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Faut-il des impôts européens ?

Dans l’Union européenne prévaut en règle générale le principe de la “souveraineté fiscale”. Cela veut d’abord dire que les Etats régissent librement leur système fiscal, établissent, ou choisissent de ne pas établir certains types d’impôts. Ils déterminent ainsi la base imposable et, sauf exception, l’UE ne peut s’arroger le pouvoir de taxer des ressortissants ou des résidents de l’Union. Pour cela, il faut qu’un traité lui accorde une telle compétence.

L’UE bénéficie, en raison de traités, de certaines ressources fiscales propres, comme les droits de douane ou une petite partie de la TVA.

En cette période de crise européenne, ceux qui sont partisans d’un renforcement de l’intégration européenne sont partagés entre deux sentiments. Le Brexit est un danger pour l’unité européenne, parce que l’un des membres les plus importants s’apprête à quitter l’Union, et aussi parce qu’il montre éventuellement la voie à d’autres Etats : il est possible de sortir de l’Union.

Mais les ” fédéralistes “, ceux qui rêvent par exemple des ” Etats-Unis d’Europe ” y voient aussi une opportunité : le Royaume-Uni n’a jamais été partisan d’une forte intégration européenne et a souvent bloqué l’élaboration de politiques communes. Son départ est alors vu comme une possibilité de réaliser certaines avancées européennes que les Britanniques bloquaient.

Certains souhaitent ainsi permettre à l’UE de se doter d’un plus important pouvoir de taxation, par exemple en levant un impôt sur les revenus des personnes physiques ou des sociétés. Ils prennent alors le modèle américain, où il existe un impôt des sociétés et un impôt des personnes physiques au niveau fédéral, tandis que les Etats perçoivent ou non des impôts sur le revenu à leur profit. Il faut néanmoins relever que du point de vue des impôts indirects, c’est en Europe que l’intégration est plus poussée, puisque les Etats-Unis ne connaissent aucune TVA fédérale, les éventuelles taxes sur les ventes étant perçues par les Etats.

L’introduction d’un pouvoir fiscal supplémentaire au niveau de l’Union, portant par exemple sur les revenus, est sans doute un des problèmes clés dans le développement ou non de l’UE et son orientation éventuelle vers un système fédéral. L’argent étant comme toujours le nerf de la guerre, le pouvoir politique dépend toujours de sa capacité à lever les impôts. Une Europe pouvant percevoir plus d’impôts aura un budget plus important et s’octroiera plus aisément des compétences supplémentaires.

Il paraît certain que si un pouvoir fiscal était accordé à l’UE, les Etats ne réduiraient en rien leurs recettes et qu’ils continueraient à lever autant d’impôts qu’actuellement.

Mais il faut précisément se demander s’il est bien souhaitable de créer, en plus des Etats nationaux, un pouvoir fédéral européen doté de pouvoirs fiscaux importants. L’UE a constitué un progrès sensible pour ses habitants tant qu’elle a permis d’accroître les libertés, notamment en réalisant un véritable marché unique. Ce faisant, elle a réduit dans une certaine mesure le pouvoir des Etats envers les citoyens. En revanche, lorsqu’elle a prétendu devenir un pouvoir politique, l’UE a commencé à réglementer des pans entiers de l’économie et de la vie des gens. Elle est devenue elle-même un pouvoir qui s’exerce sur les entreprises et souvent sur les particuliers eux-mêmes.

En accordant des pouvoirs supplémentaires à l’UE, on ne fait, au mieux, que déplacer une charge supportée envers les Etats vers un niveau de pouvoir plus élevé et plus lointain. On doit bien constater qu’au cours des dernières années, le principe de subsidiarité, suivant lequel les décisions doivent être prises le plus près possible du citoyen, n’a pas toujours été respecté.

Pire encore, on ne connaît pas d’exemple où un pouvoir ait accepté de réellement réduire ses recettes. L’exemple du gouvernement fédéral belge, qui ne cesse d’affirmer qu’il réduit les impôts, alors qu’en réalité ses recettes ne cessent d’augmenter, est édifiant à ce sujet. Il paraît dès lors certain que si un pouvoir fiscal était accordé à l’UE, les Etats ne réduiraient en rien leurs recettes et qu’ils continueraient à lever autant d’impôts qu’actuellement. L’octroi d’un pouvoir fiscal à l’Union impliquera donc en pratique une augmentation des impôts des entreprises et des particuliers.

Or, l’Europe est le continent le plus taxé au monde et celui où le poids de l’Etat dans la vie des citoyens et des entreprises est le plus lourd, si l’on ne tient pas compte des quelques pays communistes qui subsistent encore. Une nouvelle augmentation des charges, résultant de pouvoirs de taxation accordés à l’Union ne ferait qu’aggraver cette situation, qui fait déjà de l’Europe, aux yeux de beaucoup, un continent en déclin en raison de l’hypertrophie de ses pouvoirs publics.

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