Qui est Jean-Pierre Dick, skipper actif au sein de Virbac ?

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Entre le navigateur Jean-Pierre Dick et la société Virbac qui a été jusqu’à la fin de l’année passée son fidèle sponsor, c’est bien plus qu’une histoire de partenariat. Le skipper est membre du directoire de la multinationale et le fils du fondateur de la puissante firme pharmaceutique spécialisée dans la santé animale créée il y a tout juste 50 ans.

Dormir. Bien manger. Se doucher plus de cinq minutes. Après des semaines d’inconfort, c’est le souhait de tout navigateur au long cours qui franchit enfin la ligne d’arrivée. Un voeu que Jean-Pierre Dick, quatre fois vainqueur de la Transat Jacques-Vabre, deux fois quatrième du Vendée Globe et troisième de la Route du Rhum, n’a plus à formuler. Le marin français au brillant palmarès renonce désormais aux courses transatlantiques et autres tours du monde à la voile pour naviguer sur des eaux moins tumultueuses. ” Le prochain Vendée Globe aura lieu en 2020. J’aurai alors 55 ans. Je n’ai pas envie de faire la course de trop “, dit-il d’une voix posée à l’autre bout du téléphone. L’âge du capitaine marque aussi un coup d’arrêt au partenariat avec Virbac, son fidèle sponsor. Il faut dire que pour le mécène, la note est aussi salée que le milieu dans lequel évoluent les Imoca, ces sublimes monocoques de 60 pieds, véritables F1 nautiques. Construits sur mesure pour fendre les vagues, ils coûtent jusqu’à 5 millions d’euros auxquels il faut rajouter leur budget de fonctionnement annuel évalué entre 1,5 à 2 millions par an. Un investissement que Virbac ne souhaite pas prolonger. Le contrat entre la firme de produits vétérinaires et le compétiteur dépassait la simple opération de communication. Le sportif de haut niveau est membre du directoire de la société fondée par son père, Pierre-Richard Dick, il y a tout juste 50 ans.

Apporter la notoriété

” Virbac a été le pilier initial qui a permis de construire cinq bateaux “, reconnaît le barreur qui a pu aussi compter sur le soutien financier d’autres industriels comme la biscuiterie Saint-Michel. ” C’est une situation originale qu’un dirigeant fasse la promotion de sa marque mais ce n’est pas interdit de faire des choses originales, ajoute-t-il. Et c’est une réussite complète. ” Le laboratoire du ” bien-être animal ” qui pèse aujourd’hui 862 millions d’euros s’est appuyé sur les victoires remportées par son protégé pour accroître sa visibilité médiatique, faisant siennes au passage les valeurs de dépassement de soi et de courage. ” Dans un Vendée Globe, vous mettez votre vie en danger. Les gens qui disaient au début que je passais du bon temps sur la plage se sont vite tus. ”

Une véritable histoire de famille que cette multinationale où l’on retrouve au poste de pilotage, la nièce de ” Jipé “, son beau-frère et surtout sa soeur, Marie-Hélène, de 11 mois son aînée, la business woman de la famille, présidente du conseil de surveillance. ” Avec le temps, chacun a trouvé ce qu’il avait envie de faire avec ses qualités propres et ses passions. Chacun a mis sa pierre à l’édifice. Moi j’ai apporté la notoriété, tout en restant au sein du directoire, associé aux grandes décisions du groupe. Marie Hélène a apporté sa rigueur de gestion et son allant. Elle a été une cheville ouvrière dans le développement de la société et la volonté de garder notre indépendance à la mort de notre père. ”

C’est une situation originale qu’un dirigeant fasse la promotion de sa marque mais ce n’est pas interdit de faire des choses originales.

Pierre-Richard Dick a 55 ans quand il décède brutalement en 1992 d’une crise cardiaque. Le fondateur était charismatique, taiseux, perfectionniste dans l’âme, dévoué 14 heures par jour à son destin professionnel. ” En 1968, quand Virbac a été créé, la législation sur la santé animale se mettait à peine en place et les animaux étaient jusque-là principalement soignés avec des médicaments à usage humain “, rappelle le fils. Pour sa veuve et ses quatre enfants, la période de deuil se double d’une décision majeure à prendre : garder l’entreprise ou tourner la page ? Les banques les verraient bien prendre la sortie mais les héritiers résistent, se maintiennent dans le capital et décident de continuer la route. La tâche n’est pas simple. Il faut se lancer, s’affirmer, vaincre les réticences. Pas facile d’être pris au sérieux quand les ” anciens ” vous côtoient depuis votre enfance… Quand bien même Jean-Pierre est vétérinaire de formation, comme son père et sa soeur, ce qui lui ” a permis de comprendre les enjeux de l’entreprise “. Son diplôme de médecin des animaux en poche, le scientifique embraie par un MBA à HEC. La blouse blanche et le management n’étaient pourtant pas les ambitions premières de Jean-Pierre, ni de son paternel. Le premier s’imaginait en architecte naval, le second voyait son rejeton coiffé du bicorne et arborant la ” tangente “, l’épée que l’on décerne aux élèves-officiers de Polytechnique, la prestigieuse école d’ingénieurs française par laquelle sont passés quelques célèbres PDG. Après la mort du fondateur, Jean-Pierre Dick intègre la ” maison “, devient responsable d’une business unit avant de se consacrer pleinement à sa carrière de navigateur.

Dans le top 10

La mer a toujours été à portée de main. Les Dick seconde génération ont grandi le long de la Méditerranée, à Nice. ” La Côte d’Azur a été le nid de ma passion pour la voile, confie Jean-Pierre. Mon père a commencé à faire du bateau à voile avec ses enfants alors qu’on était tout gamins. C’est là que le virus est né. ” Mais ” la mise en culture ” s’est faite ailleurs, en bordure de l’Atlantique. Le marin professionnel a déposé l’ancre il y a bien longtemps à Lorient, dans le Morbihan, car ” c’est là que ça se passe “, mais il demeure ” totalement impliqué dans les discussions sur la marche de l’entreprise ” dont le QG est implanté dans l’arrière-pays niçois.

Virbac compte aujourd’hui 4.800 collaborateurs et figure dans le top 10 mondial des laboratoires de santé animale. Une fierté pour la famille qui détient 65,7 % des droits de vote et 49,7 % de l’actionnariat. Fait rare dans l’industrie qui les concerne, les Dick sont à la tête d’une société qui n’est pas adossée à un laboratoire pharmaceutique de la santé humaine, contrairement à leurs concurrents comme les géants Zoetis (ex-Pfizer), Merial (Boehringer Ingelheim) ou Elanco (Lilly).

Avec un chiffre d’affaires qui provient pour moitié de la vente des produits pour animaux de production, c’est surtout l’envolée du marché pharmaceutique des animaux de compagnie dans les pays émergents, Chine en tête, qui tire la croissance vers le haut. Des résultats bienvenus pour Virbac qui a connu ces trois dernières années des difficultés financières avec la restructuration coûteuse de sa filiale américaine. Des trous d’air qui n’ont, semble-t-il, aucun lien avec l’arrêt du sponsoring dont bénéficiait ” Jipé “. Celui-ci n’a pas renoncé pour autant au plaisir de voguer ni d’entreprendre. Le sportif enchaîne toujours les régates et, via sa société Absolute Dreamer, fabrique et commercialise depuis 2016 des catamarans high-tech en carbone. Contre le virus thalassique qu’il a contracté dans sa jeunesse, aucun antidote en vue…

Par Antoine Moreno.

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