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Non, les gilets jaunes ne sont pas les plus défavorisés

Une étude de Sciences Po Paris démontre ce qu’on devinait : à savoir que les gilets jaunes et autres mouvements populistes sont le fait non pas des plus défavorisés par la vie, mais des classes populaires qui ont peur de l’avenir et de l’automatisation. Bref, ceux qui ressentent que leur avenir risque d’être bouché et pensent qu’ils sont à la merci du moindre imprévu.

Quatre chercheurs de Sciences Po Paris expliquent pourquoi les gilets jaunes ont du succès en France, ils expliquent aussi pourquoi les mouvements populistes progressent en Europe et pourquoi de nombreux américains votent pour Donald Trump.

L’étude menée dans 11 pays européens montre que cette montée du populisme s’explique souvent par un ressenti, une crainte de l’avenir même si cet avenir ne s’est pas encore concrétisé.

C’est un paradoxe qui a d’ailleurs déjà été souligné pour les gilets jaunes, à savoir que ce ne sont pas ceux et celles qui sont les plus pauvres ou les plus précaires qui protestent, mais plutôt ceux qui se sentent menacés de le devenir.

Autrement dit, même si la plupart des gilets jaunes ont un travail, un logement, une voiture, ils se sentent à la merci du moindre imprévu et ils ont l’impression que leur avenir est bouché.

Or, justement cette étude menée par ces 4 chercheurs de Sciences Po Paris étaye ce sentiment sur le plan économique. En fait, les gilets jaunes mais aussi ceux et celles qui votent pour d’autres mouvements populistes en Europe savent qu’avec la révolution numérique, les emplois intermédiaires vont disparaitre doucement mais sûrement.

Or, ces emplois sont occupés par la classe moyenne et populaire. Et c’est ce sentiment d’insécurité qui explique les votes populistes. Auparavant, l’automatisation et les délocalisations avaient surtout touché les cols bleus. Aujourd’hui, avec la numérisation, c’est au tour des cols blancs, au tour des employés intermédiaires d’être menacés par l’informatisation de leurs tâches.

Ce ne sont pas ceux et celles qui sont les plus pauvres ou les plus précaires qui protestent, mais plutôt ceux qui se sentent menacés de le devenir.

Plusieurs études avaient déjà prévenu : si rien ne change, on risque de se retrouver dans un monde dual. Avec en haut de la pyramide, des emplois très qualifiés, très bien rémunérés, dans des secteurs de pointe, et de l’autre côté, en bas de l’échelle, des emplois faiblement rémunérés et précaires, que ce soit les métiers de livraisons, de transports, l’hôtellerie, la restauration, le commerce de détail ou les soins et les services aux personnes âgées ou handicapées. Entre les deux : rien.

Or, justement, ceux qui votent populistes sont ceux qui occupent aujourd’hui ces métiers intermédiaires. C’est-à-dire ni haut de gamme ni bas de gamme, et qui sont menacés de disparaître à moyen terme.

L’étude de ces 4 chercheurs montre que plus le risque d’automatisation dans une profession est élevé, plus augmentent les probabilités de voter pour les mouvements populistes radicaux.

L’étude montre aussi que c’est chez les personnes qui ont le sentiment d’arriver à tout juste s’en sortir que ce sentiment est le plus fort. Quant aux plus défavorisés, c’est simple, le risque d’automatisation favorise l’abstention ou le désintérêt de la politique.

Question : sommes-nous un cul de sac ? Non, car les auteurs de cette étude montrent aussi que des pays comme l’Allemagne ou les pays scandinaves arrivent à sauvegarder les emplois intermédiaires. Mais ces pays ont misé sur la formation et sur une protection sociale adaptée. Donc, oui, le pire n’est pas toujours certain, mais encore faut-il que nos politiques, que nos syndicats et que la population veuillent s’adapter. Et ça, ce n’est pas une promenade de santé.

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