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“La réforme des pensions se fait sans boussole”

Maintenant que le ministre des Pensions Daniel Bacquelaine (MR) propose l’adoption d’un régime de pension à points, il semble que quelque chose de fondamental va changer dans le dossier des pensions. Une opinion de Jef Vuchelen, professeur en économie à la VUB.

Cela fait déjà des décennies que des personnes de toutes obédiences confondues argumentent que le système de l’enveloppe pour les pensions vacille financièrement. Des raisons, il y en a en suffisance: l’allongement de l’espérance de vie, les carrières plus courtes, l’affaiblissement de la croissance de l’emploi … La question est de savoir si le système à points constitue la réforme des pensions tellement attendue.

Le rapport de la Commision de réforme des pensions 2020-2040 dans lequel le régime à points est expliqué, contient des réflexions utiles et des adaptations du système existant, mais nous sommes persuadés que cela n’apporte aucun changement fondamental au problème. Mi 2013, la commission avait par exemple reçu la mission du ministre des Pensions de l’époque (De Croo), de soumettre une série de scénarios de réforme à l’horizon du printemps de 2014. Il était également demandé d’en étudier la viabilité financière. La commission n’a rempli aucune de ces missions. La proposition a le mérite d’être construite logiquement, joliment formulée et dotée de nombreux commentaires. Mais elle ne contribue en rien à la solution à la problématique des pensions. Le fait que ce rapport ait été accepté par les acteurs politiques dépasse l’entendement. C’est comme si vous aviez commandé un plat de poisson au restaurant et que vous payez ensuite, avec plaisir encore, l’addition élevée pour n’avoir consommé qu’un spaghetti.

Il y aurait encore beaucoup à dire concernant le rapport de la commission des pensions, mais nous nous limiterons à un seul élément crucial.

La réforme des pensions navigue sans boussole

Pour les pensionnés actuels et futurs, la problématique de la pension se limite à la simple question: y aura-t-il de l’argent pour payer ma pension plus tard ? Chaque proposition de réforme doit donner une réponse convaincante à cette question, ou du moins faire une tentative crédible. Une évaluation quantitative des conséquences financières est par conséquent indispensable. Pour le régime de la pension à points, cela fait défaut.

Etrange, car bien que le Bureau du plan était impliqué dans l’élaboration du rapport et fournit les chiffres du rapport annuel pour le vieillissement, il reste silencieux sous cet angle. Trois ans déjà. Le ministre Bacquelaine ne donne également pas d’explications sur les conséquences de sa proposition. Comment peut-on dès lors argumenter que le régime de la pension à points constitue une réforme ? Le futur pensionné n’a pas davantage de support pour évaluer sa situation de pension que ce n’est le cas aujourd’hui. Le fait qu’il doive collecter des points fait penser au temps où l’on collectionnait des points Artis, Soubry et autres pour acheter des livres qui sont aujourd’hui totalement sans valeur. L’économie repose sur un principe élémentaire selon lequel il n’y a que ce qui est exprimé en argent qui est pertinent pour les agents économiques. Le système de la pension à points ne limite donc pas l’insécurité concernant les pensions.

Où se situe dès lors l’avantage pour le gouvernement ? Très simple. La conversion des points de pension en une pension exprimée en euros se fera en fonction de l’évolution de l’espérance de vie, de la croissance économique et d’autres paramètres qui déterminent les possibilités financières des pouvoirs publics. En langage compréhensible, personne ne sait quelle pension il recevra dans vingt, trente ans ou plus tard. Le ‘mérite’ du régime de la pension à points est qu’il donne à l’Etat un instrument pour adapter chaque année les pensions aux possibilités budgétaires. Cela signifie que les pensions diminueront lorsqu’il y aura des déficits. Ensuite, rien de fondamental ne change. Qui aurait pensé que la solution à la problématique des pensions était simple. Il suffisait de rendre l’emballage suffisamment complexe. Pas étonnant en soi, car cette ‘réforme’ suit une recette politique belge traditionnelle: les décisions difficiles sont reportées aux gouvernements suivants.

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