L’Italie, un Lehman Brothers puissance 10

D’après mes confrères du quotidien français Les Echos, l’Italie est en train de se transformer en cocotte-minute. A Dieu ne plaise, si cela tourne mal, toute la zone euro sera concernée. Tout cela à cause de l’actuel gouvernement populiste qui a refusé de respecter les règles européennes : il a présenté un budget pour l’année 2019 avec un déficit de 2,4 %, alors que son ministre italien des Finances s’était engagé à rester en dessous des 2 %. Présenté de la sorte, le problème a l’air de peu d’importance. En réalité, ce refus de conserver un déficit sous cette barre des 2 % est crucial pour l’Europe, et en particulier pour la zone euro. Les investisseurs l’ont compris et la Bourse de Milan a d’ailleurs chuté vendredi dernier de presque 4 %. Les taux d’intérêt italiens ne sont pas restés non plus de marbre et ont augmenté assez fortement. Un sérieux signe de méfiance de la part des marchés financiers.

Si l’Italie devait faire la culbute, ce serait les épargnants belges qui en feraient aussi indirectement les frais.

D’autant que pour l’Italie, pareille augmentation des taux d’intérêt s’apparente à un suicide. Ne serait-ce que parce que la dette publique de l’Italie est à 132 %, et que son remboursement est déjà le premier poste budgétaire du pays. L’horreur : alors que l’émergence de l’intelligence artificielle nécessite que l’éducation des jeunes soit au coeur des priorités, voici la Péninsule qui dilapide son argent durement gagné à rembourser sa dette. Ou quand le passé (dette publique) l’emporte sur l’avenir (enseignement)… Visiblement, la coalition au pouvoir actuellement n’a pas peur de ce paradoxe. Elle part du principe qu’elle doit respecter ses promesses électorales, y compris baisser les impôts pour les sociétés et les particuliers. Espérant ensuite, avec l’exemple de Donald Trump en point de mire, que la confiance donnera un coup de fouet à la croissance, ce qui compensera les dérapages budgétaires. On dirait de la politique vaudoue !

Mais les dés sont jetés. Car aux sceptiques sur l’impact de cette politique vaudoue, le porte-parole du gouvernement italien a promis… le goulag, ou presque. Dans le cadre d’un échange privé (mais qui a fuité), il a clairement indiqué que son gouvernement n’hésiterait pas à licencier les hauts fonctionnaires du ministère des Finances qui bloqueraient sa politique. En clair, si les recettes fiscales escomptées ne sont pas au rendez-vous en 2019, ce sera forcément de la faute de ces hauts commis de l’Etat et leur C4 sera assuré. Une chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom.

Certes, c’est le droit des Italiens de voter pour des populistes, mais ils n’ont en revanche pas le droit d’enfreindre les règles européennes. Nous avons une monnaie en commun : l’euro. En acceptant cette monnaie commune, nous avons également accepté d’être interdépendants. Bref, nous devons respecter des règles communes pour éviter que les écarts des uns ne fassent du mal aux autres. Un exemple ? Si les marchés financiers n’ont plus confiance en l’Italie, ils perdent aussitôt confiance dans les autres maillons faibles de la chaîne. Raison pour laquelle les taux d’intérêt ont augmenté en Italie, mais se sont aussi raidis pour la Grèce, sans oublier la pression exercée sur des pays comme le Portugal et l’Espagne. Les plus égoïstes se diront: tant pis, après tout, cette tension du loyer de l’argent concerne les pays du sud de l’Europe et pas la Belgique. Erreur de jugement. La plupart des banques belges possèdent en effet des titres de la dette publique italienne en portefeuille. Si l’Italie – la troisième puissance économique de la zone euro – devait faire la culbute, ce serait les épargnants belges qui en feraient donc aussi indirectement les frais.

Le dérapage budgétaire italien est là pour nous rappeler une nouvelle vérité : nous ne sommes plus isolés. Et nos économies sont bien interdépendantes. Exemple : si le Brexit se terminait par un non-accord, la Flandre serait la première touchée après l’Irlande, selon une étude de la KU Leuven. Et croire que Bruxelles et la Wallonie resteraient indemnes est un rêve éveillé. Lorsque la Turquie dérape et donne les pleins pouvoirs à un autocrate, ce sont aussi nos banques qui sont aux premières loges (21 milliards d’euros d’exposition pour les institutions belges). Lorsque l’Italie vote populiste, nous ne pouvons donc pas simplement hausser les épaules. Car, comme le dit l’économiste français Marc Touati, ” L’Italie, c’est un Lehman Brothers puissance 10 ! “

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