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L’impôt en Belgique: “une législature pour rien”

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Les chiffres d’Eurostat sont tombés : en 2017, la Belgique était le deuxième pays le plus taxé d’Europe. Comme l’Europe, empêtrée dans sa doctrine d’Etat providence, est traditionnellement le continent le plus taxé au monde, on peut présumer que la Belgique est aussi le deuxième pays le plus taxé au monde, après la France ultra-étatiste.

Le ratio global entre les prélèvements obligatoires (c’est-à-dire les impôts et les autres cotisations obligatoirement dues, telle la sécurité sociale) et le produit intérieur brut est remonté à 47,3 % en Belgique, après avoir légèrement diminué à 46,7 % en 2016. Entretemps, le très social-démocrate Danemark est à 46,5 %, ce qui fait que la Belgique reçoit la médaille d’argent.

On constate une véritable stagnation de la Belgique dans ce domaine essentiel pour mesurer la part de l’Etat dans la vie des gens. En clair, avec un taux légèrement en dessous des 50 %, la Belgique est un pays où près de la moitié du produit de l’activité des habitants passe par les pouvoirs publics. Cette proportion est énorme et implique une soumission excessive des citoyens au pouvoir. Si l’on tient compte des dépenses, encore plus élevées, de l’Etat, son rôle dans la vie de la population est clairement démesuré.

Le gouvernement actuel a, certes, hérité de décennies de gabegie budgétaire et d’une doctrine sociale qui a conduit à un poids étatique étouffant pour les habitants du pays. Certains avaient espéré des changements de la part d’un gouvernement composé, notamment, de la N-VA (qui avait tiré à boulets noirs sur le gouvernement précédent, qualifié de belastingregering, le gouvernement des taxes), d’un parti Open Vld qui utilise dans son sigle la lettre L pour se référer aux valeurs libérales, et du MR, qui a renoncé à la même lettre L mais non à la couleur bleue.

Les quelques réformettes fiscales intervenues pendant la législature ne visaient pas une réduction des impôts mais un déplacement de ceux-ci sur d’autres contribuables.

Le problème est que ce changement n’est pas intervenu. Le Premier ministre n’a cessé de conserver son attachement à notre mode de sécurité sociale extraordinairement coûteux. Il a même affirmé à plusieurs reprises que le rôle du gouvernement était de sauver ce système. Les dépenses n’ont cessé d’augmenter, certes à un taux légèrement plus bas qu’auparavant, et les quelques réformettes fiscales intervenues pendant la législature ne visaient pas une réduction des impôts mais un déplacement de ceux-ci sur d’autres contribuables. Il n’a en effet pas été question d’une réduction de l’impôt des personnes physiques, mais seulement d’un tax shift, d’une ampleur d’ailleurs très modeste, dont les quelques aspects relativement positifs ont été compensés par d’autres mesures fiscales. La même erreur a été commise dans le domaine de l’impôt des sociétés, où la réduction du taux a été accompagnée d’un élargissement de la base imposable, avec comme conséquence que, volontairement, le total dû par les sociétés ne baissera pas.

Certains dans la sphère gouvernementale défendent l’idée que l’essentiel n’est pas le total de l’impôt, mais sa répartition. C’est là une conception qui revient à considérer comme intangible le rôle de l’Etat dans la société et comme incontestable le fait qu’il s’accapare la moitié de ce que la population produit. C’est à croire que certains, au gouvernement, font leur la déclaration – digne d’une quasi religion étatiste – de la ministre française Marlène Schiappa : ” Je crois en l’impôt “.

C’est pourtant aussi un problème d’équité fiscale. Celle-ci ne doit pas seulement se mesurer par rapport à un total d’impôt jugé intouchable. Il faut aussi se demander si la part que prend l’Etat dans les recettes, les efforts et le patrimoine des gens correspond, elle aussi, à l’équité.

Le système actuel fait qu’une partie substantielle, voire majoritaire, de la population retire la plupart de ses revenus de l’intervention de l’Etat, c’est-à-dire de sommes qui n’existent que parce qu’elles ont été prélevées, de manière obligatoire, à d’autres qui ont créé ces richesses. On peut douter que ce système réponde à l’équité, même si l’on comprend qu’il faudrait beaucoup de courage politique – qui n’existe pas – chez nos gouvernants s’ils voulaient remettre en cause ce système, et s’aliéner potentiellement les voix de ceux qui croient en bénéficier. Le problème de notre système politique est qu’il donne toujours, à terme, la préférence aux moyens politiques d’attribution des revenus plutôt qu’aux moyens économiques que sont le travail et l’épargne.

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