Savannah, Macon, Jekyll Island… Plongée au coeur des douceurs géorgiennes

© PHOTOS PH CORNET

Voisine d’une Floride touristique, la Géorgie offre les sensations contemporaines du vieux Sud. Sublimement incarnée par Savannah, ville fluviale parfumée.

Première étape juste au-dessus de la frontière avec la Floride : Kingsland, 16.000 âmes et une ligne de chemin de fer unique comme dans les westerns périmés. A la fin du printemps ou en début d’automne – les deux meilleures saisons pour y séjourner -, la Géorgie donne quelques signes de clémence par rapport à l’été, humide et bouillant. La météo donne pareillement le tempo local : forcément cool.

Savannah, Macon, Jekyll Island... Plongée au coeur des douceurs géorgiennes
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Dans l’hôtel moyen de gamme que nous avons choisi au hasard (La Quinta Inn, 100 euros la nuit pour une chambre double), nous prenons notre leçon inaugurale de géorgien. Accent traînant et syllabes chaudes, sans précipitation, le langage exprime aussi l’histoire d’un Etat – cinq fois comme la Belgique – qui après le Mississippi et la Louisiane, est proportionnellement le plus noir d’Amérique. Soit environ un tiers d’Afro-Américains sur sa dizaine de millions d’habitants. Autre leçon roots, le petit-déjeuner chez Cracker Barrel. Sous des dehors de bastringue artisanal – avec vieux cadres et fusils aux murs – il s’agit d’une chaîne de plus de 600 établissements créée en 1969 dans le Tennessee, engrangeant un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars l’an. Les portions de Southern Comfort Food – oeufs, bacon, haricots – comme le poulet frit ou le poisson-chat, nous ramènent à une époque où les régimes n’existaient probablement pas. Outre de la nourriture, la chaîne propose aussi de belles collections de vinyles.

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Rockefeller Cottage

A moins d’une heure de route au nord de Kingsland : Jekyll Island. Vingt kilomètres carrés d’une longue frite d’eau et de sable à laquelle on accède par un pont. Prix d’entrée modeste, 6 dollars par véhicule à la journée. On peut y visiter la Horton House, l’un des plus vieux bâtiments de l’Etat (1743) qui témoigne aussi des traces précoces de l’industrialisation locale : l’une des toutes premières bières de Géorgie y fut brassée dans le voisinage immédiat.

D’autres constructions de l’île ont plus de panache visuel, comme le Rockefeller Cottage, incarnation de la réussite financière où la pelouse comme la vaste demeure bardée de bois, sont accessibles au public. Si Jekyll a un petit air de Knokke, ce n’est pas seulement pour son lifestyle (golf, tennis, magasins de vin, épiceries fines, etc.) mais aussi pour sa vue sur mer. En juillet – période où nous la visitons – on se retrouve face à l’Atlantique alors que la marée de l’après-midi s’est retirée. Résultat ? Une plage de plusieurs centaines de mètres de large qui s’étire au-delà du regard, sur plus de 15 km de long. La vue est irréaliste et magique. Le dépaysement est d’autant plus exceptionnel que même au plus fort de l’été, l’endroit semble pratiquement désert. On peut se requinquer au Tortuga Jacks voisin, resto mexicain qui débite du mojito et une batterie de cocktails comme si la limite légale de l’Etat se dissipait dans les sons du country local. En Géorgie, elle se situe à 0,08 g/l, contre 0,5 g/l chez nous. Avis aux automobilistes.

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Blues à Macon

Située au centre de l’Etat, Macon est le coeur de la Géorgie . On y visite le Tubman Museum et y découvre l’histoire de C.J. Walker (1867-1919), fille d’esclave devenue la première Afro-Américaine multimillionnaire après avoir lancé une ligne de produits capillaires et de beauté spécialement destinée aux Noirs . Aux côtés d’autres destins remarqués, comme celui de Jefferson Long, premier ” non-Blanc ” à siéger à la Chambre des représentants dès 1871.

La saga de Macon passe par la visite de ses splendides maisons patriciennes : The Hay House, Sidney Lanier Cottage ou Cannonball House, bâtisses du 19e siècle qui respirent confort et bien-être, élégants édifices ayant été construits sur des commerces esclavagistes. A l’opposé d’un passé conflictuel toujours pas résolu aujourd’hui, il faut visiter The Allman Brothers Band Museum, connu sous l’appellation The Big House.

La bâtisse, un imposant chalet chic, a abrité entre 1970 et 1973 The Allman Brothers Bans, le plus fameux des groupes du Sud et leurs familles. Même si la bande de Greg et Duane Allman se forme en Floride en 1969, c’est de Macon qu’elle rayonne aux Etats-Unis et au-delà. Parmi les premières formation blanches à embaucher un musicien noir (le batteur Jai Johanny Johanson), les Allman incarnent une fastueuse légende musicale. Duane, le guitariste surdoué et le bassiste Berry Oakly, tous deux fauchés par un accident de moto à un an d’intervalle pratiquement dans le même quartier, overdoses, faillites, divorces émailleront le destin de ce groupe jusqu’au décès de Greg Allman, l’autre membre fondateur en 2017. N’empêche que traverser la Géorgie en écoutant At Fillmore East, double live des Allman daté de 1971, gorgé de blues-rock-funky, vaut bien tous les guides.

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Mousse espagnole

Après une trentaine de voyages aux Etats-Unis, une impression s’impose : Savannah est l’une des plus belles villes du pays. De taille modeste – 150.000 habitants – le centre se parcourt à pied. Jeune de trois siècles, Savannah s’est baptisée du fleuve du même nom qui se déverse dans l’Atlantique proche. Nous logeons au Cotton Sail, ancien entrepôt transformé en hôtel boutique qui rappelle que la prospérité de la ville, construite sur l’exportation de la soie et des plantes médicinales, a atteint son apogée industrielle via la production de coton. Les chambres arrière y donnent carrément sur le cours d’eau et l’imposant Talmadge Memorial Bridge : on y regarde passer de gigantesques tankers en route vers l’océan, situé à une trentaine de kilomètres. Spectacle qui, à la nuit tombée, semble là aussi d’une splendeur cinématographique, particulièrement ce soir d’été où un orage dantesque allume la cité.

Cimetiere Bonaventure.
Cimetiere Bonaventure.© PHOTOS PH CORNET

Le charme de Savannah s’expose dans son district historique, soit une vingtaine de squares allant du fleuve au Forsyth Park, une trentaine de blocs plus au sud. Dès le début 19e siècle, on y a planté diverses variétés d’arbres dont de spectaculaires chênes couverts de ” mousse espagnole ” , une excroissance végétale d’aspect filandreux qui tombe des branches . Résultat, on a l’impression de traverser un décor d’Halloween, sentiment exacerbé par les maisons environnantes qui semblent tout droit sorties de Minuit dans le jardin du bien et du mal. Le livre, signé par John Berendt en 1994, fictionnalise à peine le meurtre qu’aurait commis un riche antiquaire dans les années 1980 dans sa propre habitation, aujourd’hui visitable sous son nom actuel, Mercer- Williams House Museum. Malgré l’acquittement final du suspect – incarné par Kevin Spacey dans l’adaptation au cinéma de Clint Eastwood – l’ambiance de la maison, comme du quartier, conserve quelque chose d’indéniablement fantomatique.

Savannah, Macon, Jekyll Island... Plongée au coeur des douceurs géorgiennes

Dans la même rue, au 441 Bull Street, il ne faut pas manquer l’Alex Raskin Antiques, baptisé par le New York Times comme ” l’antidote à Ikea “. Trois niveaux d’une étourdissante collection de buffets, sofas, luminaires, peintures, miroirs et autres objets anciens qui, dans ces escaliers et murs vintage, dégagent un décor propice au crime qu’il est possible de prolonger via le Hearse Ghost Tour, périple en corbillard procurant de vrais faux grands frissons savaniens.

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© PHOTOS PH CORNET

Bonaventure

Changement d’atmosphère au SCAD, le Savannah College Of Art And Design. Un campus dispersé, dont le bâtiment moderniste de la Broughton Street en face duquel l’université a installé son propre cinéma, y présentant chaque automne le Savannah Film Festival de belle réputation. Toujours dans la Bull Street, au 340, se tient l’édifice principal du SCAD, le Preston Hall, merveille de briques rouges construite en 1892 sous l’influence du Romanesque Revival, un style inspiré de l’architecture des 11e et 12e siècles.

Jekyll Island.
Jekyll Island.© PHOTOS PH CORNET

Vaste bâtiment restauré à la fin des années 1970, il est visitable, sans rendez-vous, aux heures de cours : on peut y voir la production estudiantine passée et présente installée dans les salles, salons et couloirs. Par exemple cette énorme pièce lumineuse, de toute évidence influencée par les chênes locaux et de leur mousse pendante.

Le succès de l’institution – qui essaime aujourd’hui à Atlanta et Hong Kong – s’incarne aussi dans le SCAD Museum installé sur le Turner Boulevard : les anciens étudiants doués y bénéficient d’une vitrine d’entrée dans le monde de l’art, aux côtés d’artistes internationaux. Par exemple Yang Fudong, star de la nouvelle image chinoise, invité au musée jusqu’à la fin août 2018 pour y montrer ses saisissantes compositions visuelles en noir et blanc.

Kingsland.
Kingsland.© PHOTOS PH CORNET

D’art, il en est aussi question à quelques kilomètres à l’est du centre-ville, à l’emplacement du cimetière Bonaventure. L’endroit est devenu fameux depuis que Clint Eastwood y a tourné pour son adaptation de Minuit dans le jardin du bien et du mal, sortie sur les écrans en 1997. Et notamment la scène d’ouverture où l’on voit la statue de la Fille aux oiseaux, ayant depuis quitté les lieux pour les collections en ville du Musée Telfair.

Mais sinon, rien ne semble avoir changé depuis des décennies dans cette ancienne plantation de 65 hectares où l’on circule de préférence en voiture, histoire de s’y retrouver dans le noeud de chemins qui embrouillent les sens.

Un peu comme au Père Lachaise, la beauté mélancolique du lieu tient beaucoup à la qualité supérieure des tombes, leur taille, leur ornementation, leur sophistication sculptée, rappelant une nouvelle fois les fortunes faites sur la culture du coton. Là encore, la profusion végétale et les arbres aux spectaculaires excroissances, donnent à l’endroit une allure fantastique, hors du temps. D’où pourrait sortir l’une des plus fameuses chansons écrites par le compositeur Johnny Mercer, One For My Baby, popularisé par Frank Sinatra, qui est enterré à Bonaventure.

En pratique

Y aller

Pas de vol direct Bruxelles-Savannah mais Air France et Delta, entre autres, proposent un Bruxelles-Atlanta. Ensuite louer une voiture, plutôt à partir de la Belgique, et penser à prendre l’option roadside assistance.

Y résider

A Atlanta, le Loews Atlanta Hotel dans le district historique, à cinq minutes à pied de la Margaret Mitchell House, musée dédié à l’auteur d’ Autant en emporte le vent.

A Savannah, le Cotton Sail, élégant hôtel boutique, permet de visiter à pied – ou en calèche – tout le centre-ville. Et de dîner façon sudiste au Mrs.Wilkes Dining Room ou de bien manger asiatique au Flying Monk Noodle Bar.

Formalités

Obligation d’avoir un passeport en règle et de remplir en ligne la demande touristique sur www.esta-officiel.fr, incluant désormais l’option de donner les identifiants personnels de ses réseaux sociaux…

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