Le Venezuela déclaré en ‘défaut de paiement partiel’ sur sa dette

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Le Venezuela a été déclaré “en défaut partiel” sur sa dette par l’agence de notation S&P Global Ratings, quelques heures après deux réunions de créanciers lundi à Caracas et à New York, une menace qui planait depuis plusieurs semaines sur ce pays pétrolier ruiné.

S&P a indiqué dans un communiqué que le Venezuela était dans l’incapacité de rembourser 200 millions de dollars, soulignant avoir pris sa décision à l’issue d’une période de grâce de 30 jours sur le paiement de deux obligations.

L’annonce de l’agence de notation américaine est intervenue quelques heures après une réunion, d’à peine 25 minutes, à Caracas de créanciers internationaux du pays qui s’est achevée sans accord mais avec la promesse d’une prochaine rencontre.

Le Venezuela, affecté notamment par la chute des cours de l’or noir, veut restructurer sa dette extérieure, estimée à 150 milliards de dollars, car il ne dispose plus que de 9,7 milliards de réserves et doit rembourser au moins 1,47 milliard d’ici la fin de l’année, puis 8 milliards en 2018.

“Nous considérerions toute restructuration (de la dette) comme un échange de créances en difficulté et comme l’équivalent d’un défaut étant donné les liquidités extérieures limitées” du Venezuela, a souligné S&P.

“De plus, selon nous, les sanctions américaines à l’encontre du Venezuela et des membres du gouvernement devraient résulter en une longue et difficile négociation avec les créanciers”, a ajouté l’agence de notation, alors que selon Caracas, 70% d’entre-eux sont nord-américains (Etats-Unis et Canada).

Le risque pour le pays, autrefois le plus riche d’Amérique latine, est de se retrouver coupé des marchés, tout comme son groupe pétrolier PDVSA, et de devoir affronter des poursuites et la saisie d’actifs et de filiales à l’étranger.

Selon des participants à la réunion de Caracas, qualifiée de “succès retentissant” par le gouvernement vénézuélien, ce dernier souhaite former des groupes de travail pour évaluer les propositions de renégociation de la dette à court et moyen termes, mais sans plus de précisions.

Nouvelle réunion à New York

Outre les deux paiements sur lesquels le pays vient de faire défaut, le Venezuela est en retard pour le paiement de quatre autres échéances pour un montant total de 420 millions de dollars, a indiqué S&P, précisant par ailleurs avoir “abaissé la note des émissions à long terme en devises à SD (défaut partiel)”.

Parallèlement, une autre réunion de créanciers s’est tenue lundi à New York, celle d’un comité spécialisé de l’Association internationale des produits dérivés (ISDA). Composé de 15 sociétés financières, il doit décider des suites à donner à un retard de paiement du groupe PDVSA d’un montant de 1,161 milliard de dollars.

Caracas a assuré avoir effectué le paiement mais celui-ci ne serait toujours pas parvenu aux créanciers. Une nouvelle rencontre du comité de l’ISDA est prévue mardi à 16H00 GMT.

Nicolas Maduro assure, lui, négocier avec la Russie et la Chine, deux alliés auxquels le Venezuela doit respectivement 8 et 28 milliards de dollars.

Caracas et Moscou doivent signer mercredi un accord pour restructurer trois milliards de créances vénézuéliennes, de sources proches concordantes.

Une signature est prévue mercredi, a indiqué à l’AFP une source proche du gouvernement russe. Le ministère russe des Finances a refusé de confirmer cette information et ne prévoit aucun évènement public tandis que l’ambassade du Venezuela à Moscou a annoncé la tenue d’une conférence de presse mercredi.

Pékin a pour sa part déclaré mardi que sa coopération avec Caracas dans ce dossier “se déroule normalement”.

De son côté, la communauté internationale a accru la pression sur le président Nicolas Maduro avec l’adoption lundi par les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne de sanctions dont un embargo sur les livraisons d’armes.

Le Venezuela subit déjà les sanctions de Washington qui interdit à ses banques et à ses citoyens d’acheter de nouvelles obligations ou de négocier des accords avec le gouvernement vénézuélien.

De nombreux précédents

Le Venezuela pourrait rejoindre prochainement la longue liste de pays qui ont fait faillite – certains à plusieurs reprises – dont voici les cas les plus emblématiques:

1982: Mexique

Le 22 août 1982, toutes les grandes places financières du monde et près de mille créanciers reçoivent un télex leur annonçant que le Mexique est en état de cessation de paiement. La dette elle-même atteint 86 milliards de dollars et les intérêts, 21 milliards.

Elu en 1976, le président Jose Lopez Portillo a dépensé sans compter les surplus générés par l’argent du pétrole. Ce déséquilibre est aggravé en 1981 par la chute des cours de l’or noir.

Après l’annonce du défaut, les Etats-Unis se portent au secours de leur voisin avec des prêts relais de plusieurs milliards de dollars. Le Fonds monétaire international (FMI) apporte aussi une aide en échange de réformes drastiques.

En 1995, le FMI devra à nouveau se porter au secours du Mexique, lui accordant près de 18 milliards de crédit sur un plan international de sauvetage de 50 milliards.

1998: Russie

L’économie russe, dont les perspectives étaient jugées florissantes un an plus tôt, est déstabilisée par une lame de fond financière venue d’Asie. Les attaques spéculatives sur le rouble se multiplient et les cours des matières premières, principales ressources de la Russie, plongent.

Le 17 août 1998, le gouvernement dévalue la monnaie, déclare un moratoire unilatéral sur la dette étrangère et renonce à honorer ses échéances vis-à-vis des créanciers nationaux.

La Russie, dont la dette publique en devises étrangères s’élève alors à 141 milliards de dollars et la dette intérieure à 50,6 milliards de dollars, devra attendre douze ans pour revenir emprunter sur les marchés.

2001: Argentine

En récession économique depuis trois ans, le pays enchaîne les plans d’austérité et ne contrôle plus sa dette extérieure.

Début décembre 2001, craignant l’effondrement de l’économie, le gouvernement plafonne les retraits en liquide dans les banques. Des émeutes sont sévèrement réprimées (33 morts), mais le président Fernando de la Rua démissionne.

Le 23 décembre, le président intérimaire Adolfo Rodriguez Saa décrète un moratoire sur la dette nationale, entraînant un défaut de paiement d’environ 100 milliards de dollars sur la dette argentine auprès de créanciers privés, soit le défaut le plus important de l’histoire. Certains créanciers ont accepté une restructuration de la dette en 2005 et en 2010, mais d’autres ont refusé.

Début 2016, le nouveau président Mauricio Macri a soldé les dernières dettes avec les fonds “vautours” américains et l’Argentine, après 15 ans d’absence, est revenue sur les marchés internationaux de capitaux.

2008: Equateur

Le 12 décembre 2008, l’Equateur suspend le paiement de près de 40% de sa dette internationale qui s’élève alors à 9,9 milliards de dollars, soit 19% du Produit intérieur brut du pays.

Le président Rafael Correa, ancien économiste élu en 2006, estime qu’une partie de cette dette est entachée d’illégalité pour avoir été surévaluée lors de la dernière négociation au début des années 2000. C’est la troisième fois en 14 ans que l’Equateur décrète un moratoire sur sa dette.

2015: Grèce

Fin juin et mi-juillet 2015, la Grèce, engluée dans la récession et soumise à une austérité stricte depuis l’éclosion de la crise de la dette en 2010, fait défaut en n’honorant pas deux remboursements au FMI pour un montant total de 2 milliards d’euros.

Un prêt d’urgence des Européens permet à Athènes d’apurer cette dette et de pouvoir à nouveau prétendre à l’aide financière de l’institution.

L’accord d’août 2015 entre la Grèce, dont la dette frôle les 180% du PIB, et ses créanciers sur un troisième plan d’aide de 86 milliards d’euros sur trois ans éloigne le risque d’un défaut de paiement qui aurait menacé la cohésion de la zone euro.

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