Theresa May prête à un nouveau bras de fer avec les Européens

© AFP/Tolga Akmen

En voulant rouvrir avec l’appui de son parlement les négociations sur l’accord de divorce avec l’UE, la Première ministre britannique Theresa May se prépare à un nouveau bras de fer avec les dirigeants européens, qui lui ont rapidement signifié qu’ils ne comptaient pas bouger.

La France et l’Allemagne ont clairement fait savoir que les termes du traité déjà approuvé entre les 27 et l’UE n’étaient plus négociables.

Le porte-parole du président du Conseil européen Donald Tusk, avec lequel Mme May doit s’entretenir dans la journée, a affiché la même fermeté dès mardi soir, peu après le vote du parlement britannique en faveur de nouvelles négociations.

Mme May a aussi prévu de discuter mercredi avec son homologue irlandais, Leo Varadkar, et de recevoir à Downing Street le leader de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn.

Mardi soir, les députés britanniques ont adopté un amendement déposé par le conservateur Graham Brady, demandant à trouver des “arrangements alternatifs” aux dispositions relatives au controversé “filet de sécurité” (“backstop”), visant à éviter le retour d’une frontière physique entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

Le gouvernement avait décidé, peu avant le vote, de soutenir cet amendement. Un revirement de taille pour Theresa May, qui proclamait il y a encore quelques semaines que son “Traité de retrait” de l’UE, âprement négocié pendant 17 mois mais rejeté il y a deux semaines par une majorité écrasante de députés britanniques, était le “meilleur” et “le seul possible”.

L’adoption de l’amendement était considérée mercredi comme une victoire de l’exécutif par les tabloïds britanniques après la débandade du 15 janvier. “Le Triomphe de Theresa”, titrait le Daily Mail. “Elle l’a fait”, s’enthousiasmait le Daily Express. “L’accord de May ressuscité”, estimait le Daily Mirror.

“La dynamique a changé”, s’est réjoui sur la BBC le ministre en charge du Brexit, Stephen Barclay. Le vote de l’amendement constitue selon lui “un mandat clair pour que la Première ministre retourne devant les Européens pour dire +voici ce que le Parlement soutiendra”.

Il estime que les craintes d’un divorce brutal vont forcer les dirigeants européens à accepter de nouvelles négociations à moins de deux mois du Brexit, prévu le 29 mars. “L’élément clé ici est que les deux parties veulent trouver un accord”.

Mais l’UE semble loin d’être prête à accepter une demande qu’elle a déjà repoussée à plusieurs reprises.

“Monde imaginaire”

Ce texte est “la meilleure et unique solution”, a souligné mercredi le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas dans une interview au groupe de médias Funke.

La veille, le président français Emmanuel Macron avait martelé que cet accord de retrait était “le meilleur possible” et n’était “pas renégociable”.

“Les Brexiters acharnés vivent dans un monde imaginaire”, a taclé l’écologiste Philippe Lamberts, député européen belge, sur la BBC. “Les gens sous-estiment la détermination des 27 à maintenir l’intégrité du marché unique”, a-t-il ajouté, estimant que “la probabilité d’un Brexit sans accord augmente chaque jour”.

C’est à ce scénario que se préparait mercredi le patronat britannique, pas le moins du monde convaincu par l’optimisme affiché par certains dirigeants politiques.

“Je ne pense pas qu’il y aura une seule entreprise ce matin qui arrêtera ses préparatifs en vue d’un ‘no deal’ après ce qui s’est passé hier”, a déclaré Carolyn Fairbairn, directrice de la CBI, principale organisation patronale britannique. “Je crains même que cela ne les accélèrent”.

Signe de l’inquiétude des milieux économiques, la monnaie britannique a plongé mardi soir après le rejet d’un amendement de la députée travailliste Yvette Cooper, qui aurait pu avoir pour conséquence de repousser la date du Brexit. En revanche, un autre amendement demandant d’écarter la possibilité d’un Brexit sans accord a lui été adopté. Mais il n’est pas contraignant pour le gouvernement.

Mme May s’est engagée à faire voter un accord remanié “dès que possible”. Si elle n’obtient pas cet accord remanié d’ici le 13 février, elle a annoncé son intention d’organiser un vote le 14 février pour laisser les députés s’exprimer sur ce qu’ils veulent.

Pour Anand Menon, chercheur au King’s College de Londres, la démarche adoptée par la dirigeante conservatrice aurait en fait pour but de “prouver aux députés, à part les plus récalcitrants, que le backstop ne peut pas être renégocié et qu’ils vont donc devoir affronter la réalité du Brexit : soit voter pour l’accord, soit pour un nouveau référendum, ou bien une sortie sans accord”.

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