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“Démocratie et liberté: mal comprise, l’une peut être un danger pour l’autre”

On ne trouve personne, dans le monde politique, pour remettre en cause l’idée de démocratie. Et c’est très bien ainsi. Même les partis les plus extrémistes – à gauche et à droite – et les populistes s’en prévalent alors que partout où ils ont participé au pouvoir, les libertés s’en sont trouvées affaiblies.

Il en est sans doute ainsi parce qu’ils ne retiennent de l’idée de ” démocratie ” que son sens étymologique : il s’agit du ” pouvoir du peuple “. Dans leur esprit, la démocratie se résume au fait que ” la majorité décide “. C’est pour cela, par exemple, sans même remonter à des exemples historiques encore plus tragiques, que des gouvernants comme ceux de la Turquie, de la Russie ou du Venezuela, qui n’ont pas toujours usé de la fraude électorale pour arriver ou se maintenir au pouvoir, se prétendent démocrates.

Il est pourtant triste de constater que même des partis modérés semblent toujours imprégnés de l’idée qu’il suffit de recueillir une majorité pour décider presque n’importe quoi. L’alternance de partis de gauche et de droite, même dits ” démocratiques ” revient souvent à remettre en cause des catégories à peine distinctes de libertés, politiques ou économiques selon le cas.

Le résultat est que nous nous retrouvons dans des pays européens où les libertés traditionnelles sont de plus en plus soumises à des restrictions, des contraintes, des limitations ou des conditions d’exercice. Le droit de propriété est certainement le plus atteint. Il l’est à la fois par les réglementations multiples, notamment d’ordre urbanistique ou environnemental, et par l’impôt qui s’approprie actuellement environ la moitié des ressources créées par le travail et l’épargne.

Mais les autres droits sont de plus en plus compromis également : le droit à la vie privée dans lequel les administrations publiques s’immiscent en permanence, la liberté de circuler entravée par des règles environnementales et des contrôles lors de l’usage de moyens de transport ou des registres de passagers, et la liberté d’expression confrontée en permanence aux règles implacables du ” politiquement correct “. La liberté religieuse elle-même, qui devrait comporter le droit de critiquer les religions, est altérée par des règles admises même par la Cour européenne des droits de l’homme, empêchant parfois certaines affirmations que des fidèles pourraient juger offensantes.

Comme l’histoire et le présent le montrent hélas, un régime élu peut parfaitement être lui aussi tyrannique et il faut des mécanismes pour l’en empêcher.

Toute cela incite à se demander si la démocratie à elle seule protège vraiment les libertés. Donner le pouvoir à la majorité, ce n’est assurément pas suffisant. C’est une question importante que de savoir qui détient le pouvoir, et dès le moment où il en existe un, il vaut assurément mieux qu’il soit exercé au nom d’une majorité populaire. Mais avant de se demander qui exerce le pouvoir, il faut réfléchir au contenu et aux limites de celui-ci. Comme l’histoire et le présent le montrent hélas, un régime élu peut parfaitement être lui aussi tyrannique et il faut des mécanismes pour l’en empêcher.

Ces mécanismes ont existé. Il s’agissait de limiter constitutionnellement le pouvoir par des listes de libertés individuelles qu’aucune majorité ne peut remettre en cause. Malheureusement, en Europe et dans une moindre mesure aux Etats-Unis, ces libertés ont été grignotées au fil des ans par des lois de plus en plus astreignantes et pénalisantes. Cela n’a été possible que parce que – comme c’est le cas en Belgique – la Constitution et même les déclarations des droits de l’homme énoncent des droits fondamentaux mais, presque toujours, accordent au législateur le pouvoir d’y apporter des exceptions ou des limites.

Les libertés devraient être protégées contre tous les pouvoirs : l’exécutif mais aussi le législatif et le judiciaire. Une bonne Constitution devrait énoncer des droits absolus que même le législateur ne pourrait entraver ou limiter. A partir du moment où l’on prévoit des exceptions à des libertés, on autorise la remise en cause de celles-ci par un vote. Alors, la démocratie comprise comme le pouvoir du peuple est, elle aussi, un danger pour les libertés. C’est ce que nous constatons, aujourd’hui, jour après jour, dans une société de plus en plus ” organisée “, soumise à d’infinies contraintes et de multiples sanctions.

Les grands penseurs libéraux comme Tocqueville ou Ayn Rand l’avaient prévu. Ils ont hélas eu raison, et la seule solution pour rétablir les libertés dans un cadre démocratique est de renforcer les catalogues de libertés fondamentales. D’une part en les étendant, d’autre part en restreignant les possibilités pour le législateur d’y déroger.

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