À la découverte de Berlin, de ses fantômes… et de ses charmes

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Ville fascinante posée à la frontière avec l’Europe de l’Est, Berlin est une destination de plus en plus prisée. Histoire, art, culture, architecture, esprit underground, shopping, gastronomie, vie nocturne, etc. La capitale allemande possède en effet des charmes insoupçonnés.

Berlin n’a pas la beauté fascinante de Paris, Rome ou Prague. La ville a en effet été quasiment rasée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Trônant toujours sur le Kurfürstendamm, les Champs-Elysées berlinois, la silhouette fantomatique du clocher en ruine de l’Eglise du Souvenir de l’empereur Guillaume est là pour rappeler ces tristes heures.

Auteurs d’un travail de mémoire exemplaire, les Allemands ont également inscrit au coeur de leur capitale – entre la porte de Brandebourg et la Potsdamer Platz – un impressionnant Mémorial de l’Holocauste à la mémoire de tous les juifs victimes de la Shoah. Conçu par l’architecte américain Peter Eisenman, ce dédale de stèles de béton en plein air provoque un profond sentiment de recueillement lorsqu’on circule à l’intérieur.

La plus grande ville d’Allemagne a également été façonnée par une autre période de l’Histoire : la guerre froide. Construit dans la nuit du 12 au 13 août 1961, le mur de Berlin a séparé la ville en deux, pour empêcher l’exode continuel des citoyens de la RDA vers la RFA. Souvenir de cette époque, Checkpoint Charlie, en plein Mitte, est l’un des postes-frontières qui permettait de franchir le mur. Tout le monde s’y presse pour se faire photographier avec des figurants en uniforme ou pour faire estampiller son passeport. Dans le Friedrichshain, le long de la Spree, l’East Side Gallery permet de voir la plus longue section du mur de Berlin encore debout, devenue le support d’oeuvres de street art mythiques, comme le fameux Baiser de l’Amitié entre Erich Honecker et Léonid Brejnev de Dmitri Vrubel. On poussera aussi jusqu’à la Bernauer Straße, où se trouve le Mémorial du Mur de Berlin, qui raconte le quotidien des Est-Allemands et leurs tentatives de fuites, parfois rocambolesques.

Si, aujourd’hui, la ville s’est considérablement gentrifiée, le Kreuzberg continue de chérir son esprit alternatif.

Si le mur est tombé le 9 novembre 1989, il souffle encore à Berlin un léger parfum d’ ostalgie, qu’avait si bien rendu Wolfgang Becker dans le film Good Bye, Lenin ! en 2003 et toujours entretenu par les deux musées de la RDA, l’un à Mitte, l’autre dans la Kulturbrauerei, ancienne brasserie du Prenzlauer Berg reconvertie en centre culturel. Quartier de Berlin-Est très en vogue depuis quelques années, l’agréable Prenzlauer Berg est situé au nord de l’immense Alexander Platz, dont la symbolique Fernsehturm est l’un des derniers vestiges de l’ancienne puissance socialiste. Lorsqu’elle fut construite en 1969, cette tour, qui domine la ligne d’horizon de la ville du haut de ses 368 mètres, était la deuxième tour de télévision la plus élevée du monde.

Symbole de la réunification et désormais siège des grands événements berlinois, la Porte de Brandebourg fut érigée par Carl Gotthard Langhans pour le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II entre 1788 et 1791, en style néoclassique, en s’inspirant du Propylée de l’Acropole d’Athènes. Elle trône à côté du Reichstag, dont le nouveau dôme de verre symbolise lui aussi la réconciliation allemande.

À la découverte de Berlin, de ses fantômes... et de ses charmes
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Underground

Si Berlin est traversée par l’Histoire, elle ne vit pas pour autant dans le passé. Souvent comparée à New York, il s’agit d’une ville bouillonnante, capitale européenne de la contre-culture en Europe dans les années 1970. Véritable incubateur de l’underground, Berlin a toujours attiré les artistes en recherche d’inspiration, dont, évidemment David Bowie, qui y composa sa fameuse trilogie berlinoise (dont l’album Heroes). Trois ans avant sa mort, le chanteur anglais se souvenait d’ailleurs avec nostalgie de ses années berlinoises dans le crépusculaire Where Are We Now ? .

Si, aujourd’hui, la ville s’est considérablement gentrifiée, le Kreuzberg continue de chérir cet esprit alternatif. A travers les innombrables graffitis qui recouvrent la plupart des murs du quartier et qui font de Berlin la Mecque mondiale du street art. Ou au mythique SO 36 (Südost 36), boîte de nuit qui accompagna le mouvement punk rock à Berlin et qui organise toujours des soirées techno mémorables.

Un bain de culture

Berlin est une ville incroyablement riche en matière de musées. Créée au début du 19e siècle, l’île aux Musées ( Museumsinsel), à Mitte, est classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1999. Enserrée dans la Spree, elle offre en effet l’un des concentrés d’oeuvres d’art les plus riches au monde. Comme son nom l’indique, le musée de Pergame contient l’impressionnant autel de Pergame et ses superbes frises, chefs-d’oeuvre de la sculpture hellénistique, Mais aussi la magnifique porte d’Ishtar, l’une des huit entrées de la cité antique de Babylone. Autres chefs-d’oeuvre à ne pas manquer, au Neues Museum cette fois, le buste de Néfertiti et le mythique trésor de Troie, trouvé par le grand archéologue allemand Heinrich Schliemann.

Côté art contemporain, on a l’embarras du choix. Ancienne gare, l’Hamburger Banhof accueille des oeuvres d’Andy Warhol, Joseph Beuys ou Keith Harring, mais aussi des expositions innovantes. A deux pas du zoo, le musée de la Photo accueille la Fondation Helmut Newton.

Déchirant, notamment par son architecture signifiante imaginée par l’Américain Daniel Libeskind, l’indispensable Musée juif retrace 2.000 ans d’histoire des juifs en Allemagne. Tandis qu’en miroir, le musée Topographie des Terrors, installé sur l’ancien siège de la Gestapo et des SS, retrace l’histoire du nazisme en Allemagne.

À la découverte de Berlin, de ses fantômes... et de ses charmes
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Gastronomie berlinoise, internationale ou locavore

Très cosmopolite, Berlin l’est jusque dans sa gastronomie. Dans son restaurant éponyme,le chef berlinois le plus influent, Tim Raue (deux étoiles au Michelin), est ainsi loin de pratiquer une cuisine allemande classique. Il est, au contraire, réputé pour sa cuisine élégante et très technique, largement inspirée par l’Asie. A son image, de nombreux bistrots gastronomiques proposent une cuisine internationale, tantôt plutôt francophile, comme chez Bandol sur mer (une étoile), tantôt nordique, comme chez Lode & Stijn, une adresse ouverte par deux amis néerlandais.

Pour vivre une expérience plus germanique, direction Herz & Niere, Rutz (une étoile) et surtout le Rutz Weinbar, qui propose des plats simples mais parfaitement exécutés et surtout sourcés localement, tout comme les vins. Les tables qui font parler d’elles à Berlin sont d’ailleurs très locavores. A commencer par le Nobelhart & Schmutzig (une étoile) de Billy Wagner, qui développe une approche radicale de la cuisine, refusant l’utilisation de citron ou de chocolat. Einsunternull (une étoile), tout aussi nordique mais un peu plus gourmande, est basée sur des associations de goûts explosives.

Mémorial de l'Holocauste
Mémorial de l’Holocauste© PHOTOS : HH

Mais l’adresse du moment, c’est sans conteste celle du Canadien Dylan Watson-Brown : Ernst (déjà évoqué dans le Trends-Tendances du 23 avril dernier). Elu meilleur nouveau restaurant européen par le classement américain OAD, ce beau comptoir permet à 12 convives de vivre une vraie expérience kaiseki berlinoise, travaillant, en une multitude de petites dégustations, de superbes produits de saison et en rendant hommage à leurs producteurs.

Oser la cuisine germanique

Vue de chez nous, la cuisine allemande prête à sourire. Si l’on veut profiter à fond du cliché (serveuses en habits traditionnels, grandes chopes de bières, etc.), direction Zur Haxe. La déco de cette auberge bavaroise est super kitsch, la cuisine se décline en große Portion, mais le Schinkenhaxe (jambonneau) est excellent. En version bistrot, on trouve l’excellent Renger-Patzsch (tendance alsacienne) ou le plus moderne Jungbluth. A moins de préférer le charme classique (et la superbe carte des vins germaniques) de Lutter & Wegner, un Weinstube (bar à vins) historique installé depuis 1811 sur l’élégant Gendarmenmarkt.

A quelques mètres, on se régale aussi chez Aigner, mais cette fois d’une cuisine autrichienne élégante, notamment le classique boeuf bouilli en deux services. Berlin est effet riche de bonnes adresses autrichiennes, comme Ottenthal (délicieux Wiener Schnitzel et formidables vins autrichiens) et Nussbaumerin (le Kaiserschmarrn est incontournable).

Tim Raue
Tim Raue© PHOTOS : HH

Shopping et grignotages

Construit en 1905 sur le Kurfürstendamm, le Kaufhaus des Westens ( KaDeWe pour les intimes) fut, durant la guerre froide, le symbole de la consommation capitaliste à Berlin. Il s’agit toujours du plus grand centre commercial d’Europe. L’immense rayon charcuterie vaut à lui seul le détour. Soit un véritable musée de la saucisse, présentant les spécialités de chaque région d’Allemagne. Sans compter les nombreux espaces de restauration, où l’on dégustera de véritables boules de Berlin ou, chez Kartoffelacker, une assiette de pommes de terre et de poissons frits avec un bon sauvignon blanc allemand.

KaDeWe
KaDeWe© PHOTOS : HH

Si l’on se promène un peu plus à l’Ouest, du côté de château de Charlottenburg, un passage s’impose chez Rogacki qui, depuis 1928, propose un très riche choix de pâtisseries, charcuteries et autres poissons fumés. A emporter ou, mieux, à déguster sur place avec un verre de vin de Moselle. A la Blutwurstmanufaktur de Neukölln, l’un des meilleurs bouchers de la capitale, on fera le plein de boudin noir et autres conserves de viande et l’on pourra déguster quelques plats rustiques.

On ira aussi faire ses achats et grignoter dans les nombreux marchés couverts de la ville. On aime beaucoup, par exemple, l’ Arminiusmarkthalle à Moabit, mais le plus impressionnant est sans conteste la Markthalle Neun, un passage obligé dans le Kreuzberg pour les amateurs. On y trouve notamment l’excellent boucher Kumpel & Keule, qui vient d’ouvrir, non loin, son propre restaurant.

Un “Frühstück” pour bien démarrer la journée

A Berlin, le Frühstück est un moment incontournable. Charcuteries, fromages, oeufs, etc., le tout joliment présenté, sont des éléments obligés de la version allemande du petit-déjeuner. Pour une expérience berlinoise underground, on ira chez Bastard dans le Kreuzberg. Pour une expérience plus chic, on préférera le Café Anna Blume spécialisé dans les pâtisseries autrichiennes. Toujours dans le Prenzlauer Berg, Meierei propose d’excellentes spécialités des Alpes. Mais pour les meilleurs schneken (une brioche en forme d’escargot) de la capitale, direction la pâtisserie Zeit für Brot.

A Berlin, on peut même petit-déjeuner vietnamien, chez Qua Phe ou chez Maison Han, qui est également un excellent torréfacteur de cafés viets. Si l’on a envie d’une expérience plus internationale, façon pancakes et toasts à l’avocat, Silo s’impose. Tandis que pour un cheesecake de folie, on filera chez Five Elephant.

Lutter & Wegner
Lutter & Wegner© PHOTOS : HH

De la Turquie à la Syrie

Les Turcs représentent la communauté la plus importante à Berlin après les Allemands. Pas étonnant donc que l’on y déniche de bonnes adresses turques. Pour goûter à l’ambiance turque et à ses délices, direction le marché turc àMaybachufer, sur la rive qui longe le Landwehrkanal, à la limite du Kreuzberg et de Neukölln. Avant, on aura été prendre un bon petit-déjeuner turc à La Femme, à base de simit, d’oeufs brouillés et de soudjouk. On continuera par un lunch chez Meyan, un snack soigné où les salades variées font toutes envie. Et le soir, direction Osmans Töchter, où l’on propose une cuisine turque plus raffinée dans un cadre branché.

Ces dernières années, les Berlinois ont également accueilli des centaines de milliers de réfugiés, notamment syriens, transformant l’ancien aéroport de Tempelhof en centre d’accueil. La scène gastronomique berlinoise commence à s’enrichir de ce nouvel apport. Ainsi, à la Konditorei Damaskus à Neukölln, on se régale de spécialités artisanales réalisées par une famille de pâtissiers en provenance de Homs.

BASTARD
BASTARD© PHOTOS : HH

La vague végé

Berlin a depuis longtemps succombé à la vague bio. Omniprésente, la chaîne Bio Company possède ainsi une cinquantaine de magasins dans la ville et ses alentours, avec un chiffre d’affaires en hausse constante. Mais ce qui frappe quand on se promène dans les rues de la capitale, et ce depuis de nombreuses années, c’est la grande richesse de l’offre végétarienne et végétalienne. Depuis fin 2017, Berlin compte même un resto végé étoilé, installé dans une ancienne boîte de nuit à deux pas de la Porte de Brandebourg, le Cookies & Cream, à la cuisine étonnante (même si parfois un peu approximative).

La vague végé se décline sous toutes ses formes à Berlin. Que ce soit en version très gourmande avec les excellents donuts vegan de chez Brammibal’s ou en version healthy chic chez The Store Kitchen, cantine très classe dans un magasin de la Soho House dans le Prenzlauer Berg. A moins de préférer se lever du bon pied avec un bon petit déjeuner végétalien chez Napoljonska.

La femme
La femme© PHOTOS : HH

La tournée des bars

La scène cocktail berlinoise est l’une des plus dynamiques d’Europe et l’une des plus anciennes. Bien avant Paris, Berlin était réputée pour ses bars de qualité. Mais il vaut mieux connaître deux particularités locales avant de débuter une tournée : on fume encore dans les bars de la capitale allemande et le style des cocktails berlinois est plutôt sec, court et fort, voire très fort, en alcool. A bon entendeur…

Parmi les incontournables, Beckett’s Kopf est sans doute le meilleur bar de la ville, proposant des créations toujours maîtrisées, avec de belles découvertes d’alcools ou liqueurs allemands à la clé. Buck & Breck est, lui, le bar dont la réputation a dépassé depuis longtemps les frontières allemandes. Au menu de ce speakeasy chic, des cocktails précis, souvent de style pré-Prohibition. Petit nouveau à Neukölln, le Velvet Bar a, lui, créé une carte de cocktails inventifs et saisonniers, souvent à base de fruits fermentés ou en conserves maison.

Par Laura Centrella et Hubert Heyrendt.

Des expériences très berlinoises

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Comme dans toutes les villes germaniques, pas question de débuter le printemps ensoleillé sans aller boire une bière dans l’un des nombreux biergarten de la ville. Le Pratergarten, sur la Kastanienallee dans le Prenzlauer Berg, est le plus ancien d’entre eux. Depuis 1837, il sert plats rustiques et pintes de bière. Même menu au biergarten du parc Tiergarten et son Caféam Neuen See, sauf que l’endroit est nettement plus bucolique.

Le beau temps invite aussi, le week-end, à visiter le Thai Park du Preussen Park, où des familles originaires de Thaïlande proposent depuis plus de 20 ans des plats authentiques en mode pique-nique. Ce marché étant illégal, on ne sait malheureusement pas si les autorités l’autoriseront à nouveau cet été…

L’été, on profitera aussi de la Badeschiff, une piscine publique installée sur la Spree. On passera ensuite la soirée au Club der Visionäre, un bar au bord d’un agréable canal où la bière coule à flot aux sons de la techno.

Et où ailleurs qu’à Berlin peut-on trouver un restaurant à desserts doublé d’un vrai bar à cocktails ? Au Coda Dessert Dining & Bar dans le Kreuzberg, on déguste en effet de belles compositions sucrées tout en sirotant de délicats cocktails.

Une “currywurst” sur le pouce

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La spécialité berlinoise par excellence, c’est la currywurst. Le meilleur moment pour manger cette ” crasse “, accompagnée de ketchup au curry et de frites, c’est après une soirée bien arrosée. Et pour cela, il n’y a pas 36 solutions, il n’y en a qu’une : le mythique Curry 36, ouvert jusqu’à 5 h du matin dans le Kreuzberg.

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