De garçon porcher à magnat du numérique, les parcours de Masayoshi Son (Softbank)

Masayoshi Son © Reuters

Quand quelqu’un lui a fait remarquer un jour sur Twitter qu’il se dégarnissait beaucoup, Masayoshi Son, fondateur et flamboyant PDG du groupe japonais Softbank, lui a rétorqué: “Mes cheveux ne reculent pas. C’est moi qui avance”.

Un bon mot typique de l’esprit résolument optimiste de cet homme d’affaires de 60 ans, au visage rond et petit de taille, qui continue d’avancer à pas de géant: Softbank a confirmé jeudi un accord pour prendre une part significative de l’américain Uber, le leader mondial de la location de voiture avec chauffeur (VTC).

Fondée en 1981 comme modeste société de distribution de logiciels et d’édition de presse informatique, introduite en Bourse en 1994, Softbank est aujourd’hui un groupe protéiforme, à l’image de son patron, première fortune du Japon avec un patrimoine actuellement estimé par Forbes à 22,1 milliards de dollars.

Avec une capitalisation boursière actuelle de près de 10.000 milliards de yens (74 milliards d’euros), Softbank est le troisième opérateur de télécommunications mobiles au Japon et le quatrième aux Etats-Unis, via sa filiale Sprint.

Mais le groupe est aussi devenu un investisseur de référence dans les nouvelles technologies, que ce soit en robotique (rachat du français Aldebaran en 2012, qui a développé le robot humanoïde Pepper), dans les semi-conducteurs (acquisition du britannique ARM Holdings l’an dernier pour 28,5 milliards d’euros) ou le commerce en ligne, en tant que premier actionnaire du géant chinois Alibaba.

Avant Uber, dont Softbank devrait prendre environ 15% selon des sources proches de l’accord, M. Son a déjà semé d’autres graines dans le secteur des VTC en Asie, en faisant investir son groupe dans le chinois Didi Chuxing, l’indien Ola et Grab en Asie du Sud-Est.

‘J’ai travaillé dur’

Masayoshi Son peut encore accélérer ses projets depuis qu’il a créé fin 2016 un colossal fonds de capital-risque, Softbank Vision Fund, avec le soutien notamment du premier fonds souverain d’Arabie saoudite, pour investir près de 100 milliards de dollars dans des start-up technologiques.

“C’est une personnalité atypique. Il a une vision de long terme bien plus importante que beaucoup d’autres investisseurs”, a récemment déclaré à l’AFP David Gibson, analyste du secteur technologique chez Macquarie à Tokyo.

Le patron de Softbank saisit aussi rapidement l’air du temps. Dès fin 2016, il avait ainsi rencontré à New York Donald Trump, lui promettant des montagnes d’investissements et de créations d’emplois aux Etats-Unis, s’attirant aussitôt la sympathie du président américain fraîchement élu, qui l’appelle depuis “Masa”.

Mais avant de brasser des milliards et de côtoyer les puissants, M. Son a aussi connu la misère. Né en 1957 sur l’île de Kyushu (sud-ouest du Japon), sa famille, d’origine coréenne, subsistait difficilement en élevant de la volaille et des porcs.

“On ramassait les ordures des voisins pour nourrir nos bêtes. C’était tellement visqueux que j’en avais la nausée (…). On travaillait dur. Et j’ai travaillé dur”, a-t-il raconté un jour en recevant un prix.

Fan de Steve Jobs

A 16 ans, débordant déjà d’ambition, il part étudier aux Etats-Unis, contre l’avis de ses parents. Il y restera jusqu’en 1980.

Ce long séjour influencera profondément son mode de pensée et d’action de décideur, tranchant avec la recherche permanente de consensus prévalant généralement dans les entreprises japonaises.

C’est aux Etats-Unis qu’il connaît d’ailleurs son premier succès dans les affaires, quand il vend pour un million de dollars au groupe électronique Sharp le logiciel de traduction anglais-japonais qu’il a développé.

Excellent négociateur, communicant habile à l’ego surdimensionné, M. Son fascine beaucoup de jeunes cadres japonais rêvant de l’imiter. Lui-même était un fervent admirateur de Steve Jobs, le fondateur et ancien patron charismatique d’Apple, mort en 2011, avec lequel il était devenu ami.

Le rythme effréné de ses projets et coups d’éclat lui permet de faire rapidement oublier ses échecs, comme tout récemment la fusion avortée de Sprint avec le concurrent T-Mobile aux Etats-Unis.

Profondément marqué par la catastrophe de Fukushima en 2011, il est l’un des rares PDG nippons à avoir plaidé par la suite pour un abandon total du nucléaire au Japon, et a étendu depuis le champ des activités de Softbank aux énergies renouvelables, notamment le solaire.

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