“L’avenir automobile réside surtout dans une forte réduction des voitures”

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“Dans toute l’économie mondiale, aucune bataille n’est aussi passionnante que celle qui concerne l’avenir de la voiture.” C’est ce qu’affirme Marc De Vos, doyen de la faculté de droit à la Macquarie University de Sydney et professeur invité auprès de la cellule de réflexion Itinera.

Dans toute l’économie mondiale, aucune bataille n’est aussi passionnante que celle qui concerne l’avenir de la voiture. Tous les constructeurs automobiles, les grandes plateformes de mobilité telles qu’Uber, les géants du Web comme Amazon, Apple, Google et Microsoft, les sociétés d’électroménager comme Dyson et une série de nouvelles entreprises technologiques dépensent des dizaines de milliards en recherche et développement pour gagner cette bataille. Il s’agit d’une véritable course aux armements. Celui qui n’y participe pas risque d’être rattrapé et dépassé.

Tout ce qui est associé à la voiture aujourd’hui est menacé. L’électrification a définitivement percé. La question n’est pas de savoir si la voiture sera électrique, mais comment. Le pionnier Tesla opère comme jadis en misant sur l’intégration verticale de toute la production automobile. Volkswagen met 30 milliards d’euros sur la table en vue de développer un châssis standard pour la propulsion électrique. Si VW gagne, il fournira un châssis pour toute l’industrie. Une alliance avec Ford est déjà en gestation. L’avenir de Tesla ne passera peut-être pas par ses propres voitures, mais par des batteries qui alimenteront tous les modèles et par la technologie de recharge.

Autre évolution : la voiture autonome. Elle est inévitable, mais mettra plus de temps à s’imposer que beaucoup ne le croient. La complexité des systèmes radars, des capteurs, des caméras, des cartes numériques et autres merveilles technologiques est phénoménale. Le coût du produit final est à l’avenant. Un cycle normal d’innovation technologique requiert des versions successives de meilleure qualité et à moindre coût. La voiture autonome doit être parfaite d’emblée. La nature humaine tolère la perte de millions de vies sur les routes par la faute de l’homme, mais la moindre collision impliquant une voiture-robot sème la panique totale.

Les voitures-robots ne pourront véritablement percer que si les infrastructures routières, le code de la route et le monde des assurances leur préparent la voie. C’est pas demain la veille que l’innovation qui dépend de la régulation, mais aussi de la coordination internationale, percera. Les flux de données nécessaires pour permettre à des ordinateurs de piloter les voitures en toute sécurité exigent un réseau 5G complet, des forêts de nouvelles antennes GSM et des flottes de nouveaux satellites. Sans parler de la sécurité des données et de la souveraineté au niveau mondial. Huawei à son paroxysme. Bonne chance.

Aujourd’hui, la voiture s’apparente de plus en plus à un produit technologique plutôt qu’à un moyen de transport. La voiture est un smartphone sur roues. L’expérience et la communication passent par le matériel et le logiciel. La bataille pour le contenu de la voiture devient dès lors encore plus importante que la bataille pour la voiture à proprement parler. C’est pourquoi la voiture 2.0 joue les titans de l’assemblage automobile contre les géants du Web. Si la nouvelle économie l’emporte sur l’ancienne, c’est toute l’Europe qui va souffrir, l’Allemagne et la France en tête.

À chaque nouvelle génération, les voitures deviennent de plus en plus des véhicules de l’économie des données mobiles. Les data que la voiture et ses passagers génèrent pendant l’utilisation sont de la même nature que le flux de données qui transitent par Internet. Si l’on peut se garder de placer les mains sur le volant, l’automobile devient un internet mobile, offrant beaucoup de temps pour surfer. Un croisement entre Uber et Google ou Amazon permettrait une utilisation quasi gratuite de la voiture en échange des données automobiles. Les constructeurs seront alors dégradés au rang de fournisseurs des sociétés de données et de publicités, à moins qu’ils ne s’y substituent.

Plus la voiture 2.0 évoluera vers la consommation et l’expérience, moins la voiture à proprement parler sera importante. Plus la voiture sera autonome, plus la mobilité sera un service, moins la possession s’avérera nécessaire. Par conséquent, l’avenir automobile réside surtout dans une forte réduction des voitures. Fini le gaspillage lié à l’achat de véhicules en stationnement la plupart du temps. Si chacun bénéficie d’une mobilité sur mesure et sur commande sans devoir prendre lui-même le volant, des flottes de voitures-robots pourront peupler nos routes, ce qui nous permettra de réaffecter les parkings, garages et carports. À moins bien entendu que nous ne déplacions tous en volant à bord de taxi-drones. La voiture pourra lors reposer en paix.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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