Fraude fiscale: relaxe générale confirmée en appel pour les Wildenstein

Guy Wildenstein, en janvier 2016. © Reuters

La justice française a confirmé la relaxe générale prononcée en 2017 pour les héritiers de la famille de marchands d’art Wildenstein et leurs conseillers, qui étaient poursuivis pour une fraude fiscale de plusieurs centaines de millions d’euros.

La cour d’appel de Paris “constate que le délit de fraude fiscale est prescrit (…) et confirme le jugement” de première instance, a déclaré la présidente de la cour, sans livrer aucune explication. La décision a été rendue en moins de cinq minutes, dans une salle remplie de robes noires d’avocats et de journalistes mais en l’absence des trois héritiers: le chef de la famille Guy Wildenstein, son neveu Alec Junior et son ex-belle-soeur Liouba Stoupakova. Sont aussi relaxés deux avocats, un notaire et deux gestionnaires de “trusts”, ces sociétés fiduciaires anglo-saxonnes accusées par le ministère public d’avoir servi de “vecteur de la fraude fiscale”.

L’avocat de Guy Wildenstein, Hervé Témime, a salué “la seule décision possible” face à une “fiction pénale”. “C’est bien joli d’aligner des chiffres, de salir un nom, une famille et d’expliquer en long en large et en travers qu’on est face à la fraude fiscale la plus massive qu’une juridiction doive juger. Sauf que c’était faux et bidon”, a-t-il tonné en sortant de la salle.

Cette décision entérine un échec cuisant pour le ministère public, le parquet national financier et pour le parquet général qui avait pris de lourdes réquisitions, en particulier contre le doyen de la famille. En mars, les avocats généraux avaient requis quatre ans de prison dont deux avec sursis et 250 millions d’euros d’amende contre Guy Wildenstein, 72 ans, présenté comme le “patriarche” d’un clan qui a “sciemment dissimulé” des milliards au fisc pendant des années.

Il était reproché aux Wildenstein d’avoir caché, lors des décès en 2001 et 2008 du patriarche Daniel et de son fils aîné Alec, la plus grande partie de leur fortune, dont une petite partie a été révélée lors de violentes querelles de succession. “La cour a constaté la prescription de l’action publique à l’égard de Guy Wildenstein, en prenant en compte la première déclaration de succession, datant de 2002, et non celle, complémentaire, de 2008”, a expliqué Me Témime. A l’époque, la prescription pour le délit de fraude fiscale était de trois ans. Et les poursuites n’avaient été engagées qu’en 2011.

“Aucune base légale”

Pour la succession d’Alec, a-t-il expliqué, la cour d’appel a confirmé le premier jugement, estimant qu’il n’y avait pas assez “d’éléments matériels” et d’outils législatifs pour condamner les héritiers. L’avocat a encore relevé que la loi française instituant un régime pénal pour les trusts, surnommée “loi Wildenstein”, datait de 2011: pour la défense, “il n’y avait strictement aucune base légale pour poursuivre ce qui n’était pas une fraude fiscale et… il n’y avait pas d’impôt dû”.

Cet arrêt de la cour d’appel va placer les Wildenstein en position de force face au fisc français, qui leur a infligé, dans un contentieux parallèle au procès pénal, un redressement de plus d’un demi-milliard d’euros.

Daniel et Alec, très malades, avaient fini leurs jours dans des immeubles luxueux à Paris, où ils avaient leur résidence fiscale. Mais la propriété de leurs biens – parmi lesquels de fabuleux Fragonard, Caravage ou Bonnard, un ranch au Kenya, des pur-sang et des immeubles de prestige – se perd depuis trois générations dans un entrelacs de “trusts”, logés aux Bahamas ou à Guernesey, qui abritent des actifs confiés par leur propriétaire à un homme de confiance, le “trustee”.

Toute la question était de savoir si les Wildenstein sont toujours propriétaires des avoirs confiés aux trusts. Pour l’accusation, la réponse est clairement oui: les trusts étaient “l’instrument de la fraude” et les “trustee” des “hommes de paille”.

Les avocats du fisc espèrent un pourvoi en cassation contre cette décision. Pour eux, l’intention de dissimulation, constatée par la justice, aurait dû conduire à une condamnation. Quant à une prescription, argument que n’avait pas retenu le tribunal en 2017, elle est très contestable selon eux. Le parquet général, qui dispose de cinq jours pour former un éventuel pourvoi, n’a pas encore fait part de sa décision.

Partner Content