Quand le monde de l’entreprise s’inspire des sportifs professionnels

John-John Dohmen,du terrain de hockey au coaching d'entreprise. © belgaimage

Le monde du sport de haut niveau et de l’entreprise n’ont a priori pas grand-chose en commun. Mais à y regarder de plus près, ces deux univers multiplient les parallèles. S’inspirer des codes et des techniques des sportifs professionnels a d’ailleurs plus d’un intérêt pour les services de ressources humaines.

Capitaine des Waterloo Ducks, plus de 250 sélections en équipe nationale, vice-champion olympique, champion du monde 2018 et élu meilleur joueur de la planète en 2016. Nul doute, John-John Dohmen est un expert en hockey, le sport qu’il pratique depuis son enfance. Mais cette expertise n’intéresse pas que les supporters et ses coéquipiers sur le terrain. Depuis maintenant deux ans, le jeune homme de 31 ans est régulièrement invité par les entreprises pour des séminaires et des conférences. Il n’y parle évidemment pas tactique ou maniement du stick mais plutôt des valeurs qui lui ont permis d’obtenir un tel niveau. Feed-back, travail en équipe, se donner pour l’autre, comment se fixer un objectif… Des thématiques fréquentes dans le monde sportif mais qui résonnent aussi dans la gestion d’une entreprise. Et ce, peu importe la taille ou le secteur de la société. ” J’ai déjà donné une grosse vingtaine de conférences, explique John-John Dohmen. J’ai été invité aussi bien chez des groupes comme L’Oréal ou BNP Paribas Fortis que dans des plus petites entreprises. Ce que j’évoque parle à tout le monde. J’explique, par exemple, tout notre parcours d’avant les Jeux de Rio, où nous sommes partis de nulle part et où nous n’avions que peu d’ambitions, jusqu’à notre médaille d’argent. Je parle aussi largement de l’année qui a précédé la compétition, où nous avons tout changé dans notre manière de travailler. On discute donc peu de hockey. Mais je peux aussi adapter les thématiques abordées en fonction de la demande de l’entreprise. ”

Dans le sport, le coach est l’accompagnateur qui va aider le sportif à se transcender. C’est aussi ce qu’on attend des travailleurs, qu’ils se transcendent dans ou à travers leur job. ” – Thierry Zintz (UCLouvain)

Mon club, mon entreprise

L’un de ses derniers exposés a eu lieu chez Elia, le gestionnaire du réseau du transport électrique. Devant une petite centaine de personnes, la star du hockey est venue parler de l’utilisation du feed-back pour faire grandir un groupe. ” Nous mettons actuellement en place des changements culturels au sein de l’entreprise. Développer davantage le feed-back en fait partie “, explique Luc Blondiau, un consultant indépendant actuellement en mission chez Elia et qui a invité le hockeyeur. Outre son expérience, John-John Dohmen en profite pour apporter quelques conseils. Comme l’intérêt, par exemple, de toujours présenter trois fois plus de feed-back positifs que négatifs. ” Il n’y a pas de recette miracle mais je suis persuadé que l’entreprise peut tirer beaucoup de leçons du monde du sport, et inversement, ajoute encore Luc Blondiau, ravi par la visite du champion. C’est un témoignage qui doit être mêlé à d’autres, pour toucher toutes les sensibilités. Mais les collaborateurs étaient très attentifs. Nous avons également réalisé une vidéo pour ceux qui ne pouvaient pas être là. Elle a été visionnée plus de 500 fois. ”

Pourtant, si son discours parle aux travailleurs, le joueur de hockey diplômé en ostéopathie n’a pourtant jamais réellement connu le monde de l’entreprise. Ou plutôt si, ” mais de façon différente, explique-t-il. Parce qu’en fait, je travaille depuis 15 ans dans les mêmes boîtes, qui sont mon club de Waterloo et l’équipe nationale. Et on pourrait comparer mon rôle de capitaine de club à celui de chef d’entreprise. Je suis passé par tous les stades. Du petit jeune qui devait se faire une place à ma position actuelle. J’ai donc, comme en entreprise, connu plusieurs niveaux “.

Sportifs de haut niveau et entreprises, même combat ? Il est certain que les codes des uns inspirent largement la culture des autres. Coach en entreprise depuis une vingtaine d’années, Alain Goudsmet aime rappeler que les notions d’appartenance à un société sont souvent comparables à celles que pourrait ressentir un sportif. ” Regardez les joueurs de foot qui, lorsqu’ils marquent, pointent l’écusson de leur club. Ce sont des valeurs que l’entreprise cultive aussi. ” La pratique même du coaching en entreprise pioche dans cet esprit. ” J’ai travaillé pour un grand équipementier où le personnel partait à la concurrence, explique le spécialiste. Il y avait un manque d’appartenance envers la marque. Nous avons donc recréé la fierté de travailler pour cette entreprise. Depuis, le turnover des travailleurs a diminué. ”

Les formations en coaching sont d’ailleurs marquées par la culture sportive. Depuis 2007, l’UCLouvain est l’une des rares institutions à proposer un executive master en ” business coaching et développement des organisations “. Signe qui ne trompe pas : son responsable, Thierry Zintz, doyen honoraire de la faculté des sciences de la motricité, a réalisé sa thèse de doctorat sur le management du changement dans les organisations sportives. ” Je suis donc à la croisée des chemins entre le sport et l’entreprise “, sourit l’homme, par ailleurs ancien vice-président du Comité olympique et interfédéral belge.

Quand le monde de l'entreprise s'inspire des sportifs professionnels
© photos belgaimage

Bon qualitatif

La formation a pour but de remplir un objectif précis dans le travail des professionnels RH. ” Nous ne sommes pas là pour soigner les burn-out mais pour développer une forme de coaching qui permettra de faire un bond qualitatif dans la gestion des ressources humaines. Nous ne formons pas des thérapeutes mais des coachs “, confirme le responsable. Une terminologie en lien avec le sport qui n’est évidemment pas due au hasard. ” Dans le sport, le coach est l’accompagnateur qui va aider le sportif à se transcender, ajoute Thierry Zintz. C’est aussi ce qu’on attend des travailleurs, qu’ils se transcendent dans ou à travers leur job. ” Les différents cours proposés font eux aussi de nombreux parallèles avec le milieu sportif. ” Nous avons des cours de gestion émotionnelle, on aborde la persistance et comment garder la motivation… Les liens avec le sport sont évidents. Certains professeurs viennent d’ailleurs de ce milieu. ”

Autant de points qui permettront de multiplier les compétences utiles à la bonne gestion d’une équipe. ” Pour qu’un sportif soit à son meilleur niveau, on a longtemps cru qu’il lui fallait uniquement un entraîneur sportif, conclut Thierry Zintz. Désormais, le coaching est multidisciplinaire et on fait appel à un expert mental, physique, un diététicien, etc. Même si elle est largement critiquée, l’équipe de cyclisme Sky en est le meilleur exemple. Elle est au paroxysme de l’utilisation de toutes les compétences possibles – et donc pas seulement purement athlétiques – ce qui lui permet de faire la différence. En entreprise c’est pareil : on comprend peu à peu que les diplômes ne sont pas tout. Etre une tête, ça ne suffit pas. Les soft skills sont tout aussi importantes. “

Par Arnaud Martin.

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