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Brussels Airlines: “L’appel des patrons donne envie d’applaudir… et d’esquisser un sourire ironique”

Une centaine de patrons belges ont signé un appel à la défense de l’ancrage belge de Brussels Airlines, ancrage mis en péril par la réorganisation au sein du groupe Lufthansa. Cet appel patronal nous donne à la fois envie d’applaudir et d’esquisser un sourire très ironique.

Applaudir parce que, comme le soulignent les signataires, l’attractivité de la Belgique en général et de Bruxelles en particulier repose notamment sur des connexions aériennes directes avec l’Europe et le monde. ” La Belgique et Bruxelles, capitale de l’Europe, ont besoin de cette connectivité pour pouvoir rester compétitives dans un monde de plus en plus globalisé et concurrentiel “, écrivent-ils. Or, seule une compagnie nationale peut garantir un tel service à long terme. D’où l’importance stratégique de Brussels Airlines. En outre, si la compagnie devait réduire sa voilure, voire disparaître, cela risquerait de peser sur la rentabilité de l’aéroport national et sur son rôle de hub. L’intérêt stratégique est donc double pour notre pays.

Ce raisonnement avait déjà été développé au lendemain de la faillite de la Sabena. Il avait permis au tandem Davignon-Lippens de mobiliser un bel éventail de grandes entreprises autour du projet aérien belge. Enfin… plus ou moins belge : l’Etat fédéral et les Régions wallonne et bruxelloise étaient montés au capital de la compagnie, mais pas la Flandre, pourtant la Région la plus riche et, qui plus est, celle qui héberge l’aéroport. Comme si l’idée-même d’un projet réellement national était devenue insupportable. La Belgique avait déjà vécu une expérience semblable dans l’énergie – autre secteur stratégique, dont le principal acteur est passé, lui, sous giron français. Elle la revivra encore avec la saga du stade national.

L’appel patronal pour sauver Brussels Airlines donne à la fois envie d’applaudir et d’esquisser un sourire très ironique.

Le pari de Brussels Airlines était risqué mais il a été efficacement relevé. La compagnie est redevenue bénéficiaire jusqu’en 2008, quand elle fut prise en étau entre le succès croissant du low cost et la hausse des prix du carburant. Les dirigeants ont alors opté pour l’ouverture du capital à un partenaire opérationnel (Lufthansa) et l’intégration dans une grande alliance commerciale. Dès ce moment-là, le groupe allemand disposait d’une option d’achat lui permettant de prendre le contrôle intégral de Brussels Airlines. Et c’est pourquoi l’appel du patronat 10 ans plus tard – 10 ans trop tard – nous donne envie d’esquisser ce sourire ironique.

Peu après, Brussels Airlines allait encore avoir besoin de cash. Ni les pouvoirs publics, ni les entreprises partenaires, ni les banques belges (tiens, cela peut parfois être utile, une banque publique en bonne santé…) n’ont bougé. Une autre faiblesse structurelle de la Belgique : l’absence de fonds d’investissement privé ou public d’une taille suffisamment conséquente pour porter des projets de grande ampleur, pour accélérer, par exemple, le RER ou la construction d’autres infrastructures stratégiques. On parvient, un temps, à compenser cette lacune en coalisant les forces. Mais en économie comme en politique, les coalitions ne sont pas éternelles. Donc, à l’époque, Lufthansa a débloqué un prêt de 100 millions d’euros à Brussels Airlines. En imposant ses conditions, évidemment. A savoir : la révision, en sa faveur, des options d’achat sur l’intégralité de la compagnie. Les options furent levées à la fin 2016 et, début 2018, chacun commence à en voir les conséquences. Et cela ne fait pas vraiment sourire…

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