Commerce: Trump doit encore concrétiser ses menaces

© Reuters

En matière de sanctions commerciales le président américain Donald Trump fait feu de tout bois et renégocie ou dénonce les accords à tour de bras, menaçant ses partenaires de taxes s’ils n’obtempèrent pas à ses désirs.

Mais au-delà des déclarations, les mesures peinent à se concrétiser. Les tarifs contre la Chine attendent toujours d’être mis en place, la renégociation de l’accord commercial avec la Corée du Sud s’est traduite par des aménagements relativement mineurs et les principaux alliés des Etats-Unis ont été exemptés, pour l’instant, des taxes contre l’acier et l’aluminium.

Le président américain envisage même maintenant de réintégrer l’accord transpacifique après l’avoir quitté sitôt arrivé au pouvoir en 2017.

Son administration prétend toutefois agir efficacement en coulisses. Elle décrète régulièrement des taxes, sous formes de droits antidumping ou de mesures compensatoires, sur des produits industriels et agricoles importés aux Etats-Unis.

Olives espagnoles, biodiesel argentin, sacs en jute du Vietnam, produits dérivés de l’acier et de l’aluminium, produits chimiques aux noms ésotériques: tous se sont retrouvés frappés de mesures de rétorsion destinées à protéger les producteurs américains.

Le secrétaire au Commerce Wilbur Ross a affirmé devant le Congrès récemment qu’il avait pratiquement doublé le nombre de ce type d’initiatives par rapport à l’administration de Barack Obama.

“Nous avons traité entre 70% et 80% de cas supplémentaires par rapport à l’administration précédente”, a-t-il déclaré lors d’une audition sur le budget au Congrès. “Nous avons aussi conclu l’examen de bien davantage de dossiers que n’importe quelle autre administration. Nous avons plus de 100 dossiers”, a-t-il lancé.

Mais il n’est pas le seul à décider de leur instruction. La Commission américaine du commerce international (USITC), un organisme indépendant, n’hésite pas à retoquer des dossiers soumis par le ministère. Cela a été notamment le cas dans le dossier des avions canadiens Bombardier que l’américain Boeing voulait voir frappés de mesures financières punitives.

Moins qu’Obama ?

L’USITC a ainsi aussi “sauvé” des importations de titane spongieux en provenance du Japon et du Kazakhstan, du gluconate de sodium et de l’acide gluconique français ainsi que des élastiques du Sri Lanka.

Lorsque ces décisions négatives de l’USITC sont prises en compte, le bilan du républicain Donald Trump s’amoindrit quelque peu et n’est pas plus fourni que celui de son prédécesseur démocrate.

La valeur des importations touchées par des mesures décidées par l’administration du républicain lors de sa première année au pouvoir n’est que d’un peu plus de 6 milliards de dollars et vise des produits provenant de 29 pays.

Dans la dernière année du gouvernement Obama (2016), elle avait atteint 6,6 milliards de dollars répartis sur 18 pays.

Des montants faibles par rapport au déficit commercial des Etats-Unis l’an dernier, qui s’est élevé à 566 milliards de dollars. Des économistes affirment également que de telles mesures finissent par nuire aux entreprises et consommateurs américains en faisant monter les prix des produits concernés.

“Ce n’est pas cela qui compte”, affirme cependant Peter Watson, un ancien président de l’USITC. “Les mesures sont appliquées pour aider des entreprises et des secteurs à faire face à des situations de concurrence déloyale”.

Interrogé par l’AFP sur ces chiffres, le département du Commerce souligne qu’il n’a pas de contrôle sur les décisions de l’USITC qui ne s’est de toute manière opposée qu’à un petit nombre de cas.

“Mais l’un de ces cas était particulièrement important”, a justifié un porte-parole, faisant de toute évidence allusion à celui de Bombardier.

Les 84 dossiers ouverts représentent toutefois le nombre le plus élevé pour la première année d’une administration, rappelle ce porte-parole, affirmant que cela permet d’établir une concurrence équilibrée pour les producteurs américains.

Pour Chad Bown, un expert en commerce international au Peterson Institute for International Economics, compter le nombre de cas plutôt que leur valeur absolue n’est pas représentatif.

Selon ses propres calculs, qui tiennent compte de la croissance potentielle des importations des produits concernés si elles n’avaient pas été visées par des mesures de rétorsion, l’administration Trump est loin derrière celle de Barack Obama.

Mais il suggère aussi que des entreprises qui auraient pu déposer des plaintes auprès du ministère du Commerce s’en sont abstenues en espérant régler le problème avec les mesures plus larges annoncées par Donald Trump.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content