, plus les trajets proposés seront malins. ” C’est efficace à partir de 300 ou 400 utilisateurs simultanés, pour les grands axes “, estime Pascal Duc. Un niveau que dépasse largement Bruxelles, et aussi Anvers, Gand ou Charleroi. Les incidents – travaux, accidents, véhicules en panne, nids de poule, objets sur la chaussée, etc. – sont signalés sur l’appli par les utilisateurs. L’info sera validée par les Wazers qui suivront la même route un peu plus tard, l’appli leur signalera le souci et demandera s’il est toujours d’actualité. Ce mécanisme rend les signalements plus fiables et permet de débusquer ceux qui sont erronés (parfois volontairement). Les radars sont aussi notifiés, souvent de manière indirecte, en signalant la présence de policiers.

Cela permet souvent d’avoir une vue plus rapide sur les chantiers, que TomTom ou des GPS intégrés n’affichent pas toujours, et comprennent donc pas dans le calcul du parcours. Si un chantier d’autoroute provoque un embouteillage, Waze affichera un parcours pour l’éviter.

C’est une belle application, mais Waze amène du trafic dans des routes qui ne sont pas faites pour ça.” Benoît Godart, porte-parole de Vias (ex-IBSR)

La cartographie est un autre aspect communautaire. Waze se fonde sur une armée d’éditeurs bénévoles qui vont améliorer le tracé des routes, ajouter les nouvelles rues, lotissements, les limitations de vitesse, encoder les chantiers. Waze annonce 360.000 map editors. ” En Belgique, il y en a une centaine qui contribuent régulièrement, indique Pascal Duc, bénévole très actif, habitant près de Remouchamps. Il y en a beaucoup plus en théorie, mais certains se limitent à corriger ou préciser des données cartographiques dans leur quartier. ” Ces éditeurs sont classés en six catégories. Plus elle est élevée, plus est large la variété des routes et données modifiables. ” Au niveau 1, on peut modifier des rues dans son quartier, précise Pascal Duc, qui a atteint le niveau 5. Les éditeurs ajoutent des infos comme les radars fixes ou les chantiers programmés, les nouveaux ronds-points. ”

Les plus mordus participent à une réunion annuelle pour se retrouver et rencontrer des représentants de Waze qui viendront écouter les questions et propositions. Et esquisser l’évolution de l’application. La prochaine rencontre Benelux est imminente : elle se déroulera le 11 novembre, à Bruges, dans un hôtel Best Western. Les éditeurs les plus actifs reçoivent des hochets : t-shirts, autocollants, porte-clefs, et peuvent même espérer bénéficier gratuitement d’une nuitée dans l’hôtel où se déroule de la conférence. Ces rencontres permettent aux éditeurs de proposer des nouvelles fonctions. ” Les limitations de vitesse n’étaient pas proposées, Waze a ajouté la fonction “, poursuit Pascal Duc. Et les bénévoles les ont encodées. Le résultat est plus correct que celui de bien des GPS embarqués, où les infos datent.

Le génie des créateurs de Waze est d’avoir conçu une application de l’ère Facebook, entièrement bâtie sur la participation des utilisateurs. Il n’y a d’ailleurs pas de représentant de Waze en Belgique. L’application est gérée depuis Israël et supervisée par Avichai Bakst, business development director. Elle tourne toute seule et s’améliore grâce aux utilisateurs et éditeurs bénévoles. La maison mère perfectionne l’application et ajoute des fonctions. La dernière évolution est le développement d’une fonction de covoiturage, Waze Rider, lancée aux Etats-Unis.

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3. La “gamification”

Waze se distingue des autres services de navigation par son côté ludique. Ainsi, chaque utilisateur accumule des points à mesure qu’il roule et participe au service, en signalant par exemple un accident ou un chantier. Pour grimper dans une échelle qui va de Bébé Wazer, sur les 160 premiers km, à celle de Wazer Royal, pour ceux qui font partie du 1 % d’utilisateurs les plus actifs. Selon son grade, le Wazer sera identifié sur l’application par un icône différent. Le Chevalier Wazer (4 % des plus actifs) porte fièrement une épée, et le Wazer Royal est bien sûr affublé d’une couronne.

Ces points ne rapportent rien, mais ils suffisent à créer une certaine émulation. Waze a même imaginé des bonbons bonus, des actions qui donnent droit à des points. Le premier signalement rapportera 25 points (au lieu de 6), par exemple pour indiquer un accident ou une voiture en panne. La première modification de cartes ramènera 200 points. Tout est fait pour que l’utilisateur ” joue ” avec Waze. Sur l’écran, il voit s’afficher les autres Wazers sur la route qu’il emprunte. Il peut modifier sa représentation, sous forme d’un petit personnage, qui varie selon l’humeur souhaitée : fier, amoureux, geek, triste, etc. Il donne la possibilité de se faire des signes (un bip) si l’on aperçoit sur l’écran une connaissance qui utilise Waze, ou d’envoyer sa position à des connaissances.

4. L’équipement variable des GPS intégrés

Si presque toutes les nouvelles voitures sont équipées d’un GPS, leur niveau de fiabilité varie très fort. Il y a d’abord la mise à jour des cartes qui n’est pas toujours aisée, qui peut être coûteuse. Beaucoup d’automobilistes ne mettent pas leur GPS à jour, la cartographie est alors de plus en plus obsolète, ignorant les nouveaux sens interdits. La cartographie de Waze est mise à jour quotidiennement, sans intervention de l’utilisateur. Ensuite, le GPS intégré n’est utile, pour les trajets à Bruxelles ou à Anvers, que dotés d’un solide service d’infotrafic en temps réel. Celui-ci n’est pas toujours présent dans les systèmes intégrés et est parfois soumis à un abonnement. Cette faiblesse devrait reculer avec l’arrivée de nouveaux modèles de mieux en mieux équipés. Souvent, Waze s’avère plus efficace que nombre de dispositifs intégrés. Enfin, la plupart des automobilistes roulent avec une voiture d’occasion, équipée d’un GPS basique ou pas équipée du tout. Un automobiliste garde en moyenne son véhicule plus de huit ans. Pour lui, le smartphone devient l’instrument idéal pour disposer d’une navigation moderne et même d’infotainement (musique, podcast) de qualité.

Faiblesses, critiques et perspectives

La cartographie de Waze est mise à jour quotidiennement.
La cartographie de Waze est mise à jour quotidiennement.© PG

Bien entendu, Waze attire aussi les critiques. D’abord, comme toute entreprise de Google qui se respecte, l’appli ” pompe ” les données de navigation des utilisateurs. Pour aider à améliorer la navigation, mais aussi pour faciliter la vente des publicités, ce qui défrise certains utilisateurs. C’est le cas de toutes les applis de Google. ” C’est une belle application, mais Waze amène du trafic dans des routes qui ne sont pas faites pour ça, relève de son côté Benoît Godart, porte-parole de Vias (ex-IBSR). Cela incite les élus locaux à multiplier les casse-vitesse. Waze exige aussi une certaine habitude. Il est, comme d’autres applis, moins précis dans les tunnels, dont Bruxelles est bien pourvue, où les GPS des smartphones ne détectent pas la position, puisqu’ils n’ont plus de contact avec les satellites. Waze propose la pose de beacons, des capteurs bluetooth, à installer dans les tunnels. C’est aux autorités de les installer et de les financer (28,5 dollars par capteur, il en faut 25 par km). Ils remplacent le signal satellite. Le système devrait être testé à Paris. Il pourrait fonctionner pour d’autres services GPS que Waze.

Enfin, Waze ne résout pas à la base la question des embouteillages. Il ne peut modifier les lois de la physique. La Belgique compte actuellement 5,7 millions d’autos, contre 3,3 millions en 1985. Le parc automobile croît de 1,3 % par an. La tendance aux encombrements devrait continuer à se maintenir, sauf instauration de péages urbains ou d’autres dispositifs dissuasifs, ou l’arrivée d’autres systèmes de transport. Waze et tous les navigateurs intelligents peuvent toutefois contribuer à utiliser le mieux possible l’infrastructure existante.

A long terme, toutefois, Waze pourrait être doublé par les constructeurs lorsqu’ils commercialiseront des voitures autonomes, dont la navigation sera assurée exclusivement par des dispositifs embarqués. Le smartphone servira alors à distraire le passager. Waze aura le temps de se développer : les premières voitures totalement autonomes ne devraient pas apparaître avant au moins 10 ans, et il faudra encore 16 ans de plus pour que le parc soit totalement équipé.

Derrière Coyote

Waze gagne du terrain en Belgique, mais Coyote reste en tête des services d’aide à la conduite. “Nous touchons 1,21 million d’utilisateurs”, avance Vincent Hebert, directeur général de Coyote pour le Benelux. Le service de Waze est différent de celui proposé par Coyote. L’assise de celui-ci repose sur le signalement des radars, et non sur la navigation. Le service est payant (12 euros par mois) et est fourni à travers des terminaux à poser sur le tableau de bord, qui incluent une carte SIM, et aussi à travers des applications de plus en plus populaires. L’appareil signale les radars repérés par d’autres abonnés Coyote, ainsi que les perturbations sur la route. Coyote génère énormément de données trafic qu’il revend, mais qu’il n’exploite pas encore beaucoup pour la navigation. Il vend un terminal doté d’un système de navigation mais il reste rudimentaire face à un bon TomTom doté des infos sur le trafic ou, surtout, face à Waze, qui devient un concurrent sérieux. Une réponse devrait arriver dans les semaines à venir. Coyote va sortir un nouveau terminal équipé d’une navigation qui tient compte du trafic et des incidents.

Un “business model” basé sur la publicité hyper locale

Waze est gratuit, comme tous les services de Google (groupe Alphabet). Son business model repose sur des coûts modérés et une politique participative. Ainsi, dans chaque pays, éditeurs bénévoles (locaux) et utilisateurs assurent la mise à jour des informations routières. Waze n’a donc pas besoin de grosses équipes locales, et n’en a d’ailleurs pas en Belgique. Les recettes directes proviennent de publicités ciblées et diffusées judicieusement en temps réel tout au long des trajets effectués par les Wazers. Lorsque le véhicule est à l’arrêt, à un feux rouge, une petite pub peut s’afficher au sommet de l’écran, invitant par exemple à passer voir une voiture chez un concessionnaire (Volvo, par exemple, qui est un client de Waze). Ou aller chercher une glace dans une station-service proche. L’annonceur ne paie que pour les publicités réellement vues par les Wazers qui passent à proximité du point de vente mis en valeur par l’annonce. La publicité est facturée au coût par mille annonces réellement vues (avec au minimum 1 seconde d’affichage).

Dans le même esprit “Google”, il y a moyen d’acheter des pubs pour les recherches de destinations introduites par les Wazers. Lorsque l’on tape “Quick”, un beau logo payé par la marque et une photo de l’établissement le plus proche apparaissent sur la page de réponse.

L’autre rentrée financière de Waze est moins visible pour l’utilisateur : il s’agit de l’exploitation des données accumulées par l’appli. La privacy policy indique que “Waze peut aussi partager des données personnelles avec des compagnies ou des organisations liées ou affiliées à Waze, comme des filiales, des compagnies soeurs, ou des maisons parentes (parent companies)”. Or c’est précisément le métier de Google, la maison mère, de monétiser ce type de données…

Les recettes de Waze sont difficiles à connaître. Les comptes d’Alphabet ne mentionnent aucun chiffre spécifique pour l’application. Les profits et pertes de Waze se fondent dans les comptes du groupe, qui affichent 15,7 milliards de dollars de bénéfice net sur un revenu total de 78,5 milliards de dollars sur les neuf premiers mois de 2017, soit 20 % de marge nette sur les ventes.

La terre sainte de la mobilité

Israël ne produit pas de voitures, mais devient un acteur essentiel pour rendre la conduite plus intelligente. Plusieurs acquisitions ont montré que le pays disposait de start-up technologiques très avancées en matière de mobilité. Waze, fondée en 2008, n’est que l’une d’entre elles. Acquise par Google en 2015 pour plus d’un milliard de dollars, elle côtoie Mobileye, une autre start-up israélienne, rachetée cette année pour 15 milliards de dollars par Intel. Fondée en 1999, Mobileye développe des systèmes de navigation autonome basés sur des caméras, qui intéressent notamment BMW et Fiat Chrysler. Ford a racheté l’an dernier SAIPS, une société israélienne également active dans les technologies de conduite autonome. Tandis que le groupe Volkswagen a acquis pour 300 millions de dollars Gett, un rival d’Uber. GM dispose en Israël d’une équipe d’une petite centaine de personnes pour développer des technologies pour l’automobile de demain, dans l’intelligence artificielle et, bien sûr, la conduite autonome. Pourquoi Israël ? A cause de la symbiose entre l’enseignement, très performant pour les ingénieurs informaticiens, et l’armée où les jeunes diplômés font leur service militaire et y assurent des missions, notamment, de cybersécurité. Lorsque ces ingénieurs reviennent à la vie civile, ils ont accumulé une expérience qui est à l’origine de nombreuses start-up. Hier, elles étaient surtout actives dans la sécurité informatique. Aujourd’hui, la mobilité est devenue un nouveau marché porteur où la sécurité informatique est très présente, pour éviter le hackingde voitures connectées.

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