Comment le petit éolien souhaite prendre son envol

XANT. A ce jour, la société bruxelloise a installé trois éoliennes en Flandre, et 23 un peu partout dans le monde. © istock

Encore discret dans nos campagnes, le petit éolien pourrait bien se développer dans les années à venir. C’est du moins la conviction d’Engie, qui s’est lancé dans un partenariat avec un turbinier belge et qui espère bien installer une centaine de petites éoliennes d’ici 2020. Mais les contraintes avant la rentabilité sont nombreuses.

Elle trône fièrement au milieu de l’exploitation de Marc Romainville. Du haut de ses 18 mètres, l’éolienne que cet exploitant agricole a installée dans la cour de sa ferme ne passe pas inaperçue. Lorsque nous venons lui rendre visite à Courrière dans le Namurois, le temps est calme. Un peu trop pour l’éolienne qui ne bouge pas. ” On me fait parfois la remarque de ne pas la voir bouger alors qu’on ressent du vent, explique d’emblée l’agriculteur. C’est parce qu’un souffle de 10km/h est nécessaire et qu’il doit être assez régulier. Mais je vous assure qu’elle tourne. ” Marc Romainville fut l’un des premiers en Belgique à se laisser tenter par une telle technologie. C’était en 2013. ” Je disposais déjà de deux installations photovoltaïques mais je souhaitais encore augmenter ma production d’électricité. Nous consommons énormément sur l’exploitation. ”

Avec leur petit format, les éoliennes de faible puissance travaillent dans un environnement moins favorable.

Spécialisé dans l’élevage de veaux de boucherie et de poulets, l’exploitant doit constamment ventiler ses impressionnants bâtiments. ” C’est cet élément qui m’a fait pencher pour une éolienne, précise-t-il. Ma consommation est la même durant toute l’année. Mes panneaux ne pouvant pas produire la nuit, avoir un autre moyen de production était donc utile. ” Aujourd’hui, Marc Romainville se dit satisfait de son investissement, même si les résultats ne sont pas aussi bons que ceux présentés sur papier. ” Il s’agit d’une éolienne de 10 kW, qui devait produire annuellement 21.000 kW, lance-t-il. Aujourd’hui, je suis plutôt autour des 14.000. C’est donc une assez grande différence mais ça reste intéressant. Le rendement de mes installations de panneaux solaires est d’ailleurs aussi en dessous de ce qu’on m’avait annoncé. ” Son investissement d’un peu plus de 80.000 euros sera remboursé en 10 ans, plutôt que huit comme il l’espérait. Un délai certes plus long mais que ne regrette pas l’agriculteur. ” Si c’était à refaire, je pense que je recommencerais “, assure-t-il.

Son installation, Marc Romainville la doit à Fairwind, une entreprise belge basée à Seneffe qui s’est spécialisée, il y a maintenant une dizaine d’années, dans le développement de ces éoliennes version de poche, de 10 et 50 kW. Outre la taille, les engins de Fairwind se différencient aussi de leurs grandes soeurs par leur structure. L’entreprise a opté pour un axe de rotation vertical. A faible altitude, les vents sont irréguliers et turbulents. Le mécanisme installé de la sorte est plus robuste, moins sensible aux caprices du vent et peut s’enclencher à des vitesses moindres que les éoliennes ” classiques “. ” Depuis que nous nous sommes lancés dans la commercialisation, il y a cinq ans, nous en avons installé une grosse vingtaine, précise Philippe Montironi, administrateur délégué de Fairwind. Elles sont situées un peu partout en Wallonie, la plupart du temps dans des exploitations agricoles. ”

En Belgique, la demande de projets éoliens de petite et moyenne puissance provient principalement des exploitations agricoles.
En Belgique, la demande de projets éoliens de petite et moyenne puissance provient principalement des exploitations agricoles.© pg

“Une technologie au point”

Des chiffres que le chef d’entreprise espère bien voir monter en flèche, grâce à un soutien de poids. Depuis un an, son entreprise collabore avec Engie, qui se dit désormais convaincu par les possibilités qu’offre le petit éolien. ” Nous suivons cette technologie dans notre centre de recherche depuis longtemps, expose Bruno Defrasnes, directeur innovation chez Engie. Nous estimons que les conditions sont désormais présentes pour s’y intéresser concrètement et s’investir dans un projet. Mais c’est tout neuf, le petit éolien est au point depuis peu, pas plus de deux ans. Nous nous penchons de plus en plus sur les systèmes de décentralisation de la production d’énergie. Le petit éolien est un axe que nous souhaitons développer. ”

Le contrat est assez simple. Le fournisseur apporte au turbinier son expertise, notamment pour le raccordement, et surtout un sacré carnet d’adresses. ” On compte environ 40.000 exploitations agricoles en Belgique, précise le responsable innovation. La moitié est cliente chez nous. Le marché potentiel est donc assez large. ” Avec cette collaboration, Fairwind table sur une centaine d’installations pour 2020. ” En un an, nous avons déjà signé autant de contrats que depuis la création de l’entreprise, explique le patron. Nous sommes aussi en discussion avec plus d’une centaine d’autres. ”

“Tout dépend de l’objectif”

Mais malgré l’enthousiasme apparent des deux acteurs, l’éolien de petite puissance devra encore faire ses preuves et prouver son efficacité. Car avec leur petit format, ces éoliennes travaillent dans un environnement moins favorable. A leur hauteur, le vent se trouve perturbé par la présence d’obstacles. ” Le grand éolien est une technologie mature, qui a connu de nombreuses avancées ces 20 dernières années, explique Sophie Jacques, consultante en éolien pour le bureau d’études 3E. Ces éoliennes de grande taille captent des vents plus puissants et réguliers en hauteur. Pour les atteindre, les dernières générations d’éoliennes montent à 200 mètres et présentent des puissances unitaires de 3 à 4 MW. Pour le petit éolien, j’ai tendance à être réservée quant à la rentabilité pouvant être atteinte. Tout dépend évidemment de l’objectif du projet et de la production attendue. Il faut garder un esprit critique et s’assurer de bien prendre en compte l’ensemble des paramètres. Les projets de faible puissance font rarement des études de vents, car cela semble disproportionné par rapport à la taille du projet. Mais il reste toutefois utile d’avoir une idée de la vitesse moyenne à la hauteur d’axe de l’éolienne et de la distribution des vents, afin de s’assurer que la technologie choisie soit compatible au site, et que le productible annoncé par le fabricant soit réaliste. ” Sophie Jacques conseille donc d’impliquer dès le début le fabricant dans le choix de l’emplacement. ” On estime, par exemple, que pour compenser un obstacle, l’éolienne doit être deux fois plus haute, poursuit-elle. On peut aussi parer le problème en s’éloignant de l’obstacle. ”

Les projets éoliens de faible puissance font rarement des études de vents, car cela semble disproportionné par rapport à la taille du projet. Elles restent pourtant utiles.” Sophie Jacques, consultante chez 3E

Autant d’aspects qui, forcément, réduisent le champ des possibilités. ” On constate assez rapidement que l’éolien n’est pas adapté partout et certainement pas au milieu urbain, indique encore la consultante. Les micro-projets de 1 ou 2 kW, installés directement sur les bâtiments, ont vite montré leur inefficacité. ” Un constat que partage sans détour le turbinier Fairwind. ” A nos débuts, nous étions d’ailleurs partis sur un mât de 12 mètres avant de nous rendre compte qu’il était trop bas, explique Philippe Montironi. Cela reste un marché de niche. On n’en trouvera pas dans tous les jardins contrairement à ce que certains prétendent. ”

Contre les forces de la nature

En Belgique, la demande de projets éoliens de petite et moyenne puissance provient donc des exploitations agricoles et de quelques entreprises. Mais d’autres débouchés, plus inattendus, sont également envisageables pour ces machines. Certaines sociétés sont allées chercher un peu plus loin. C’est le choix stratégique qu’a fait Xant. Cette autre entreprise belge, spécialisée dans l’éolien moyen (95 Kw) multiplie les projets insolites. ” Les marchés où l’électricité est très chère sont intéressants pour notre offre. Autrement dit, des zones très éloignées et mal alimentées en énergie “, explique Alexander Van Heuverswyn, le directeur commercial de Xant. A côté de ses trois éoliennes établies chez des agriculteurs en Flandre, l’entreprise bruxelloise en a également installé 23 autres, partout dans le monde, là où le climat s’avère peu commode. ” Nous sommes en Ecosse où le vent souffle constamment et à des vitesses impressionnantes. Nous avons aussi une installation en Alaska, en Mauritanie et même au Vanuatu où les conditions sont difficiles “, détaille le responsable des ventes. Chaleur intense, érosion du sable, froid glacial, île isolée, difficile de faire moins accueillant pour une éolienne. Pour lutter contre ces conditions extrêmes, la société a donc dû adapter son offre. ” L’intérêt était de réduire au maximum les coûts de maintenance et simplifier l’utilisation, ajoute Alexander Van Heuverswyn. En Alaska, à certaines périodes, il est impossible de se rendre sur place. Les habitants sont donc formés pour redémarrer l’éolienne en cas de souci. Nous avons également réfléchi au transport. Nos éoliennes tiennent dans un conteneur et le mât est pliable afin de pouvoir être monté sans de très hautes grues, qui sont rares dans les régions reculées. “

Par Arnaud Martin.

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