Faire tomber les barrières en politique

Ellen Johnson Sirleaf, ancienne présidente du Liberia © Belgaimage

Lorsque je me penche sur ma vie et sur ma carrière politique, j’ai l’impression que je me suis battue chaque jour pour quelque chose ou pour quelqu’un. En tant que femme, j’ai lutté pour le droit à être écoutée et prise au sérieux, le droit à une société garantissant la liberté d’expression, et les droits fondamentaux de l’homme. Dans le monde entier, des femmes se battent à tous les niveaux pour des droits similaires, ce qui pousse beaucoup d’autres femmes à se présenter aux élections. Aux Etats-Unis, un nombre record de candidates ont brigué un siège aux élections de mi- mandat, en novembre 2018.

En 2019, il n’y aura aucune femme chef d’Etat sur le continent africain. Une situation inacceptable.

Au Liberia aussi, un nombre sans précédent de femmes se sont présentées aux élections d’octobre 2017, dont une à la présidence et six à la vice-présidence. C’est un progrès important pour l’accès des femmes au pouvoir, mais il reste encore beaucoup à faire sur ce plan au Liberia comme dans toute l’Afrique. Les femmes sont confrontées à un grand nombre d’obstacles, comme je l’ai moi-même été avant de devenir la première présidente démocratiquement élue d’un pays africain.

En 2019, 14 ans après ma première élection, il n’y aura pas une seule présidente sur le continent africain. A l’échelle mondiale, on ne compte que 20 femmes chefs d’Etat ou de gouvernement. Cette situation n’est pas acceptable.

Les Africaines ont réalisé de grandes avancées en accroissant leur participation politique à pratiquement tous les niveaux du pouvoir. Cependant, en Afrique, on tend à se focaliser sur les élections et à les considérer comme des ” jalons ” de la démocratie. Mais il faut regarder en amont et se pencher sur les obstacles qui ferment les scrutins, en particulier aux femmes, avant même le début de la campagne.

En 2019, les Africaines seront confrontées à trois types d’obstacles. Tout d’abord, elles sont considérées comme des outsiders. Elles incarnent le changement : j’ai hâte, en 2019, de les voir abattre des murs et représenter une menace pour les dirigeants en place et le statu quo. En second lieu, la structure des partis est hiérarchique et repose sur le clientélisme : les nouvelles idées ne sont pas les bienvenues. Enfin, le troisième type d’obstacles est lié au manque d’accès à l’information. Cet accès rend les femmes plus sensibles à leurs droits à l’éducation, à l’égalité de traitement et à ne pas être soumises à la violence. Les femmes bien informées sont généralement plus engagées en politique et plus enclines à demander des comptes au gouvernement. Ces obstacles sont renforcés par l’insuffisance des lois sur le financement des campagnes, qui empêche les femmes de jouer un rôle de premier plan dans le discours politique.

Je pense que la pleine participation politique deviendra une réalité pour les femmes quand les quotas – un premier pas nécessaire vers la parité politique – deviendront inutiles, quand l’accès à l’information sera considéré comme un droit, et quand les femmes ne se sentiront plus tenues de mener des campagnes et d’organiser des manifestations pour avoir un droit de regard sur les décisions qui les concernent.

Je peux témoigner que le premier pas d’une femme n’engendre pas forcément des progrès pour toutes les femmes. Cela dit, une fois la première barrière tombée, il devient plus facile d’abattre les suivantes, qu’elles soient culturelles, sociales, politiques, économiques ou autres.

Comme l’a déclaré l’ancienne présidente du Chili Michelle Bachelet, ” une meilleure démocratie est une démocratie où les femmes n’ont pas seulement le droit de voter et d’élire, mais aussi d’être élues “. Pour atteindre cet objectif, nous devons cesser de nous focaliser sur les rares femmes parvenues aux plus hauts niveaux politiques et chercher à constituer et à entretenir un important vivier de talents pour la prochaine génération de dirigeantes.

Je suis ravie de voir la diversité des candidates sur l’échiquier politique américain et j’espère qu’elles feront tomber des barrières en 2019. Cependant, nous devons toujours veiller à ce que l’enjeu des élections reste un grand dessein – des idées et des services publics – et non l’argent.

Je me félicite que, même dans les villages les plus reculés du Liberia, des jeunes filles sachent qu’elles aussi peuvent accéder à la présidence. Nous devons maintenant leur montrer comment elles peuvent faire tomber les barrières pour participer au discours politique, car c’est dans notre intérêt à tous.

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