Que penserait le poète américain Walt Whitman de son pays aujourd’hui ?

RÉSERVE DE MOUNTAIN PARK, Boulder, Colorado © PG

Les Etats-Unis vont célébrer le bicentenaire de la naissance d’un de leurs plus grands poètes.

Né dans une petite ville de l’île de Long Island, dans l’Etat de New York, le 31 mai 1819, Walt Whitman a exercé les métiers de journaliste, imprimeur, entrepreneur et instituteur, avant de se consacrer à la poésie. Son oeuvre exprime un nationalisme brut, vaste et généreux, fondamentalement américain et unique en son genre. Un nationalisme à la démocratie chevillée au corps.

” Toi tu assumeras tout ce que j’assumerai, écrit-il dans Feuilles d’herbe (paru en 1855), / Car les atomes qui sont les miens ne t’appartiennent pas moins. ”

Il écrit ces vers à une époque où une bonne partie du reste du monde considérait la démocratie comme une aberration voire un danger. Son jeune pays, ” America ” (dans Feuilles d’herbe), était pour lui le ” centre où les filles et les fils sont égaux, un éternel comme la Terre, la Liberté, le Droit et l’Amour. Une Mère imposante, grandiose et sensée. ”

Personne ne peut nier la grandeur de l’Amérique, même si beaucoup craignent qu’elle finisse par vaciller plutôt que d’en imposer. A l’occasion du 200e anniversaire de sa naissance, que dirait de son pays le plus grand poète américain du 20e siècle ?

Comme nombre des plus grandes personnalités américaines, Whitman n’avait que faire d’une religion organisée : ” Moi, de la fin ou du commencement, jamais je n’en parle / (…) Ni de temps plus réel de paradis ou d’enfer “. Il serait sans doute aussi écoeuré que Thomas Jefferson ou Benjamin Franklin en constatant la tartufferie qui nourrit la politique américaine.

Ardemment antiesclavagiste

Et que penserait-il de la polarisation actuelle de la vie politique ? Lui, qui avait traversé la guerre de Sécession (ardemment antiesclavagiste et nordiste, il ne s’est pas battu, mais il visitait les soldats yankees blessés, dans les hôpitaux de Washington), ne serait pas surpris, mais aurait le coeur brisé, par les profondes fractures politiques qui minent le pays.

Et pourtant la politique a très peu de place dans son oeuvre. Il était surtout un ” observateur hors pair ” selon les mots de l’écrivain canadien-américain Saul Bellow. Et un poète lyrique des liens entre êtres humains. ” Je suis avec vous, hommes et femmes d’une génération, ou d’autant de générations que vous voudrez, après moi, écrit-il dans Sur le bac de Brooklyn. Tout ce que vous ressentez en regardant le fleuve et le ciel, je l’ai ressenti / Et comme vous qui avez fait partie d’une foule vivante, j’ai aussi fait partie d’une foule. ”

Les ponts ont remplacé les bacs pour relier Brooklyn à New York. Mais qu’est ce qui rapproche vraiment les Américains aujourd’hui ? C’est actuellement une question primordiale, aussi bien d’ordre métaphysique que politique. a l’époque où Whitman écrivait, l’Amérique commençait à peine à définir son identité, que ce soit avant ou après la guerre de Sécession.

Aucune guerre civile ne s’annonce aujourd’hui, mais les divisions existantes sont presque aussi grandes que si c’était le cas. Les Américains vivent dans des tribus politiques complètement séparées, qui se craignent et se détestent. Une situation qui dérangerait sans doute Whitman bien plus que l’état actuel de son pays. ” Ceux qui s’aiment seront invincibles “, écrit-il dans Feuilles d’herbe. Mais il ne dit rien des autres.

Par Jon Fasman.

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