Daan Killemaes

“Les jours de l’Italie en zone euro sont comptés”

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

Si l’Italie ne prend pas rapidement en main son économie, ses jours en tant que pays de l’euro sont comptés. C’est l’avis du rédacteur en chef de Trends, Daan Killemaas.

Du point de vue géologique, les Italiens ont encore un peu de répit. Les tensions sous le Vésuve n’augmentent que lentement. Une explosion de ce volcan n’est pas prévue sous peu. C’en est tout autre chose pour l’Italie: le cocktail de dettes élevées, de faible compétitivité et de croissance presque inexistante font de ce pays un volcan prêt à exploser à tout moment. Cela ébranlerait l’ensemble de la zone euro sur ses fondations.

Les lignes de faille sont déjà là depuis des décennies. L’économie italienne fait du surplace, le système bancaire est très fragile et la politique reste aussi chaotique qu’inefficace. Le Premier ministre Matteo Renzi a entrepris ces dernières années un essai méritoire pour insuffler un nouvel élan à l’économie, mais lui aussi est en grande partie resté coincé dans les starting-blocks. La semaine prochaine, il jettera peut-être tout à fait le gant. Les Italiens pourront s’exprimer le 4 décembre concernant la réforme de la loi électorale, ce qui, en soi, n’est pas un référendum qui représenterait une menace pour le pays. Mais Renzi a eu la fâcheuse idée de lier son sort à celui du résultat. Si les Italiens votent non, ils ne précipiteront pas seulement l’Italie dans une nouvelle aventure politique, mais ils menaceront aussi de redéclencher la crise européenne de la dette. La crise grecque aura dans ce cas été un petit exercice.

Cette donnée n’a aucune chance de mener l’Europe affaiblie à bon port. Les marchés financiers tirent la sonnette d’alarme de plus en plus fermement. Les primes de risque sur les obligations d’Etat italiennes augmentent. Et même si une crise est évitée, l’Italie reste une poudrière. Les chiffres en disent long. Le produit intérieur brut (PIB) italien réel se situe au niveau du début de ce siècle et 10% en-dessous du niveau de la zone euro. Le PIB réel par habitant se situe toujours 9% en-dessous de celui de 2007. Les investissements se sont effondrés, le pays perd continuellement en part de marché sur ses marchés d’exportation et surtout, le chômage de longue durée a sensiblement augmenté. La population vieillit et la dette de l’Etat dépasse 130% du PIB. Depuis l’an dernier, le pays s’oriente vers une légère reprise économique, mais à la moindre adversité, le château de cartes peut à nouveau s’écrouler.

Si l’Italie ne prend pas rapidement en main son économie, ses jours en tant que pays de l’euro sont comptés

L’Italie a encore à peine de potentiel de croissance du fait que la productivité du travail stagne depuis la moitié des années nonante. La croissance doit venir de capitaux supplémentaires et d’une population active plus importante, mais ces sources s’assèchent. La croissance de productivité inexistante trahit la fragilisation de l’économie italienne. Il y a à peine d’afflux de capitaux des industries les plus mauvaises vers les meilleures, car les moyens sont emprisonnés dans un réseau de petites entreprises familiales, financées par des banques locales. Les subventions salariales et l’enseignement défaillant bétonnent complètement l’immobilisme. L’Italie risque de rater le train de l’économie numérique.

Cela ne peut peut-être pas être dit à voix haute, mais l’Italie n’a pas les capacités d’une monnaie relativement forte comme l’euro. Avant son adhésion à l’euro, l’Italie résolvait son problème de productivité en dévaluant régulièrement sa monnaie, mais cette issue est verrouillée. Après l’adhésion à l’euro, les marchés financiers assoupis, puis la Banque Centrale Européenne (BCE), ont tiré l’économie italienne d’affaire, mais le temps gagné est perdu et il vient à manquer. Si l’Italie ne secoue pas rapidement son économie, ses jours en tant que pays de l’euro sont comptés. Soit les marchés balanceront l’Italie, soit l’électeur se libèrera du carcan.

L’économie en décomposition a aussi affecté les fondements du système bancaire italien. Les banques supportent 360 milliards d’euros de mauvais crédits, dont 200 milliards d’euros sont vraiment problématiques. C’est beaucoup, surtout parce que les capitaux propres du système bancaire italien ne s’élèvent qu’à 225 milliards d’euros. Il ne faut pas faire un dessin pour comprendre que le secteur bancaire a besoin de capitaux frais et qu’il doit se débarrasser d’une grande partie de ces crédits problématiques. Les deux problèmes sont difficiles à résoudre, certainement si le gouvernement Renzi démissionne.

Si une banque fait faillite et doit être sauvée par les autorités, les nouvelles règles européennes compliquent l’opération de sauvetage. Normalement, les actionnaires et les détenteurs d’obligations doivent supporter les premières pertes, avant que l’Etat puisse arriver avec l’argent des recettes fiscales, mais les banques en Italie ont vendu beaucoup d’actions bancaires et d’obligations bancaires aux épargnants. Ce serait un suicide politique, tant pour un gouvernement italien que pour l’Europe, de faire payer cet épargnant pour sauver les banques. Ces prochains mois, tant l’Europe que le gouvernement italien devront par conséquent être très créatifs pour éviter une nouvelle crise bancaire. Les nuages de fumée qui sortent du cratère sont de plus en plus épais.

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