La blogueuse belge Gudrun Hespel brise le tabou des troubles alimentaires

© Frank Nieuwenhuis

Sur son blog, Gudrun Hespel ne se cantonne pas aux exercices de fitness. ‘Mon objectif dans la vie ? Aider les jeunes atteints de troubles du comportement alimentaire.’

Sur Internet en général et sur Instagram en particulier, la réalité est souvent embellie par celui qui publiera la photo du petit-déj’ le plus appétissant ou qui prendra la plus belle pose, tout en omettant bien entendu de poster les selfies moins flatteurs. La blogueuse fitness Gudrun Hespel est bien décidée à changer les choses.

24.000 followers la suivent dans son quotidien sur Instagram, mais Gudrun n’est pas une blogueuse fitness comme les autres. La preuve en est avec ses hashtags #recoverywarrior ou #anorexiarecovery qui ne sont pas les plus tendance. Elle explique à ses abonnés comment apprendre à apprivoiser son côté introverti et pourquoi un corps plus ferme n’est pas garant d’une vie meilleure. Elle se livre aussi sur ses troubles alimentaires.

Sur son blog, Gudrun Hespel ne se cantonne pas aux exercices de fitness. ‘Mon objectif dans la vie ? Aider les jeunes atteints de troubles du comportement alimentaire.’

Le contrôle par la nourriture

Pour reprendre ses mots, elle a ‘tout eu’, de l’anorexie quand elle était adolescente à l’orthorexie (volonté obsessionnelle d’ingérer une nourriture saine, NDLR) en passant par la boulimie. ‘Je n’étais pas du tout sûre de moi et l’image que j’avais de moi-même était complètement déformée’, confie-t-elle à propos de cette période de sa vie. ‘Je suis passée d’une enfant très bavarde à une ado taciturne.’

Les troubles du comportement alimentaire sont souvent une question de contrôle. Quand on a des problèmes, le corps et l’alimentation restent des éléments sur lesquels on garde le contrôle.

Cela fait longtemps que les corps de rêve sur les panneaux publicitaires ou les mannequins à la taille XXS sur les catwalks ne sont plus les seuls responsables des troubles alimentaires. ‘Pour beaucoup de jeunes filles, c’est une question de contrôle’, affirme Gudrun. ‘Quand on a des problèmes, le corps et l’alimentation restent des éléments sur lesquels on garde le contrôle.’

Plus vous vous abstenez de manger, plus votre activité cérébrale diminue et moins vous ressentez les choses. ‘Quand j’étais anorexique, je ne parvenais plus à identifier mes émotions. Je ne connaissais plus ces hauts et ces bas, alors que je suis par nature quelqu’un qui vit les choses intensément.’ Le corps se met en mode protection et économise de l’énergie pour assouvir les besoins les plus aigus. Les boulimiques mangent sans faim et sans fin pour inhiber leurs émotions, même si Gudrun a vécu sa boulimie plutôt comme si elle devait combler un vide. ‘Il m’est même arrivé d’engloutir de la nourriture à moitié congelée ; cela n’a donc rien à voir avec un quelconque plaisir gustatif.’

Women’s Health

Il y a quelques semaines, Gudrun a eu le plaisir d’annoncer qu’elle allait devenir la dixième ambassadrice du magazine santé néerlandais Women’s Health. Une reconnaissance qu’elle doit au chemin admirable qu’elle a parcouru ces dernières années mais pas seulement. Un magazine qui parle de fitness, d’alimentation saine et de glucides diaboliques avait grandement besoin de quelqu’un comme elle. ‘En tant qu’ambassadrice de Women’s Health, je souhaite montrer qu’il existe mille et une formes de troubles alimentaires. J’ai déjà entendu dire que des médecins passent à côté de la gravité d’un cas parce le patient n’est pas maigre. Quand je souffrais de boulimie, mes parents me disaient que j’avais l’air en forme alors qu’on peut en mourir. C’est sur ce point que je veux renforcer la prise de conscience.’

La blogueuse belge Gudrun Hespel brise le tabou des troubles alimentaires
© Frank Nieuwenhuis

Et cela est nécessaire, à en croire la blogueuse très impliquée. ‘De très nombreux troubles alimentaires ne sont pas considérés comme problématiques. En ce qui concerne l’anorexie, la situation est relativement claire et se traduit par une sous-alimentation. Mais l’orthorexie, un trouble dont j’ai aussi souffert, est dix fois plus grave. Je passais mon temps à compter les calories’, se souvient Gudrun. ‘ Je restais trois heures au supermarché pour lire des chiffres sur les pots de yaourt. Ça me bouffait la vie. ‘

Les jeunes qui me contactent personnellement ont souvent déjà atteint leur point de rupture. Il s’agit d’un sujet sensible et difficile à aborder.

L’entourage n’a pas toujours les clés pour intervenir car les personnes sujettes à des troubles de l’alimentation ne montrent pas nécessairement des signes de mal-être ou de santé déclinante. Et quand tout semble aller pour le mieux en surface, personne ne cherche à en savoir plus. Pour Gudrun, c’est la mentalité de notre époque qui est le noeud du problème. ‘Tout doit paraître beau et joyeux. Selon moi, c’est la cause majeure de certains problèmes, alors qu’il suffirait parfois de parler de son mal-être ou de demander plus vite de l’aide pour résoudre un problème à la source.’

Le bon exemple

Gudrun explique avec enthousiasme la manière dont elle soutient, via son blog et son profil Instagram, de nombreux jeunes atteints d’un trouble alimentaire. ‘Mon objectif dans la vie, c’est d’aider tous ces jeunes. Les filles mais aussi les garçons qui me contactent personnellement ont souvent déjà atteint leur point de rupture. Ils sont sur les genoux. Il s’agit d’un sujet sensible et difficile à aborder. Ils sont confrontés à l’incompréhension de leur entourage ou ne veulent pas ennuyer les autres avec leurs problèmes.’

Ce rôle d’exemple qu’elle endosse la conduit à évoquer en ligne ses propres démons. Toute personne ayant souffert d’un trouble alimentaire sait que le risque de rechute est élevé. ‘C’est la raison pour laquelle je n’ai pas osé dire pendant longtemps que je n’étais pas complètement guérie alors que j’avais déjà mon blog.’

‘Puis un jour j’ai expliqué sur mon blog que j’avais eu des crises de boulimie. Les personnes en proie à un trouble du comportement alimentaire savent combien il est difficile d’avouer à sa famille ou à ses amis qu’on ne va pas bien. Alors imaginez ce que cela représente de se confier à des milliers de personnes dont la plupart vous suivent parce que vous vous en êtes sorti. J’ai longtemps éprouvé des difficultés à en parler. Un trouble du comportement alimentaire fonctionne souvent à coups de rechutes et de rebonds. Mais ce n’est pas parce qu’on rechute qu’on va être aussi mal qu’avant la rechute.’

Pourquoi alors aborder un sujet qui la met parfois mal à l’aise ? ‘Parce que j’estime que l’honnêteté est indispensable. Il arrive à beaucoup de filles qui me suivent de rechuter. Je ne veux pas paraître meilleure que je ne suis. Aujourd’hui, je me sens mieux que jamais et je trouve qu’il est important de montrer toutes les facettes de ma vie. Y compris celles qui sont moins roses.’

Elle met aussi ses abonnées en garde contre le danger de chercher à s’attirer des compliments en ligne sur leur corps. Quand on n’est pas bien dans ses baskets, il faut éviter de tomber dans le piège du superficiel comme des abdos en bétons. ‘La perte de ces beaux abdos peut déclencher un sentiment de mal-être plus profond encore.’

Un trouble du comportement alimentaire fonctionne souvent à coups de rechutes et de rebonds. Mais ce n’est pas parce qu’on rechute qu’on va être aussi mal qu’avant la rechute.

La blogueuse a aussi été confrontée à ce besoin d’être rassurée sur son physique. ‘Je postais régulièrement des photos de mes abdos sur Instagram, jusqu’à ce que je réalise que je le faisais pour de mauvaises raisons’, reconnaît-elle.’ J’ai donc supprimé toutes ces photos. Les poses forcées et les sourires pincés ne font passer aucun message.’

Women’s Health a trouvé en Gudrun une alliée pour l’aider à briser le tabou des troubles alimentaires et c’est incontestablement un signal fort. Les jeunes filles qui ne se reconnaissaient pas jusqu’à présent dans les ambassadrices du magazine ont peut-être leur nouvelle héroïne. Reste à savoir si Men’s Health va marcher sur cette voie positive.

Traduction : virginie·dupont·sprl

La blogueuse belge Gudrun Hespel brise le tabou des troubles alimentaires
© Frank Nieuwenhuis

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